Le rêve grec
aurait donc vécu... Celles et ceux qui, à l’instar du volatile, étaient
demeurés éveillés, insensibles aux fumées ravalées dévalées de l’Olympe
démocratique, s’étonnent malgré tout non tant de la violence de la réaction
troïkienne, mais de la diligence avec laquelle elle fut menée. Pour le moins,
ça n’a pas traîné, tant et si bien que, de cette illusion, nous retiendrons surtout
l’éphémère, le fugitif. Pour le reste, c’est depuis bien belle lurette que
le barnum électoral a rejoint la boîte à soupirs, au même titre que l’ubuesque
oxymoron de la révolution par les urnes.
Laissons à leurs fantasmes d’enfants celles et ceux qui prétendent vaincre le
choléra en usant de la peste, aussi sûrement qu’on vient à bout du cholestérol via
la consommation massive de Nutella.
Dans les faits, à Athènes comme à Paris, l’hémicycle n’est
jamais que le lieu du guignol, théâtre d'ombres destiné à endormir notre
méfiance, à éviter que notre regard se porte sur les lieux où se joue l'essentiel.
Et si jamais le vote signale un commencement de rébellion, la machine se met en
branle et broie l’espoir, à la racine : des semaines, des mois que nombre
d'électeurs de Hollande répètent à l’envi qu'ils n'ont pas voté à gauche pour
se retrouver, au final, avec une politique de droite, incarnée par la loi
Macron ? La contestation enfle, jusque dans les rangs du Ps? On dégaine le
49-3, façon crasseuse de s'asseoir sur les électeurs, éternels dindons de cette
farce.
Il arrive néanmoins que les dindons s’ébrouent. Qu’ils remuent
leurs fesses vaselineuses et glougloutent leur lassitude. Leur foi en l’élection
s’étiole, et se corrompt : dans son édition du 15 mars, le Journal du dimanche rapportait qu’aux
prochaines échéances l’abstention avoisinerait les 60%. Le chiffre n’est pas
anecdotique. Mais, plutôt que d’en signaler l’importance, plutôt que de
relever, en bonne intelligence, le fait que désormais une large majorité d’électeurs refuse de
participer et donc de légitimer le grand carnaval des faux-culs, les plumeux
entonnent la vieille scie de la responsabilité-culpabilité de l’abstentionniste
à qui on devrait, paraît-il, la montée du Front National – étrange arithmétique
permettant, au passage, de dédouaner ceux votant Le Pen.
Au tromblon du 49-3, exhibé lors des débats sur la loi
Macron, ont répondu comme en écho les flashballs et autres canons à eau entrés
en action ce samedi, à Nantes et à Toulouse. Lors de ces manifestations de
soutien aux ZAD menacées, étaient également dénoncées les violences policières
devenues, ces derniers mois, monnaie courante. Désireuses, probablement, d’en
fournir de nouveaux exemples, les forces dites de l’ordre ont chargé sans
ménagement le cortège des Rémi, sans
aller, pour cette fois, jusqu’à l’assassinat. Loin des dérapages que nous servent à chaque fois les medias en guise d’alibi
aux coups de tonfa en pleine gueule, l’attitude de la gendarmesque procède
moins de l’improvisation que de l’application d’une stratégie consciente,
réfléchie, de banalisation de la violence policière. Nous savons désormais que
nous pouvons mourir en manifestation. Que nous pouvons perdre un œil, nous
retrouver défiguré, à la suite d’un rassemblement pacifique. Que la baraque en
bordure de ZAD, dans laquelle sommeillent une dizaine d’occupants, peut être
incendiée en pleine nuit. Couverts par une chaîne de commandement conduisant
aux jardins de l’Elysée, les soudards de la Mobile, munis de ce permis de tuer,
ne se priveront pas d’en user. Le seul fait d’entre être informé devrait
suffire à nous dissuader, à l’avenir, de toute résistance, et donc à voir
mourir les ZAD, faute de combattants.
A les éliminer, d’autant
plus sûrement que le climat général s’y prête, que l’opinion publique,
matraquée de propagande, serait désormais disposée à soutenir le massacre de
nos illusions. On nous dit que les Français, depuis Charlie, aiment leur police. Qu’ils leur offre des fleurs. Que, de
Charonne à Rémi Fraisse, en passant par Bouna, Zyed, Malik,… tout serait
pardonné, oublié. Voir. Le murmure qui sourd à l’arrière des bazars, dans les
kebabs, aux arrêts de bus, aux pieds des tours, contredit ce bel unanimisme.
Les éventuels supplétifs aux forces de police seront à trouver ailleurs. Nous
fêterons bientôt, dans le feu, les dix ans des émeutes. Gageons que, d’ici là,
les occasions seront nombreuses de dénoncer les agissements des bourrins de la
BAC et celles de leurs cousins des milices municipales.
Et c’est ainsi que Charlie est grand.
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