Errare Uranium Est
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ?
Après des décennies de pouvoir sans partage, le Président s’est donc
envolé, renonçant à la toute-puissance et aux prérogatives que lui
conféraient son poste, néanmoins embarquant la caisse, boursouflée de
biffetons. On n’entendra plus parler de lui si ce n’est de loin en loin,
et c’est rien de dire qu’il y a peu de chance qu’il vienne à nous
manquer. C’est du président du FN dont il s’agit évidemment, du vieux Le
Pen ayant, ce week end lors du congrès de Tours, refilé Sceptre et Main
de Justice à sa fifille Marine. « De simple mouvement des éveilleurs, je veux faire du Front National celui des bâtisseurs »,
tonitrua la benjamine. S’il est question de bâtir prisons et camps de
rétention, prière d’avertir la Marine que la clique Sarko a pris une
furieuse avance.
Mais laissons-là ces chiffaillons de la France bleu-blanc-beurk, et revenons à l’essentiel : une fois n’est pas coutume, c’est clairement l’actualité internationale qui prend le pas sur les habituelles sotties hexagono-hexagonales. A moins de se passionner pour la question, certes cruciale, du calendrier relatif aux primaires du Ps — forme de perversion extrême, heureusement fort peu répandue —, à moins d’accorder on ne sait quelle attention malade aux sorties d’une Martine Aubry placée sous codéine intense :« nous avons la force, mais la force, comme vous le savez, peut être tranquille » a-t-elle bramé, ou encore, ceci : « les socialistes sont prêts, le changement est proche », hi hi hi,… à moins, donc, de se fourvoyer en de sempiternelles ritournelles sans queue ni tête ni alouette, l’honnête homme et femme et autruche ne saurait éviter de jeter un œil, même globuleux, au-delà des frontières. Vers la Tunisie bien sûr, vers le Niger également, vers Haïti enfin, Haïti dont notre monde de riches et renfrognés voleurs — en un mot : l’occident — a décidé de se ficher, définitivement. On reprend ?
Tunisie : après quatre semaines d’émeutes, Ben Ali s’est donc taillé, emportant avec lui quelque tonne de métaux précieux, comme tout dictateur qui se respecte. Malgré la décapilotade de son pote, à l’heure où s’écrivent ces lignes Sarko n’a toujours pas prononcé le moindre mot au sujet de cette fâcheuse affaire, lui qui, en général, se montre comme on sait fort soucieux de réagir avec promptitude aux secousses agitant notre pauvre planète. Là, ça tarde, ça se tait, cela vaut mieux me direz-vous, plutôt que de commettre une bourdasse à la mode Baroin lequel, pas plus tard que la semaine dernière, jugeait la position de cette France qui ne pipait mot « équilibrée », et qui pensait qu’aller plus loin serait « faire preuve d’ingérence », ce dont il ne saurait être question puisque « la Tunisie est un ancien protectorat français. » Pas faux. Et donc ? Faut-il rappeler à Baroin-le-chafouin avec quelle belle énergie Sarko s’est ingéré dans les affaires de la Côte d’Ivoire, pourtant ancienne colonie ? Faut-il rappeler également qu’il y a quelques jours à peine MAM, ministre des affaires étrangères, s’exprimant devant les députés, n’excluait pas l’envoi de gendarmes français du côté de Tunis, car « le savoir-faire de nos forces de sécurité permet de régler des situations sécuritaires de ce type »? Elle a l’air finaude, tiens, maintenant, la gendarmette. Quoi qu’il en soit, et alors que ça ne fait même pas quatre jours que Ben Ali a ripé du trône, ces guignols se bousculent sur les plateaux téloches histoire de ne pas insulter l’avenir, et de prendre, sur lui, des gages. Delanoë, maire de Paris, assure ainsi n’avoir « pas croisé Ben Ali depuis beaucoup d’années ». Sic. Parions sans risque qu’ils ne manqueront pas, les politiques jurant, main sur le cœur, ne pas connaître ce monsieur, Ben comment vous dites ? Déjà, comme légèrement gêné aux entournures de son soutien indéfectible au dictateur durant vingt ans, le gouvernement français, par la voix de son ministre de la défense j’ai nommé Juppé-le-Moko, justifie son silence par de piteuses circonvolutions, « la plupart des pays occidentaux pensaient, comme nous, que la Tunisie était un pays stable. » Stable, dans la bouche de Juppé, signifiant verrouillé, tenu, parfaitement policier. «Nous avons sous-estimé l’exaspération de l’opinion publique tunisienne », ajoutait le pantin à la figuration funeste, dans la mesure où, tous, nous savons que la politique étrangère, à l’instar du prix de la baguette et de la demi-livre de beurre, se décide à l’Elysée. Reste à citer Guéant, conseiller spécial de Sarko, Claude Guéant selon lequel « personne ne pouvait prédire que les choses iraient si vite, et aussi loin, en Tunisie », pour ensuite en tirer une très limpide conclusion : nous sommes, en France, gouvernés, dirigés par une bande de types à ce point imbus de leur personne qu’ils n’imaginent même plus qu’un mouvement populaire puisse les faire décaniller. « Ce n’est pas la rue qui gouverne », tonitruent-ils en chœur et depuis des années. Là, ils découvrent, effarés, que la rue, le peuple, existe encore, que donc leur pouvoir est fragile, qu’ils peuvent être balayés en l’espace de quatre semaines. Forcément, le Sarkoland est incapable de prévoir, plus encore de concevoir cela, mais le message est clair : les révolutions ne sont pas toutes de ces moments désuets appartenant au passé, elles peuvent, si nous le décidons, se dérouler ici, demain. Un message que feraient bien de méditer également tous ceux et celles n’ayant pas cru, cet automne, aux chances de succès du premier grand mouvement anti-sarkozyste de masse, appelé, par commodité, « lutte contre la réforme des retraites ». Que ceux et celles retournés fissa à la niche dès que fut votée la loi funeste et alors même que nous avions, au bout de nos bâtons, la possibilité de bloquer ce pays de trous du cul, de le mettre à genoux, de renvoyer l’excité de l’Elysée et sa bande au néant qu’ils n’auraient jamais dû quitter, que celles et ceux-là tentent, au moins, de s’inspirer, la prochaine fois, de l’exemple tunisien. Afin de ne plus être mièvres et pleutres, comme aime à nous considérer les pourritures qui nous gouvernent, et qui savent que la peur nous tient, qu’elle nous fait reculer. Cet automne, à nouveau, nous leur avons donné raison.
Le Maghreb et le monde arabe a peut-être encore quelques leçons d’insurrection à nous donner : au Yémen, en Egypte, au Maroc ça s’agite. En Algérie idem, où quoi qu’on en dise le feu couve, l’Algérie, sur laquelle le vieux Le Pen, l’autre matin, a une nouvelle (une dernière ?) fois craché, lorsqu’un auditeur de Radio-Paris lui demanda si, dans les circonstances actuelles, il avait quelque chose à dire aux Algériens: « je n’ai rien à dire aux Algériens, ils ont voulu l’indépendance ? Qu’ils prennent leurs responsabilités. » Point. Cela fleure mauvais son 1961 et sa Villa des Roses, n’est-ce pas ? Décidemment l’antique verrat aura tenu à rester infect jusqu’au dernier moment de sa crapouilleuse carrière. Au fait : comment appelle-t-on, déjà, la petite du verrat ?
Au Niger, c’est autre chose : lorsque des Français sont enlevés désormais ça mitraille, ça hélicoptérise, ça lance de ces assauts commando ah non mais !, on se laissera plus faire !... Résultat, deux otages tués, on sait plus trop par qui. Pourtant, dans le même temps, on se laisse faire au Mali, où sont détenus cinq Français, on se laisse faire en Afghanistan. De mauvaises langues prétendent que la différence entre le Niger et, par exemple, le Mali, par exemple l’Afghanistan, c’est qu’au Niger y’a de l’uranium. Donc, de gros intérêts. Donc, des entreprises de chez nous. Grosses, les entreprises. Dans ces conditions pas question de laisser les dingos d’Allah mettre en péril le bizness. En Haïti, qu’y-a-t-il ? Depuis un an, des gravats, des tentes, des gens dessous les tentes. Il semblerait que ça n’émeuve désormais plus personne. Des milliards de dollars d’aide internationale sont bloqués dans les caisses du fait d’une ONU incapable d’en finir avec de sombres histoires de réglementation concernant la reconstruction. Qu’y-a-t-il, en Haïti ? Certainement pas d’uranium.
Frédo Ladrisse.
Mais laissons-là ces chiffaillons de la France bleu-blanc-beurk, et revenons à l’essentiel : une fois n’est pas coutume, c’est clairement l’actualité internationale qui prend le pas sur les habituelles sotties hexagono-hexagonales. A moins de se passionner pour la question, certes cruciale, du calendrier relatif aux primaires du Ps — forme de perversion extrême, heureusement fort peu répandue —, à moins d’accorder on ne sait quelle attention malade aux sorties d’une Martine Aubry placée sous codéine intense :« nous avons la force, mais la force, comme vous le savez, peut être tranquille » a-t-elle bramé, ou encore, ceci : « les socialistes sont prêts, le changement est proche », hi hi hi,… à moins, donc, de se fourvoyer en de sempiternelles ritournelles sans queue ni tête ni alouette, l’honnête homme et femme et autruche ne saurait éviter de jeter un œil, même globuleux, au-delà des frontières. Vers la Tunisie bien sûr, vers le Niger également, vers Haïti enfin, Haïti dont notre monde de riches et renfrognés voleurs — en un mot : l’occident — a décidé de se ficher, définitivement. On reprend ?
Tunisie : après quatre semaines d’émeutes, Ben Ali s’est donc taillé, emportant avec lui quelque tonne de métaux précieux, comme tout dictateur qui se respecte. Malgré la décapilotade de son pote, à l’heure où s’écrivent ces lignes Sarko n’a toujours pas prononcé le moindre mot au sujet de cette fâcheuse affaire, lui qui, en général, se montre comme on sait fort soucieux de réagir avec promptitude aux secousses agitant notre pauvre planète. Là, ça tarde, ça se tait, cela vaut mieux me direz-vous, plutôt que de commettre une bourdasse à la mode Baroin lequel, pas plus tard que la semaine dernière, jugeait la position de cette France qui ne pipait mot « équilibrée », et qui pensait qu’aller plus loin serait « faire preuve d’ingérence », ce dont il ne saurait être question puisque « la Tunisie est un ancien protectorat français. » Pas faux. Et donc ? Faut-il rappeler à Baroin-le-chafouin avec quelle belle énergie Sarko s’est ingéré dans les affaires de la Côte d’Ivoire, pourtant ancienne colonie ? Faut-il rappeler également qu’il y a quelques jours à peine MAM, ministre des affaires étrangères, s’exprimant devant les députés, n’excluait pas l’envoi de gendarmes français du côté de Tunis, car « le savoir-faire de nos forces de sécurité permet de régler des situations sécuritaires de ce type »? Elle a l’air finaude, tiens, maintenant, la gendarmette. Quoi qu’il en soit, et alors que ça ne fait même pas quatre jours que Ben Ali a ripé du trône, ces guignols se bousculent sur les plateaux téloches histoire de ne pas insulter l’avenir, et de prendre, sur lui, des gages. Delanoë, maire de Paris, assure ainsi n’avoir « pas croisé Ben Ali depuis beaucoup d’années ». Sic. Parions sans risque qu’ils ne manqueront pas, les politiques jurant, main sur le cœur, ne pas connaître ce monsieur, Ben comment vous dites ? Déjà, comme légèrement gêné aux entournures de son soutien indéfectible au dictateur durant vingt ans, le gouvernement français, par la voix de son ministre de la défense j’ai nommé Juppé-le-Moko, justifie son silence par de piteuses circonvolutions, « la plupart des pays occidentaux pensaient, comme nous, que la Tunisie était un pays stable. » Stable, dans la bouche de Juppé, signifiant verrouillé, tenu, parfaitement policier. «Nous avons sous-estimé l’exaspération de l’opinion publique tunisienne », ajoutait le pantin à la figuration funeste, dans la mesure où, tous, nous savons que la politique étrangère, à l’instar du prix de la baguette et de la demi-livre de beurre, se décide à l’Elysée. Reste à citer Guéant, conseiller spécial de Sarko, Claude Guéant selon lequel « personne ne pouvait prédire que les choses iraient si vite, et aussi loin, en Tunisie », pour ensuite en tirer une très limpide conclusion : nous sommes, en France, gouvernés, dirigés par une bande de types à ce point imbus de leur personne qu’ils n’imaginent même plus qu’un mouvement populaire puisse les faire décaniller. « Ce n’est pas la rue qui gouverne », tonitruent-ils en chœur et depuis des années. Là, ils découvrent, effarés, que la rue, le peuple, existe encore, que donc leur pouvoir est fragile, qu’ils peuvent être balayés en l’espace de quatre semaines. Forcément, le Sarkoland est incapable de prévoir, plus encore de concevoir cela, mais le message est clair : les révolutions ne sont pas toutes de ces moments désuets appartenant au passé, elles peuvent, si nous le décidons, se dérouler ici, demain. Un message que feraient bien de méditer également tous ceux et celles n’ayant pas cru, cet automne, aux chances de succès du premier grand mouvement anti-sarkozyste de masse, appelé, par commodité, « lutte contre la réforme des retraites ». Que ceux et celles retournés fissa à la niche dès que fut votée la loi funeste et alors même que nous avions, au bout de nos bâtons, la possibilité de bloquer ce pays de trous du cul, de le mettre à genoux, de renvoyer l’excité de l’Elysée et sa bande au néant qu’ils n’auraient jamais dû quitter, que celles et ceux-là tentent, au moins, de s’inspirer, la prochaine fois, de l’exemple tunisien. Afin de ne plus être mièvres et pleutres, comme aime à nous considérer les pourritures qui nous gouvernent, et qui savent que la peur nous tient, qu’elle nous fait reculer. Cet automne, à nouveau, nous leur avons donné raison.
Le Maghreb et le monde arabe a peut-être encore quelques leçons d’insurrection à nous donner : au Yémen, en Egypte, au Maroc ça s’agite. En Algérie idem, où quoi qu’on en dise le feu couve, l’Algérie, sur laquelle le vieux Le Pen, l’autre matin, a une nouvelle (une dernière ?) fois craché, lorsqu’un auditeur de Radio-Paris lui demanda si, dans les circonstances actuelles, il avait quelque chose à dire aux Algériens: « je n’ai rien à dire aux Algériens, ils ont voulu l’indépendance ? Qu’ils prennent leurs responsabilités. » Point. Cela fleure mauvais son 1961 et sa Villa des Roses, n’est-ce pas ? Décidemment l’antique verrat aura tenu à rester infect jusqu’au dernier moment de sa crapouilleuse carrière. Au fait : comment appelle-t-on, déjà, la petite du verrat ?
Au Niger, c’est autre chose : lorsque des Français sont enlevés désormais ça mitraille, ça hélicoptérise, ça lance de ces assauts commando ah non mais !, on se laissera plus faire !... Résultat, deux otages tués, on sait plus trop par qui. Pourtant, dans le même temps, on se laisse faire au Mali, où sont détenus cinq Français, on se laisse faire en Afghanistan. De mauvaises langues prétendent que la différence entre le Niger et, par exemple, le Mali, par exemple l’Afghanistan, c’est qu’au Niger y’a de l’uranium. Donc, de gros intérêts. Donc, des entreprises de chez nous. Grosses, les entreprises. Dans ces conditions pas question de laisser les dingos d’Allah mettre en péril le bizness. En Haïti, qu’y-a-t-il ? Depuis un an, des gravats, des tentes, des gens dessous les tentes. Il semblerait que ça n’émeuve désormais plus personne. Des milliards de dollars d’aide internationale sont bloqués dans les caisses du fait d’une ONU incapable d’en finir avec de sombres histoires de réglementation concernant la reconstruction. Qu’y-a-t-il, en Haïti ? Certainement pas d’uranium.
Frédo Ladrisse.
Indignations, indignités
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ?
L’ont-ils bien fêté, la galette, les poulagas de Montpellier ? Tout
porte à croire que oui, qu’elle fut grandement arrosée la policière
frangipane, la fève revenant sans nul doute à celui d’entre ces
guignolos qui lança, l’autre jour, un avis de recherche relatif à un
homicide, avis décrivant « une personne jeune, de petite taille, mince et habillée d’une capuche. »
Sic, car désormais, savez-vous ? Une capuche vous habille. Dès lors,
quand bien même une personne sur trois pouvait se sentir concernée par
l’avis en question, la parano n’a pas gagné le chef-lieu de l’Hérault,
mais le fou rire, forcément. Par ailleurs, on me glisse dans
l’oreillette qu’à l’heure où s’écrivent ces lignes, Tom Pouce court
toujours.
Elle court pareillement, quoi qu’encore plus vite, la jeunesse de Tunisie, confrontée lors de larges émeutes aux tirs à balles réelles. On parle de dizaines de morts. On parle de centaines d’arrestations, et d’une situation, en pratique, insurrectionnelle. C’est assez inquiétant pour qu’Obama himself s’en émeuve et convoque l’ambassadeur tunisien, à Washington. Paris, lui, ne pipe mot. Ben Ali est un pote, ami de qualité qui, paraît-il, sait recevoir. Les socialos eux-mêmes en demeurent, depuis des semaines, bouche bée. Idem les medias, qui auront attendu de ne plus pouvoir faire autrement pour enfin évoquer, comme du bout des lèvres, ces émeutes. C’est que pour l’ami Ben Ali ces événements furent « l’œuvre de bandes masquées qui ont attaqué la nuit des édifices publics » en se rendant ainsi « coupables d’un acte terroriste. » Le gros mot est lâché, tout est dit, rompez les rangs fermez vos bouches, puisqu’on vous dit, m’enfin, qu’il s’agit de terrorisme !... Bandes masquées, hum, et agissant la nuit, re-hum… D’où viennent alors ces images, rares, de manifestations diurnes, sans capuches ni foulards, de « bandes » réunissant plusieurs milliers de personnes et s’affrontant durement à des forces de l’ordre, qui tirent ? De la Hongrie à la Côte d’Ivoire, en passant par la Tunisie, le Pouvoir a loupé une marche, qui musèle les journaux, cogne les journalistes, pendant que pléthore de lycéens, téléphones portables à la main, filment, courent, rentrent à la maison et balancent sur la toile autant d’images interdites. Parfois, s’ils ont le malheur de croiser la police ou les chiens de l’armée, ils en meurent, tout simplement. Mais l’information passe, grâce au courage de quelques-uns nous avons accès au réel. Et ça les fait bien chier, les chiens.
Ils ne sont pas les derniers, les chiens, à célébrer la, parait-il, seule vraie bonne nouvelle de ce début d’année. Elle viendrait de l’édition, de la vente, par plusieurs centaines de mille, du livret de Stéphane Hessel, intitulé « indignez-vous !». Mouais. Bonne nouvelle, vraiment ? Non seulement, à la lecture, la mollassonne brochurette vous glisse des mains pire qu’une motte, mais aussi il s’avère assez désagréable de comme ça recevoir une leçon d’indignation de la part d’un garçon dont l’activité principale consista, durant quarante ans, à traîner ses guêtres en peau de bouc sur les parquets cirés des ambassades de haut vol, non sans complimenter Madame pour la qualité du service et ses parures de choix. Figure de l’indignation, ça ? « Cherchez et vous trouverez », commande l’auteur, par trop biblique. Il lui aurait pourtant suffit de lever les bouts de peau flasque qui lui servent de paupières — j’allais écrire : d’œillères — pour apercevoir, partout, l’insanité d’un monde au sein duquel les motifs d’une indignation véritable ne sont plus à chercher puisque, justement, tout trouvés. Au final, chaque époque ayant les apôtres qu’elle mérite, Hessel le dispute à Nicolas Hulot ou à Bernard-Henri Bidule dans le registre de la révolte de salon, de la colère posée là, telle une ultime décoration, acte de bravoure à deux francs soixante-douze centimes.
S’indigner ? Sous prétexte de fraude, les parlementaires durcissent l’accès des sans-papiers à l’aide médical d’état (AME). Selon le rapport de l’Inspection des Affaires sociales, ces mesures seront à coup-sûr contre-productives, « financièrement inadaptées, administrativement complexes et porteuses de risques sanitaires. » Mais l’idéologie lepénosarkozyste commande, une nouvelle fois, de pointer d’un doigt brun de bouse les étrangers venus manger le Doliprane des Français. Contre toute logique, fut-elle essentiellement comptable, est privilégiée la lutte contre « un certain tourisme médical », lequel n’existe pas, ou reste extrêmement marginal. L’essentiel, ici comme ailleurs, ne saurait être le réel. L’essentiel est de ramener en le sarkozyste giron les voix des xénoparanos lesquels, à ce qu’il semblerait, s’apprêteraient à voter pour la très nationale Marine. S’indigner, quoi encore ? On ne remerciera jamais assez Manuel Valls, amuseur public, d’avoir à sa manière ramené sur le tapis et comme de derrière les fagots l’antédiluvienne question des héroïques 35 heures, qui d’ailleurs sont enterrées, mortes, tombées au champ d’honneur de la guerre des classes, il y a des années déjà. Merci Valls, vraiment, d’empêtrer comme ça le PS, lequel prouve si besoin était qu’il est, plus que jamais et définitivement et jusqu’à la caricature, un putain de parti de droite. Merci également de contraindre l’UMP et le patronat à pousser plus loin le bouchon, à avancer, à découvert, en entonnant l’antienne de la suppression, pure et simple, de la durée légale du temps de travail. « Au profit d’accords négociés, branche par branche », précise Novelli, qui nous prend vraiment pour des cons. Soit des poules. Soit un renard : enfermez-les ensemble, ensuite laissez-les négocier. Indignés ? L’êtes-vous davantage que le brave Thibault qui, au nom de la CGT et vu l’année qu’on vient de passer, décida, carrément !, de boycotter les vœux de notre sublissime président — lequel, n’en doutons pas, en pleure encore de tristesse et de honte, toute bue ? Cependant, Bernard Thibault, en hurlant sur les toits son refus de se rendre à l’Elysée, avouait du même coup y avoir été invité. Indignation peut-être, indignité assurément? Me revient en mémoire la sortie d’Erik Satie à propos de la légion d’honneur: « la refuser, c’est bien. Mais le mieux eut été de ne pas la mériter. »
Frédo Ladrisse.
Elle court pareillement, quoi qu’encore plus vite, la jeunesse de Tunisie, confrontée lors de larges émeutes aux tirs à balles réelles. On parle de dizaines de morts. On parle de centaines d’arrestations, et d’une situation, en pratique, insurrectionnelle. C’est assez inquiétant pour qu’Obama himself s’en émeuve et convoque l’ambassadeur tunisien, à Washington. Paris, lui, ne pipe mot. Ben Ali est un pote, ami de qualité qui, paraît-il, sait recevoir. Les socialos eux-mêmes en demeurent, depuis des semaines, bouche bée. Idem les medias, qui auront attendu de ne plus pouvoir faire autrement pour enfin évoquer, comme du bout des lèvres, ces émeutes. C’est que pour l’ami Ben Ali ces événements furent « l’œuvre de bandes masquées qui ont attaqué la nuit des édifices publics » en se rendant ainsi « coupables d’un acte terroriste. » Le gros mot est lâché, tout est dit, rompez les rangs fermez vos bouches, puisqu’on vous dit, m’enfin, qu’il s’agit de terrorisme !... Bandes masquées, hum, et agissant la nuit, re-hum… D’où viennent alors ces images, rares, de manifestations diurnes, sans capuches ni foulards, de « bandes » réunissant plusieurs milliers de personnes et s’affrontant durement à des forces de l’ordre, qui tirent ? De la Hongrie à la Côte d’Ivoire, en passant par la Tunisie, le Pouvoir a loupé une marche, qui musèle les journaux, cogne les journalistes, pendant que pléthore de lycéens, téléphones portables à la main, filment, courent, rentrent à la maison et balancent sur la toile autant d’images interdites. Parfois, s’ils ont le malheur de croiser la police ou les chiens de l’armée, ils en meurent, tout simplement. Mais l’information passe, grâce au courage de quelques-uns nous avons accès au réel. Et ça les fait bien chier, les chiens.
Ils ne sont pas les derniers, les chiens, à célébrer la, parait-il, seule vraie bonne nouvelle de ce début d’année. Elle viendrait de l’édition, de la vente, par plusieurs centaines de mille, du livret de Stéphane Hessel, intitulé « indignez-vous !». Mouais. Bonne nouvelle, vraiment ? Non seulement, à la lecture, la mollassonne brochurette vous glisse des mains pire qu’une motte, mais aussi il s’avère assez désagréable de comme ça recevoir une leçon d’indignation de la part d’un garçon dont l’activité principale consista, durant quarante ans, à traîner ses guêtres en peau de bouc sur les parquets cirés des ambassades de haut vol, non sans complimenter Madame pour la qualité du service et ses parures de choix. Figure de l’indignation, ça ? « Cherchez et vous trouverez », commande l’auteur, par trop biblique. Il lui aurait pourtant suffit de lever les bouts de peau flasque qui lui servent de paupières — j’allais écrire : d’œillères — pour apercevoir, partout, l’insanité d’un monde au sein duquel les motifs d’une indignation véritable ne sont plus à chercher puisque, justement, tout trouvés. Au final, chaque époque ayant les apôtres qu’elle mérite, Hessel le dispute à Nicolas Hulot ou à Bernard-Henri Bidule dans le registre de la révolte de salon, de la colère posée là, telle une ultime décoration, acte de bravoure à deux francs soixante-douze centimes.
S’indigner ? Sous prétexte de fraude, les parlementaires durcissent l’accès des sans-papiers à l’aide médical d’état (AME). Selon le rapport de l’Inspection des Affaires sociales, ces mesures seront à coup-sûr contre-productives, « financièrement inadaptées, administrativement complexes et porteuses de risques sanitaires. » Mais l’idéologie lepénosarkozyste commande, une nouvelle fois, de pointer d’un doigt brun de bouse les étrangers venus manger le Doliprane des Français. Contre toute logique, fut-elle essentiellement comptable, est privilégiée la lutte contre « un certain tourisme médical », lequel n’existe pas, ou reste extrêmement marginal. L’essentiel, ici comme ailleurs, ne saurait être le réel. L’essentiel est de ramener en le sarkozyste giron les voix des xénoparanos lesquels, à ce qu’il semblerait, s’apprêteraient à voter pour la très nationale Marine. S’indigner, quoi encore ? On ne remerciera jamais assez Manuel Valls, amuseur public, d’avoir à sa manière ramené sur le tapis et comme de derrière les fagots l’antédiluvienne question des héroïques 35 heures, qui d’ailleurs sont enterrées, mortes, tombées au champ d’honneur de la guerre des classes, il y a des années déjà. Merci Valls, vraiment, d’empêtrer comme ça le PS, lequel prouve si besoin était qu’il est, plus que jamais et définitivement et jusqu’à la caricature, un putain de parti de droite. Merci également de contraindre l’UMP et le patronat à pousser plus loin le bouchon, à avancer, à découvert, en entonnant l’antienne de la suppression, pure et simple, de la durée légale du temps de travail. « Au profit d’accords négociés, branche par branche », précise Novelli, qui nous prend vraiment pour des cons. Soit des poules. Soit un renard : enfermez-les ensemble, ensuite laissez-les négocier. Indignés ? L’êtes-vous davantage que le brave Thibault qui, au nom de la CGT et vu l’année qu’on vient de passer, décida, carrément !, de boycotter les vœux de notre sublissime président — lequel, n’en doutons pas, en pleure encore de tristesse et de honte, toute bue ? Cependant, Bernard Thibault, en hurlant sur les toits son refus de se rendre à l’Elysée, avouait du même coup y avoir été invité. Indignation peut-être, indignité assurément? Me revient en mémoire la sortie d’Erik Satie à propos de la légion d’honneur: « la refuser, c’est bien. Mais le mieux eut été de ne pas la mériter. »
Frédo Ladrisse.
En 2011, je coule un bronze.
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ?
On ne dit pas un enfoiré, on dit une autre année de foutue, me révélait
l’autre soir ma fille, du haut de ses douze ans et les yeux comme
collés au papier Carambar dont elle avait, pleine, la bouche. Aussitôt
dit, sitôt défait, partons de là me dis-je, livrons-nous, si vous le
voulez bien, au traditionnel exercice du coup d’œil dans le rétro, et ne
nous privons pas d’un nouveau pot ripoux, en cette fin d’année à la
mord-moi le gnou.
En janvier, Georges Frêche toujours vivant trouvait que Fabius avait « une tronche pas très catholique. » D’aucuns s’en offusquaient rue de Solferino, depuis, le vieux est crevé et le problème est donc réglé. On défilait déjà, dans les rues, le 21 janvier, on était déjà 2 millions à battre le pavé pour rien. Tandis qu’on passait devant le théâtre Saint-Martin où se jouait « la cage aux folles », un drôle, bien que cégétiste, lança au mégaphone: « libérez nos camarades ! » On savait encore rigoler, en manif, en janvier. On ignorait qu’on allait se faire à se point balader.
Février nous cueillit à froid, lorsque nous apprîmes qu’en huit ans les garde-à-vues avaient triplé, atteignant le chiffre hallucinant de 900 000 par an. La poulaille se donnait donc à fond, et laissait libre court à ses tendances paranoïaques : j’en étais là de mes réflexions lorsque que la camarade Isabelle crût bon de me rappeler que « la paranoïa n’est jamais que l’expression d’un altruisme déçu. » Sur le coup, j’en restais, quoi, comme vous, coi. Et tandis que l’autruche se fouillait le cerveau (qu’elle a moins gros que l’œil) Sarko survolait Haïti, ses décombres et ses camps, sans jamais quitter l’hélico et prendre le risque de souiller ses mocassins à glands. Selon son chef d’état-major, le non-déposage, sur le sol, de La Présidentielle Personne, s’imposait « pour des raisons évidentes de logistique. » Plus un palace assez classieux pour sa crassieuse majesté ?
Mars, dieu de la guerre des boutons, fut donc le mois des élections, régionales celles-ci, et l’occasion d’une titanesque, magistrale déculottée pour la droite aux affaires, laquelle ne conserva alors en son giron que l’Alsace : l’Alsace, ah ah, laissez-moi rire, l’Alsace, autrement dit, nada, peau de balle, ce territoire néo-naze où sévissent neige, glace et verglas, l’Alsace, dont nous savons tous qu’elle devrait avoir été rendue, voir bradée, de long temps, aux Allemands. N’empêche : Ségolène Royal profitait de ce succès pour, dépoitraillée à outrance, prendre la défense de son ami Bernard-Henri Lévy (philosophe, essayiste, homme d’affaires français), en prétendant que « le voudrait-il, il n’échappera pas au feu qui le brûle : il a déjà dans le regard, ce dandy, de la cendre. » Bigre. Diantre, et morbleu. Manque néanmoins le charbon pour démarrer cette chaudière-ci. Pendant ce temps, Le Pen dénonçait « les mosquées qui poussent comme des champignons », et se présentait en rempart de « cette France blanche et chrétienne, menacée de disparaître. » Une France que l’ami Ferrat, qui s’en étonnera ?, décidait en mars de quitter, définitivement, et la vie par la même occase. La montagne, depuis, est moins belle.
En avril, historique instant: le couple Sarkozy était reçu à dîner par le couple Obama, et les journaleux se désolaient de ne même pas avoir accès au déroulé du menu ! Peu de chance que ces tristes sires et néanmoins maîtres du monde aient, entre la poire et le cheeseburger, trouvé le temps d’aborder le sujet de Siné Hebdo, lequel mettait la clef sous la porte et revendait jusqu’au paillasson. « C’est pas la fin des haricots », rappelait Siné, qui en a vu d’autres. N’empêche : cela sonnait comme la victoire, par ko et au dernier round, de cette crevure de Philippe Val, Val, directeur de France Inter et de Charlie-hebdo associés, pour pas souvent le meilleur et pour, toujours sûr, le pire, Val, pseudonymé dans les couloirs de la maison ronde Philippe Laval, ou L’avale, selon l’orientation du vent. Val, ami intime de Carla B. et qui en plus s’en vante, Val qui n’allait pas tarder à virer Didier Porte et Stéphane Guillon de l’antenne, par pure complaisance caviardeuse envers l’agité de l’Elysée. En avril, il y avait cependant plus grave. Il y avait Baconschi, ministre roumain et fasciste déclarant devant Pierre Lellouche, envoyé là-bas par Sarko, qu’il y avait« des problèmes physiologiques, naturels, de criminalité parmi les groupes d’ethnies Rom. » Autant de propos préparant la vaste chasse aux bohémiens qui allait déferler sur la France, jusqu’à se dérouler sous nos fenêtres même.
Mai vit François Baroin, tout frais ministre du budget pas encore émoulu, et son homologue Luc Chatel s’opposer fermement à l’idée, jugée saugrenue, d’une baisse du salaire des ministres, puisque « baisser celui-ci reviendrait, par ricochet, à baisser les salaires de tous les agents de la fonction publique. » A peine eut-on le temps de se souvenir que lors de l’auto-augmentation de Sarkozy en 2008 (près de 143%) le salaire desdits agents n’avait pas augmenté d’autant, que la nouvelle tombait, brûlante : « l’anarchie règne dans les rues de la capitale grecque, Athènes est à feu et à sang ! », titraient les papelards promus à la tâche, noble, de réservoir à épluchures les soirs de pommes de terre. Profitant de ce que cette pseudo-guerre civile menaçait jusqu’aux marches du Parthénon, Fillon enfonçait le clou et voyait dans « la crise grecque un révélateur, qui doit nous persuader que nous avons le dos au mur. » Aussi était-il, tout à coup, « urgent de geler les dépenses de l’Etat, de 2011 à 2013 », et de « poursuivre la politique de non remplacement dans la fonction publique. » C’est Sarko ou le chaos, quoi… Lequel Sarko, pendant ce temps, sucrait concrètement les fraises, rendant visite aux producteurs de Tagada, dans le Lot-et-Garonne, et en profitait pour livrer sa très personnelle vision : « il faut cesser de dire que vous êtes des agriculteurs, vous êtes des entrepreneurs, voilà. » Une façon de penser le métier très moyennement partagée par les premiers concernés.
Lorsqu’en Juin de nouvelles manifs contre la réforme des retraites rassemblaient, à nouveau, plusieurs millions de personnes, nous fûmes nombreux à nous demander ce que foutaient les Thibault, les Chérèque et autres Daltons des grosses centrales, ce qu’ils attendaient nom de dieu pour appeler, cette fois sans ambages ni circonvolutions, à la grève générale et reconductible, nom de dieu ! Le fait est que, l’appel, bin on l’attend encore. Sous couvert d’anonymat (c’est à cela qu’on reconnait le courage des bergers qui nous dirigent, tel un troupeau), un ministre affirmait tout de go que la réforme, quoi qu’il en coûte, se ferait, car « l’important c’est le jugement que portent les marchés sur notre gestion. » Dès lors, et en l’absence de réponse à hauteur de cette provocation, il était aisé de deviner que la messe était dite. Cependant, en ce mois pluviard, il n’y eut pas que de sales nouvelles : le général Bigeard cassait sa pipe comme un con, au fond d’un pieu tel un tocard, et l’équipe de France de fouteballe se ridiculisait en Afrique du Sud, montrant son réel visage, bande de gamins surgâtés, boudeurs, hâbleurs, insupportables, sales petits cons blindés de pognon et, qui, du ballon, ne voient que l’or qu’il peut leur rapporter. En juin, tandis que Porte et Guillon étaient donc remerciés par Philippe (La-)Val, Dieudonné, le comique pas drôle, lâchait que « l’Histoire, c’est pour les cons, c’est un nid à problèmes. » Les humoristes, c’est comme les gosses : on a ceux qu’on mérite.
Le 6 Juillet fut expulsé le campement Rom du Hanul, à Saint-Denis. 150 hommes, femmes et enfants, jetés à la rue de bon matin, avant la destruction totale de leurs habitations. « Le 93 ne tolérera plus aucun campement Rom » prévenait, martial en diable, le préfet du département, ancien directeur du Raid. On ne se doutait pas encore que derrière la rodomontade se profilait un projet dépassant, de beaucoup, les frontières de la Seine-Saint-Denis, projet de rafles et démantèlements de campements de fortune qui bientôt seront, partout, détruits, et leurs habitants arrêtés, jetés dans des bus en partance pour Bucarest, la Bulgarie,... Au milieu de l’été, et profitant d’un fait divers s’étant par ailleurs conclu par la mort non d’un gendarme, mais celle d’un jeune issu de la « communauté du voyage » — comme on dit dans les préfectures —, profitant de quelques émeutes du côté de Grenoble et agglomérant le tout, le populisto-pétaino-caricaturo-excitiste siégeant à l’Elysée donnait le coup d’envoi d’une « guerre à la délinquance », dont la visée première était évidemment la reconquête, aléatoire, d’une popularité réduite à peau de couille. Ainsi Brigitte Julien, directrice de la sécurité publique à Grenoble, se laissait aller à expliquer que « la nuit, dans les quartiers, le premier objectif des policiers est de faire des prisonniers. » De là à bombarder les cités, il n’y a qu’un pas que nous ne sommes pas loin de les voir franchir. Pendant ce temps, Eric Woerth commençait à sentir les poils de son cul roussir, et trouvait que, vraiment, « ça commence à bien faire ! » Son copain de cambriolage, le gros Xavier Bertrand, prenait sa défense main au flingue, dénonçant, dans la presse, des « dérapages très graves », «une stratégie de l’abject » et « des méthodes fascistes », rien de moins. Toutes choses étant à rapprocher de la façon dont furent, au plein cœur de l’été, menées les opérations à l’encontre des Roms.
En août, rafles, expulsions, destructions de campements se poursuivirent, sur un rythme soutenu, jusqu’à franchir le cap de l’intolérable pour quelques-unes des belles voix de la conscience nationale, promptes à entonner l’air du « y sont pas comme nous, mais tout de même y’a des limites. » Les journaux débordaient de cette sale conscience, qui, tout en condamnant les méthodes employées, faisaient assaut d’ignorance crasse et de condescendance concernant l’histoire, la situation, et l’avenir du peuple Rom. Dans la torpeur de vacances gâtées par ces nouvelles qui, de jour en jour, exprimaient assez la souffrance et la résignation de ces gens une fois de plus stigmatisés, bouquémissairisés par pure facilité, nous parvenaient la voix ordurière d’Eric Besson lequel, rencontrant ces homologues roumains, n’avait « pas entendu le quart d’un demi grief de leur part », celle, aussi, d’un Hortefeux-nec annonçant sans faillir « une hausse de 138 % de la délinquance roumaine, sur Paris. » Délinquance roumaine, kézako ? Aucun chiffre, à ce jour, ne nous est parvenu au sujet de la délinquance australienne, ou belge, sur Paris. A la fin des congés d’été, un mois à peine après « l’appel à la guerre » de Sarko, le ministre de l’intérieur annonçait, rouge de plaisir, avoir mené à terme l’expulsion de 300 campements Roms. Nul doute que ce type-là mérite la croix de fer.
Au début de septembre c’est tout naturellement qu’on défilait encore, cette fois contre la politique sarkautoritaire du moment. « Manifestations hétéroclites », selon Hortefeux-à-volonté, « où se sont retrouvés une mosaïque de partis traditionnels mais aussi des groupuscules gauchistes et anarchistes. » Autrement dit, personne ? Cependant, ce rassemblement-ci en annonçait bien d’autres, tant furent liés, en cet automne, revendications politiques et exigences sociales. Et tandis que le PS, comme à l’accoutumée, peinait à s’opposer à une réforme des retraites avec laquelle ses ténors se trouvaient, fondamentalement, en accord, l’improbable Eric Woerth se félicitait, un soir de manif’, de constater qu’il y avait « moins de monde dans les rues. » Observait-il les cortèges des fenêtres de la Bettencourt ? Quoi qu’il en fut, l’encore ministre se trompait lourdement, enterrant un peu tôt un mouvement dont septembre ne fut jamais que la bande-annonce.
Octobre commençait bien mal, puisque Finkielkraut ouvrait le bal d’une xénophobie élevée au rang de doctrine d’état, dénonçant à l’antenne de Radio-Paris-Inter « ce sentiment qui monte, en France, qui est une francophobie bien présente. » Bin voyons. Ce serait pas tant, voyez-vous, qu’on aimerait pas les étrangers, se serait que les étrangers ne nous apprécieraient guère. Si tel était le cas, inutile de préciser qu’on ne pourrait que leur donner raison. Mais tandis que se perpétuait la valse puante des charters en direction de Bucarest, la grève prenait (enfin !) corps, dans l’enthousiasme général. Ça débrayait ici ou là, ça bloquait des raffineries, des supermarchés, des lycées, ça manifestait tous les jours, tant et si bien que le pouvoir, fouettant grave des aisselles, faisait donner la troupe. Bastons à Paris, Lyon, Marseille, tirs de flashball à l’aveugle et autres joyeusetés, blessés, arrestations… Ça n’était pas encore le grand soir, mais les petits matins, entre AG et piquets de grève, fleuraient bon la contestation. Au final et avec le recul, nul n’est dupe : la réforme des retraites n’a jamais été qu’un prétexte à l’expression d’une colère, d’un désir de pourrir les terres du Sarkozystan, autrement plus large, plus profond, et dépassant de loin les maigres revendications des centrales syndicales. Le Sarkozystan a tenu bon ? Bien. Nous verrons la fois prochaine.
Nous verrons, car pour l’heure, nous n’avons encore rien vu : novembre fut le mois de toutes les solidarités, des partages à tout rompre, des rencontres improbables et des expériences de luttes, concrètes, collectives, assumées. Ce que nous avons appris là, ce que nous avons vécu, la clique des Woerth et autres Besson ne saurait nous l’enlever. « Fury is palpable, radicalism is fashionable », titrait la presse britannique comme, pendant qu’on retournait au taf, la jeunesse, outre-manche, commençait à s’agiter grave. Oui, c’est bien de furie qu’il s’agit, et la mise en veilleuse, en France, du mouvement de revendication ne signifie en rien son arrêt. Et ce n’est un piteux remaniement ministériel qui peut être susceptible de calmer nos ardeurs.
En décembre, ça remuait également en Grèce, en Italie, en Irlande, en Espagne... De la rage, oui, face au concassage absolu de tout ce qui s’apparente au modèle de protection sociale, aux services publiques, à la solidarité, à l’accueil, à l’ouverture à l’autre. Bousillage en règle des conquêtes et des droits acquis de haute lutte, bousillage à laquelle la fumeuse « crise mondiale» continue de servir d’alibi trop facile. Le radicalisme est dans l’air, oui, et la jeunesse, une fois encore, puisqu’elle n’a plus rien à perdre concocte, dans les caves, des bombes. Autre bombe : en cette fin d’année Wikileaks explosait à la face des petits barons de la diplomatie internationale, éclairait ses dessous, autrement plus sales que chics. Evidemment ça eut hurlé, ça eut éructé au scandale, durant les réceptions de Monsieur l’ambassadeur. « On ne parle pas aux enfants comme on parle aux grandes personnes », résumait Hubert Védrine, ex ministre des affaires étranges. Inutile de préciser qui sont, pour ce glabreux, les « enfants ». Lui et ses coreligionnaires semblent cependant ignorer que, si enfants nous sommes, il y a tout de même belle lurette que nous ne croyons plus au père noël, ni à ses cadeaux par milliers. Et tiens, puisqu’on en parle, cette année le foutu vieillard a encore oublié l’autruche : elle avait demandé à ce que ce soit déposé dans son petit soulier un Beretta modèle CO2. Et bin, nada. Peu importe, elle se vengera ! 2010, année Casanis ? En 2011 je coule un bronze !
Frédo Ladrisse.
En janvier, Georges Frêche toujours vivant trouvait que Fabius avait « une tronche pas très catholique. » D’aucuns s’en offusquaient rue de Solferino, depuis, le vieux est crevé et le problème est donc réglé. On défilait déjà, dans les rues, le 21 janvier, on était déjà 2 millions à battre le pavé pour rien. Tandis qu’on passait devant le théâtre Saint-Martin où se jouait « la cage aux folles », un drôle, bien que cégétiste, lança au mégaphone: « libérez nos camarades ! » On savait encore rigoler, en manif, en janvier. On ignorait qu’on allait se faire à se point balader.
Février nous cueillit à froid, lorsque nous apprîmes qu’en huit ans les garde-à-vues avaient triplé, atteignant le chiffre hallucinant de 900 000 par an. La poulaille se donnait donc à fond, et laissait libre court à ses tendances paranoïaques : j’en étais là de mes réflexions lorsque que la camarade Isabelle crût bon de me rappeler que « la paranoïa n’est jamais que l’expression d’un altruisme déçu. » Sur le coup, j’en restais, quoi, comme vous, coi. Et tandis que l’autruche se fouillait le cerveau (qu’elle a moins gros que l’œil) Sarko survolait Haïti, ses décombres et ses camps, sans jamais quitter l’hélico et prendre le risque de souiller ses mocassins à glands. Selon son chef d’état-major, le non-déposage, sur le sol, de La Présidentielle Personne, s’imposait « pour des raisons évidentes de logistique. » Plus un palace assez classieux pour sa crassieuse majesté ?
Mars, dieu de la guerre des boutons, fut donc le mois des élections, régionales celles-ci, et l’occasion d’une titanesque, magistrale déculottée pour la droite aux affaires, laquelle ne conserva alors en son giron que l’Alsace : l’Alsace, ah ah, laissez-moi rire, l’Alsace, autrement dit, nada, peau de balle, ce territoire néo-naze où sévissent neige, glace et verglas, l’Alsace, dont nous savons tous qu’elle devrait avoir été rendue, voir bradée, de long temps, aux Allemands. N’empêche : Ségolène Royal profitait de ce succès pour, dépoitraillée à outrance, prendre la défense de son ami Bernard-Henri Lévy (philosophe, essayiste, homme d’affaires français), en prétendant que « le voudrait-il, il n’échappera pas au feu qui le brûle : il a déjà dans le regard, ce dandy, de la cendre. » Bigre. Diantre, et morbleu. Manque néanmoins le charbon pour démarrer cette chaudière-ci. Pendant ce temps, Le Pen dénonçait « les mosquées qui poussent comme des champignons », et se présentait en rempart de « cette France blanche et chrétienne, menacée de disparaître. » Une France que l’ami Ferrat, qui s’en étonnera ?, décidait en mars de quitter, définitivement, et la vie par la même occase. La montagne, depuis, est moins belle.
En avril, historique instant: le couple Sarkozy était reçu à dîner par le couple Obama, et les journaleux se désolaient de ne même pas avoir accès au déroulé du menu ! Peu de chance que ces tristes sires et néanmoins maîtres du monde aient, entre la poire et le cheeseburger, trouvé le temps d’aborder le sujet de Siné Hebdo, lequel mettait la clef sous la porte et revendait jusqu’au paillasson. « C’est pas la fin des haricots », rappelait Siné, qui en a vu d’autres. N’empêche : cela sonnait comme la victoire, par ko et au dernier round, de cette crevure de Philippe Val, Val, directeur de France Inter et de Charlie-hebdo associés, pour pas souvent le meilleur et pour, toujours sûr, le pire, Val, pseudonymé dans les couloirs de la maison ronde Philippe Laval, ou L’avale, selon l’orientation du vent. Val, ami intime de Carla B. et qui en plus s’en vante, Val qui n’allait pas tarder à virer Didier Porte et Stéphane Guillon de l’antenne, par pure complaisance caviardeuse envers l’agité de l’Elysée. En avril, il y avait cependant plus grave. Il y avait Baconschi, ministre roumain et fasciste déclarant devant Pierre Lellouche, envoyé là-bas par Sarko, qu’il y avait« des problèmes physiologiques, naturels, de criminalité parmi les groupes d’ethnies Rom. » Autant de propos préparant la vaste chasse aux bohémiens qui allait déferler sur la France, jusqu’à se dérouler sous nos fenêtres même.
Mai vit François Baroin, tout frais ministre du budget pas encore émoulu, et son homologue Luc Chatel s’opposer fermement à l’idée, jugée saugrenue, d’une baisse du salaire des ministres, puisque « baisser celui-ci reviendrait, par ricochet, à baisser les salaires de tous les agents de la fonction publique. » A peine eut-on le temps de se souvenir que lors de l’auto-augmentation de Sarkozy en 2008 (près de 143%) le salaire desdits agents n’avait pas augmenté d’autant, que la nouvelle tombait, brûlante : « l’anarchie règne dans les rues de la capitale grecque, Athènes est à feu et à sang ! », titraient les papelards promus à la tâche, noble, de réservoir à épluchures les soirs de pommes de terre. Profitant de ce que cette pseudo-guerre civile menaçait jusqu’aux marches du Parthénon, Fillon enfonçait le clou et voyait dans « la crise grecque un révélateur, qui doit nous persuader que nous avons le dos au mur. » Aussi était-il, tout à coup, « urgent de geler les dépenses de l’Etat, de 2011 à 2013 », et de « poursuivre la politique de non remplacement dans la fonction publique. » C’est Sarko ou le chaos, quoi… Lequel Sarko, pendant ce temps, sucrait concrètement les fraises, rendant visite aux producteurs de Tagada, dans le Lot-et-Garonne, et en profitait pour livrer sa très personnelle vision : « il faut cesser de dire que vous êtes des agriculteurs, vous êtes des entrepreneurs, voilà. » Une façon de penser le métier très moyennement partagée par les premiers concernés.
Lorsqu’en Juin de nouvelles manifs contre la réforme des retraites rassemblaient, à nouveau, plusieurs millions de personnes, nous fûmes nombreux à nous demander ce que foutaient les Thibault, les Chérèque et autres Daltons des grosses centrales, ce qu’ils attendaient nom de dieu pour appeler, cette fois sans ambages ni circonvolutions, à la grève générale et reconductible, nom de dieu ! Le fait est que, l’appel, bin on l’attend encore. Sous couvert d’anonymat (c’est à cela qu’on reconnait le courage des bergers qui nous dirigent, tel un troupeau), un ministre affirmait tout de go que la réforme, quoi qu’il en coûte, se ferait, car « l’important c’est le jugement que portent les marchés sur notre gestion. » Dès lors, et en l’absence de réponse à hauteur de cette provocation, il était aisé de deviner que la messe était dite. Cependant, en ce mois pluviard, il n’y eut pas que de sales nouvelles : le général Bigeard cassait sa pipe comme un con, au fond d’un pieu tel un tocard, et l’équipe de France de fouteballe se ridiculisait en Afrique du Sud, montrant son réel visage, bande de gamins surgâtés, boudeurs, hâbleurs, insupportables, sales petits cons blindés de pognon et, qui, du ballon, ne voient que l’or qu’il peut leur rapporter. En juin, tandis que Porte et Guillon étaient donc remerciés par Philippe (La-)Val, Dieudonné, le comique pas drôle, lâchait que « l’Histoire, c’est pour les cons, c’est un nid à problèmes. » Les humoristes, c’est comme les gosses : on a ceux qu’on mérite.
Le 6 Juillet fut expulsé le campement Rom du Hanul, à Saint-Denis. 150 hommes, femmes et enfants, jetés à la rue de bon matin, avant la destruction totale de leurs habitations. « Le 93 ne tolérera plus aucun campement Rom » prévenait, martial en diable, le préfet du département, ancien directeur du Raid. On ne se doutait pas encore que derrière la rodomontade se profilait un projet dépassant, de beaucoup, les frontières de la Seine-Saint-Denis, projet de rafles et démantèlements de campements de fortune qui bientôt seront, partout, détruits, et leurs habitants arrêtés, jetés dans des bus en partance pour Bucarest, la Bulgarie,... Au milieu de l’été, et profitant d’un fait divers s’étant par ailleurs conclu par la mort non d’un gendarme, mais celle d’un jeune issu de la « communauté du voyage » — comme on dit dans les préfectures —, profitant de quelques émeutes du côté de Grenoble et agglomérant le tout, le populisto-pétaino-caricaturo-excitiste siégeant à l’Elysée donnait le coup d’envoi d’une « guerre à la délinquance », dont la visée première était évidemment la reconquête, aléatoire, d’une popularité réduite à peau de couille. Ainsi Brigitte Julien, directrice de la sécurité publique à Grenoble, se laissait aller à expliquer que « la nuit, dans les quartiers, le premier objectif des policiers est de faire des prisonniers. » De là à bombarder les cités, il n’y a qu’un pas que nous ne sommes pas loin de les voir franchir. Pendant ce temps, Eric Woerth commençait à sentir les poils de son cul roussir, et trouvait que, vraiment, « ça commence à bien faire ! » Son copain de cambriolage, le gros Xavier Bertrand, prenait sa défense main au flingue, dénonçant, dans la presse, des « dérapages très graves », «une stratégie de l’abject » et « des méthodes fascistes », rien de moins. Toutes choses étant à rapprocher de la façon dont furent, au plein cœur de l’été, menées les opérations à l’encontre des Roms.
En août, rafles, expulsions, destructions de campements se poursuivirent, sur un rythme soutenu, jusqu’à franchir le cap de l’intolérable pour quelques-unes des belles voix de la conscience nationale, promptes à entonner l’air du « y sont pas comme nous, mais tout de même y’a des limites. » Les journaux débordaient de cette sale conscience, qui, tout en condamnant les méthodes employées, faisaient assaut d’ignorance crasse et de condescendance concernant l’histoire, la situation, et l’avenir du peuple Rom. Dans la torpeur de vacances gâtées par ces nouvelles qui, de jour en jour, exprimaient assez la souffrance et la résignation de ces gens une fois de plus stigmatisés, bouquémissairisés par pure facilité, nous parvenaient la voix ordurière d’Eric Besson lequel, rencontrant ces homologues roumains, n’avait « pas entendu le quart d’un demi grief de leur part », celle, aussi, d’un Hortefeux-nec annonçant sans faillir « une hausse de 138 % de la délinquance roumaine, sur Paris. » Délinquance roumaine, kézako ? Aucun chiffre, à ce jour, ne nous est parvenu au sujet de la délinquance australienne, ou belge, sur Paris. A la fin des congés d’été, un mois à peine après « l’appel à la guerre » de Sarko, le ministre de l’intérieur annonçait, rouge de plaisir, avoir mené à terme l’expulsion de 300 campements Roms. Nul doute que ce type-là mérite la croix de fer.
Au début de septembre c’est tout naturellement qu’on défilait encore, cette fois contre la politique sarkautoritaire du moment. « Manifestations hétéroclites », selon Hortefeux-à-volonté, « où se sont retrouvés une mosaïque de partis traditionnels mais aussi des groupuscules gauchistes et anarchistes. » Autrement dit, personne ? Cependant, ce rassemblement-ci en annonçait bien d’autres, tant furent liés, en cet automne, revendications politiques et exigences sociales. Et tandis que le PS, comme à l’accoutumée, peinait à s’opposer à une réforme des retraites avec laquelle ses ténors se trouvaient, fondamentalement, en accord, l’improbable Eric Woerth se félicitait, un soir de manif’, de constater qu’il y avait « moins de monde dans les rues. » Observait-il les cortèges des fenêtres de la Bettencourt ? Quoi qu’il en fut, l’encore ministre se trompait lourdement, enterrant un peu tôt un mouvement dont septembre ne fut jamais que la bande-annonce.
Octobre commençait bien mal, puisque Finkielkraut ouvrait le bal d’une xénophobie élevée au rang de doctrine d’état, dénonçant à l’antenne de Radio-Paris-Inter « ce sentiment qui monte, en France, qui est une francophobie bien présente. » Bin voyons. Ce serait pas tant, voyez-vous, qu’on aimerait pas les étrangers, se serait que les étrangers ne nous apprécieraient guère. Si tel était le cas, inutile de préciser qu’on ne pourrait que leur donner raison. Mais tandis que se perpétuait la valse puante des charters en direction de Bucarest, la grève prenait (enfin !) corps, dans l’enthousiasme général. Ça débrayait ici ou là, ça bloquait des raffineries, des supermarchés, des lycées, ça manifestait tous les jours, tant et si bien que le pouvoir, fouettant grave des aisselles, faisait donner la troupe. Bastons à Paris, Lyon, Marseille, tirs de flashball à l’aveugle et autres joyeusetés, blessés, arrestations… Ça n’était pas encore le grand soir, mais les petits matins, entre AG et piquets de grève, fleuraient bon la contestation. Au final et avec le recul, nul n’est dupe : la réforme des retraites n’a jamais été qu’un prétexte à l’expression d’une colère, d’un désir de pourrir les terres du Sarkozystan, autrement plus large, plus profond, et dépassant de loin les maigres revendications des centrales syndicales. Le Sarkozystan a tenu bon ? Bien. Nous verrons la fois prochaine.
Nous verrons, car pour l’heure, nous n’avons encore rien vu : novembre fut le mois de toutes les solidarités, des partages à tout rompre, des rencontres improbables et des expériences de luttes, concrètes, collectives, assumées. Ce que nous avons appris là, ce que nous avons vécu, la clique des Woerth et autres Besson ne saurait nous l’enlever. « Fury is palpable, radicalism is fashionable », titrait la presse britannique comme, pendant qu’on retournait au taf, la jeunesse, outre-manche, commençait à s’agiter grave. Oui, c’est bien de furie qu’il s’agit, et la mise en veilleuse, en France, du mouvement de revendication ne signifie en rien son arrêt. Et ce n’est un piteux remaniement ministériel qui peut être susceptible de calmer nos ardeurs.
En décembre, ça remuait également en Grèce, en Italie, en Irlande, en Espagne... De la rage, oui, face au concassage absolu de tout ce qui s’apparente au modèle de protection sociale, aux services publiques, à la solidarité, à l’accueil, à l’ouverture à l’autre. Bousillage en règle des conquêtes et des droits acquis de haute lutte, bousillage à laquelle la fumeuse « crise mondiale» continue de servir d’alibi trop facile. Le radicalisme est dans l’air, oui, et la jeunesse, une fois encore, puisqu’elle n’a plus rien à perdre concocte, dans les caves, des bombes. Autre bombe : en cette fin d’année Wikileaks explosait à la face des petits barons de la diplomatie internationale, éclairait ses dessous, autrement plus sales que chics. Evidemment ça eut hurlé, ça eut éructé au scandale, durant les réceptions de Monsieur l’ambassadeur. « On ne parle pas aux enfants comme on parle aux grandes personnes », résumait Hubert Védrine, ex ministre des affaires étranges. Inutile de préciser qui sont, pour ce glabreux, les « enfants ». Lui et ses coreligionnaires semblent cependant ignorer que, si enfants nous sommes, il y a tout de même belle lurette que nous ne croyons plus au père noël, ni à ses cadeaux par milliers. Et tiens, puisqu’on en parle, cette année le foutu vieillard a encore oublié l’autruche : elle avait demandé à ce que ce soit déposé dans son petit soulier un Beretta modèle CO2. Et bin, nada. Peu importe, elle se vengera ! 2010, année Casanis ? En 2011 je coule un bronze !
Frédo Ladrisse.
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