"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Novembre 2010

Est-ce que c’est pas difficile ?

Tirant tête hors du trou, mais qu’ois-je ? Est-ce assuré, les oilles, qu’il Papa en personne autoriserait désormais le port du préservatif ? Alléluia mes frères, le Vatican se réveille et sort de trente ans de sommeil, belle au Benoît dormant, de (sans jeu de mots) mauvaise foi et de criminelle posture concernant le sida !... Ah, on me glisse dans l’oreillette que ça ne serait pas aussi simple, et que la position du missionnaire dirigeant la curie romaine n’aurait, finalement, que peu varié : la capote pourquoi pas, mais « dans certaines circonstances. » D’accord, donc, quand on baise ? Ah non ça non et trois fois non!, non, le préservatif peut être autorisé par exemple « dans les cas de prostitution masculine », Benoît 16-64 considérant alors que « cela peut être un premier pas vers une moralisation, permettant de prendre conscience que tout n’est pas permis et que l’on ne peut pas faire tout ce que l’on veut. » Satané Pape, va, on se disait aussi… Mais t’as pas changé, vieux crouton, et tu sais quoi : moi ça me rassure. C’est  qu’emberlificotement et compagnie, ta prose, devant laquelle une palanquée de jeunes cathos dits de gauche ne manqueront pas de s’extasier sur l’air du « l’Eglise a changé. » Queue dalle, mon cher Cristobal, le dogme reste le dogme, qui jamais ne varie. Plus loin, dans l’ouvrage signé Sa Sainteté, on peut lire que « beaucoup de gens considèrent le sexe comme une drogue, qu’ils s’administrent eux-mêmes. » Eloge de la branlette ? On ne sait. On sait par contre que le bouquin porte le titre de « lumière du monde », en toute humilité. De quoi donner envie d’éteindre, et de galipetter dans le noir.
     D’autres, qui aimeraient assez voir se détourner d’eux les sunlights, c’est la bande de malfrats mouillés dans les eaux troubles de l’affaire Karachi. D’état, l’affaire, comme on sait. L’heure n’est plus à savoir qui a touché, ni même combien. La seule question qui vaille encore, vu l’énormité de la chose, est de savoir quelles méthodes le pouvoir va utiliser pour enterrer ces chauds dossiers, avant que l’incendie ne s’étende au-delà du raisonnable. La fosse risque, à cette occasion, d’être assez peu commune : déjà, on ne compte plus les visites nocturnes et autres vols de matériels dans les rédactions des médias montés en première ligne, Mediapart, le Monde, récemment Rue 89, lequel s’est fait braqué rien de moins que vingt ordinateurs. Tous, enquêtent sur Karachi et/ou sur l’affaire Bettencourt, mais ces cambriolages ne seraient, bien évidemment, que pures coïncidences. Il n’empêche : à Lisbonne, interrogé sur le sujet, Sarkozy en perd son calme et semble-t-il son latin, qui répond concernant certains soupçons à son égard « mais enfin, est-ce que c’est pas [sic]difficile de vérifier, quand même ? » Oui, ça l’est devenu, difficile, vu les moultes entraves à la liberté de la presse que les tenants du Sarkozystan, ces temps-ci, multiplient. Ce qui l’est moins, difficile, c’est de tracer, en ses lapsus, les pensées et désirs profonds du beauf logé à l’Elysée, se montrant impuissant à dominer sa langue et laissant ainsi s’exprimer un inconscient malade. C’est à Lisbonne aussi que le même eut cette saillie, face à un autre journaliste, « vous, je n’ai rien contre vous, mais il semblerait que vous soyez pédophile. J’en ai l’intime conviction.». Pour le balourd à tics, ce n’était qu’une façon d’imager ce que peut être un soupçon sans preuve. Façon, une fois encore, de tout mélanger et de montrer en quelle estime il tient les gens de presse : il aurait pu tout aussi bien user d’un autre exemple, vol de voiture — d’ordinateurs ? Non. Journalistes=pédophiles, c’est une chose entendue, quand bien même il ne l’a pas dite.
     Cependant, on comprend son agacement : agitant les grelots d’un remaniement fantochard, Sarko pensait bénéficier d’une accalmie fut-elle légère sur le front des affaires et des pétards qu’il a au cul. D’autant qu’il avait pris soin de lourder cette casserole percée d’Eric Woerth — il devient quoi, au fait, Woerth ? Las ! Le remaniement a fait pschittt, baudruche à gogos désoeuvrés, sujet de conversation, peut-être, dans les contre-allées du marché des Sablons sise à Neuilly-sur-Seine, mais au-delà : on s’en tamponne. Ils ont remanié, et après ? Révolution dit mère Lagarde, que le mot n’effraie plus. Révolution mais oui, puisqu’un tour à 360 °, pouffe la pouffe : non seulement ces gens-là, qu’ils soient de Bercy ou d’ailleurs, se moquent de nous à outrance, mais, cerise sur l’étron, ils n’ont aucun humour. Pour le reste, c’est à croire qu’on ne change pas une équipe qui perd, qu’on se contente, en douce, d’en affuter les crocs. Dans cette optique, mettre entre les papattes d’Hortefeux-d’artifice la question de l’immigration n’est pas un signe neutre. Immigré=délinquant=place Beauvau : l’équation, pour être logique, n’en est pas moins à pleurer de rage, ou de honte, selon. « Je m’inscris très directement dans les pas d’Eric Besson », a précisé Hortefeux-nouille, ce qui, sans étonner, ne lasse pas d’inquiéter. D’autant qu’à la question de savoir si, du coup, le maroquin ne risquait pas d’être comme qui dirait par trop lesté et la tâche, donc, immense, Hortefeux-à-volonté a répondu que non, bien sûr, que c’est une simple « question d’organisation ». Brrr… Cela vous a, n’est-ce pas, un petit côté… planificateur, à la mode Eichmann, finalement.
     Le remanie ment, le remanie ment, le remaniement est allemand ? Il fut néanmoins l’occasion d’un télésarkoshow d’un comique achevé. Sur la prochaine réforme : « en matière de fiscalité, je voudrais qu’on harmonise nos assiettes. » No comment. Sur la politique monétaire : « la Chine m’a donné son accord pour l’organisation d’un séminaire à ce sujet. » Diantre, la Chine, vous savez, ce pays d’un milliard quatre-cent mille habitants, dont pas un sur trois cent ne connait l’existence d’un vague canton nommé France, eh bien, la Chine, la voilà donnant « son accord » à Sarko. Et son accord sur quoi ? Sur un séminaire… On en tremble, puisqu’à n’en pas douter, ce jour-là, la face du monde en sera changée. Plus loin, concernant la remise du prix Nobel de la paix au chinois Liu Xiaobo, le préfet Sarkozy s’empresse de botter en touche — à moins qu’il ne se mélange les nouilles, dès qu’il s’agit de l’Asie : « Aung Saan Suu Kyi a appelé Carla pas plus tard que ce week end ». Ben oué mon pote, comme je te le dis… Outre qu’on ne voit guère le rapport entre l’opposante birmane et le Nobel chinois —les yeux bridés, peut-être? —,  on imagine mal Aung Saan, en résidence surveillée depuis plus de sept ans, se précipiter le jour de sa libération sur le téléphone le plus proche afin d’appeler Carla Bruni. Bref, ceci n’était jamais qu’une séquence de plus du Big Nawak sarkozien, basé sur le principe Je raconte ce que je veux, je m’en fous, allez-y prouvez que je mens. Est-ce que c’est pas difficile, hein ?
                                                                                              
                                                                                                    Frédo Ladrisse.

Fury is palpable, radicalism is fashionable

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Ils ont remanié, et après ? Sentiment partagé par nombre de quidam, que le tango des ministères laisse de pierre et sans voix. Poules confrontées au couteau du néopétainisme, nous voici démunis, en même temps qu’indifférents au jeu d’ombres chinoises censé nous ensuquer. Car enfin que nous chaut la reconduction de Fillon, celle de Mitterrand ou Mam, et les jetages d’un Borloo, d’une Yade, d’un Woerth ? Méfiance, cependant : au creux de ce remaniement-songe se planque un message, sournois, en forme de nouvelle claque adressée à nous autres. C’est qu’il se disait, comme en creux, que la nomination de Borloo au poste de premier ministre serait la réponse de Sarko aux millions de manifestants battant pavé rouge en octobre, en novembre, quatre semaines durant. Un virage social, quoi, à la sauce droitière soit, mais tout de même : un virage, un genre de pause dans la casse de nos droits. Eh bien, même pas ça. Ce n’était pourtant qu’une façon de minimum légal, très insuffisant, très futile — car enfin nous ne fîmes pas grève pour exiger que Borloo rejoigne Matignon. C’était rien, pratiquement de l’insignifiance : dans ce contexte, reconduire Fillon devient par contre très signifiant. Il n’y aura pas de pause, les bulldozers antisociaux ne laisseront pas, une seconde, reposer leurs moteurs. Non seulement les tenants du Sarkozystan-pour-mille-ans ne nous entendent pas, mais aussi, surtout, nous méprisent. Le seul et unique message de ce remaniement : Français, on vous emmerde, et on va continuer.       
      Pendant ce temps, en provenance du pays où, à ce qu’on nous rabâche, nul ne manifeste jamais chacun restant chez soi à gober les couleuvres néoconservatrices comme autant de fourchetées de panse de brebis farcie, monte un cri tout à fait de saison : « tous ensemble, tous ensemble, general strike ! », hurlaient, en français dans le texte s’il-vous-plaît, près de 50 000 étudiants dans les rues de Londres le 10 novembre, avant de s’affronter durement aux robocops locaux, puis de les déborder et de s’en aller ruiner le siège du parti au pouvoir. La raison de cette colère ? Rien, une broutille, le triplement des frais d’inscription à l’université, à hauteur de 10 000 euros. Pas de quoi s’énerver, n’est-ce pas, cependant ces soi-disant stoïques sujets britanniques semblent, cette fois et durablement, dégondés. « Le radicalisme est dans l’air, la rage est palpable », prévient ainsi Zoé Pilger dans The Indépendant. Ah, que Bakounine fasse que les outre-manchots prennent la relève de la colère !, puisqu’en France elle se calme, s’assoupit, se renfrogne sous le bonnet de nuit. Au pied de l’incinérateur d’ordures en la ville de Saint-Ouen, nous avons, par exemple, dans la matinée de samedi, plié gaules et calicots. Les cheminées réintoxiquent, et le vieux nazi faisant office d’agent de sécurité jubile sous son casque à la con, tout est rentré dans l’ordre patron, valsent les camions-poubelles sous les quolibets des grévistes. Pour autant, tout n’est pas perdu : on a surtout beaucoup gagné en dix jours sous les tentes à bloquer ces ordures, certaines humaines. Gagné du temps, de l’échange et du sens, de l’énergie, du partage, de la solide solidarité, de la bien concrète, de celle qu’on touche du doigt et qu’on sent dans la bouche. Certes on est retourné au taf sans que l’avorton du palais n’ait consenti à abroger cette loi inique et promulguée — tout un symbole — lors d’une nuit sans lune, mais, au-delà du fait qu’on l’attend au prochain tournant, lui et son gang mafioso, nous voilà requinqués comme jamais, les batteries à bloc, tout à fait prêts à en découdre. Si les autorités s’en moquent, à l’abri de la plèbe pensent-ils, protégés par une forêt de centaures oblitérés Police, les bureaucraties syndicales, de leur côté, s’inquiètent à juste titre de cette hargne soudaine, qu’elles savent incontrôlable. Ça flippe dans les permanences car un mouvement tel celui que nous venons de vivre, agit comme un révélateur des farces et attrapes que nous bradent à longueur de temps ces rabougris marchands d’opium et autres professionnels du syndicalisme de salon. Lorsqu’au bout de dix jours de blocage, nuit et jour sous pluie et vent, le délégué local — celui-là, qui accoure quand se pointent les caméras, et qu’autrement on ne voit jamais —, quand il n’ose plus pointer son museau en AG, moi je dis que c’est plutôt bon signe. S’ils ne sont plus ici c’est qu’on avance, vous ne trouvez pas ?
     Ce sentiment, je ne doute pas qu’il soit aujourd’hui partagé par certains producteurs de viande, totalement enfumés par leur propre syndicat, l’innommable FNSEA, lequel, après signature d’un accord sous les ors du ministère de l’agriculture, appelait ses militants à lever le blocage des abattoirs. Or les gars, aux abois, demandaient 60 centimes de plus sur le kilo de bidoche. Le syndicat a lâché, et signé avec les patrons pour 2 à 5 centimes. « C’est le premier pas de la marche en avant pour la hausse des prix et les 60 centimes », déclarait Pierre Chevalier, un de ces fourbes à la si prompte signature. Ce ne sont pas les branches hautes qui manquent, en nos riantes campagnes. Reste à trouver la corde.     
       Mais chut, tais-toi ô ma rancœur, l’essentiel est ailleurs. Il est, paraît-il, dans le projet du Parti Socialiste. Non je déconne. N’empêche, ils ne sont pas tristes ces pitres, à l’instar de François Hollande qui, se positionnant en vue de 2012, se campe en fin stratège : « j’ai laissé passé le coup d’avant pour être maintenant dans le coup du jour. » Bien vu mister Flamby, laisse passer les coups, laisse… Concernant le projet lui-même, l’ex-premier secrétaire estime que « le risque, c’est l’indifférence. » Le problème est de taille, dans la mesure où même de cette indifférence, finalement on s’en tape. Pour le métrosexuel Manuel Valls, « l’exigence de vérité et de crédibilité s’impose » en cette année, manière de dire sans le dire que, depuis Jaurès au moins, mensonge et grand n’importe quoi sont les deux faces d’une même (fausse) monnaie qui a pour nom Parti Socialiste. Valls tient cependant à mettre en garde ses camarades contre une « mélanchonisation des esprits. » La formule serait bien trouvée qu’elle resterait ardue à prononcer. Gageons que Ségolène Royal lui préférera quelque chose comme la mélanchonnitude.
 
                                                                                            Frédo Ladrisse.




J’ai l’impression qu’il va pleuvoir

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Devisant l’autre soir avec l’ami Maunoury —  foisonnant barbu délicat livrant parfois, sur ce blog même, ses photographies telle celle illustrant cet article —, on se disait comme ça qu’Obama, on s’en tape. C’est qu’en cette nuit de novembre à la douceur étrange nous nous trouvions au pied de l’incinérateur d’ordures, sise en la bonne ville de Saint-Ouen, 93400. Incinérateur bloqué par d’irréductibles farouches pour qui, décidemment, le combat ce n’est pas tant qu’il continue, c’est qu’il ne s’arrête jamais. La cheminée crachait encore, mais plus pour très longtemps, ses volutes de dioxine, et la presse venait de nous être livrée, à domicile s’il-vous-plaît: les copains de la plateforme NMPP, toute proche, passaient, de tournée en tournée, refiler aux bloqueurs de la nuit du papier encore chaud, à l’encre mal séchée. Pour tenir sans dormir je vous assure, les amis, que ça vaut les croissants. Or donc, à la Une, Obama. « Nous avons pris une dérouillée », glapissait le maître du monde. Oui je sais: aucun intérêt. Le Parisien titrait lui sur « le troc sexuel », en gavait ses pages 2 et 3, c’est dire si le sujet est hautement gravissime. Plus tard et vainement, nous avons cherché dans Libé trace de la continuation du mouvement actuel : un entrefilet et à peine, faisait écho aux deux pleines pages consacrées à la grève qui agite… la BBC. Interview à l’appui, et tout. Tu vois pourquoi je lis pas Libé, me lança alors l’ami. Bin t’es en train de le lire, lui répondis-je, goguenardant.
      Dans la presse du jour ou plutôt, de cette nuit, il était également question en long et en traviole, du remaniement à venir, soporifique feuilleton servi aux laborieux, histoire qu’ils pensent à autre chose qu’à venir, par exemple, soutenir les piquets. Raffarin, à ce sujet, raffarinait à qui mieux-mieux : « ce qu’il faut à notre pays, c’est une rupture dans la rupture. » Maunoury, pour le coup, ça l’a rendu tout chose, perplexe quoi, limite embarqué dans un genre de vortex à haute teneur philométaprotosophique. De mon côté —solidarité volatile oblige—, j’étais plongé dans Le Canard, déchainé. Alors comme ça il paraîtrait que les journalistes bossant sur des dossiers sensibles sont fliqués à outrance, pistés, écoutés, visités ? Quelle nouvelle, belle Hélène ! On le savait depuis Clovis, cependant ces pratiques ne seraient plus d’actualité : c’est ce qu’en dit Squarcini, chef de la patrouille des barbouzes : « la DCRI n’a rien à voir avec ces carabistouilles. » N’ayant pas apporté sur le piquet mon dictionnaire, je décidai sur-le-champ de ranger l’expression dans la section patois ancien du Nord-Vesoul, et passai à autre chose. Tiens, Dsk est au régime, m’informa Maunoury, tout en se fendant d’un bâillement. De mon côté j’apprenais, parcourant Les Echos, si si, que Martine Aubry avait offert à Michel Rocard, pour ses 80 ans, une édition originale de l’œuvre de Proudhon. « Un cadeau en forme de clin d’œil », précisait le journaleux. Devant ce genre de révélation, pour ce qui était de cligner moi j’y allais des deux yeux. Soudain, un cri : autour du brasero la chorale des filles des cantines, en grève depuis quatre semaines, hurlaient du Renaud en se bougeant pour se réchauffer un brin: cinq heures du mat’ j’ai des frissons, c’est vrai que c’est déjà l’automne. François Copé, lui, ne tremble pas, qui déclare dans Le Figaro vouloir créer à l’assemblée un groupe de travail aux visées antigrèves : « bloquer les ports et les dépôts de carburant, c’est toucher aux fonctions vitales du pays, et ça ce n’est pas supportable. Il y a des choses qu’on ne peut pas laisser faire », menace-t-il, avant de reprocher au corps syndical d’utiliser « des méthodes d’un autre temps. » Hum hum, a lâché  Maunoury. Il a levé les yeux au ciel avant de rajouter: j’ai l’impression qu’il va pleuvoir.
 
                                                                                                 Frédo Ladrisse.



Dura lex, Molex

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Alors comme ça il paraîtrait que les anarchistes grecs auraient tenté de faire imploser notre Sarkoléon ? Le porte-parole de la police d’Athènes a benoîtement déclaré « ignorer les mobiles de cette attaque. » Pas nécessairement au fait de l’état de délabrement, de délitement, de dégoût et colère dans lequel Sarko a plongé le pays, le chef de la police d’Athènes peut compter sur notre aide : on peut sans peine lui fournir une liste de « mobiles » et d’excellentes raisons d’éprouver le désir de voir enfin disparaître cette présidentielle engeance. Pour autant, serait-il confettisé par la grâce du TNT que ne seraient pas, on sait bien, résolus nos problèmes énormes. Le sarkozysme survivrait bien évidemment à son chef, comme n’importe quelle idéologie de mort. Ce n’est pas à l’homme qu’il convient donc de s’attaquer, mais aux idées qu’il véhicule et met en acte. On sait tous cela. Mais c’est plus difficile, n’est-ce pas ?
      La tâche est d’autant plus ardue que tous, depuis quelques années, tous, citoyens, militants ou non, nous avons fait un pas de côté, autrement dit un pas à droite. Tous, nous nous sommes droitisés, la petite musique de la contre-révolution néoconservatrice s’étant insinuée, l’air de rien, dans les cerveaux, en quantité, et ceux des anars y compris : il y a quelques années Le Monde Libertaire m’avait refusé un article, intitulé La marche du crabe (en archive sur ce blog), et qui défendait cette thèse. Au motif que certains faits qui y étaient rapportés étaient, parait-il inexacts, il n’avait pas été publié. Au-delà de la tentation, toujours bien présente chez certains camarades, de réécrire l’Histoire dans le bon sens, j’avais vu dans ce refus une condamnation, confuse. C’est que j’avais dépassé les bornes : une chose est de relever que la Cfdt n’a plus grand-chose à voir avec la Cfdt historique, ou de rappeler la tentation, de plus en plus évidente, qu’éprouve la droite traditionnelle pour le nationalisme pur jus. Une autre est de noter que, dans certains cortèges libertaires les services d’ordre s’opposent aux prétendus casseurs, voir les livrent aux flics. Pareillement, c’était blasphème de relever l’ambigüité des camarades lors des émeutes de 2005, quelques uns se permettant de les condamner sans les comprendre, sur le mode « on ne brûle pas une école ! » Blasphème encore que de rappeler que certaines organisations à visées révolutionnaires ont appelé à voter Chirac en 2002, ou Besancenot en 2007. Mais ça chut, faut pas le dire, ce n’est pas libertairement correct… . Un pas à droite donc, pour tout le monde, et sans distinction d’étiquette. Or, dans le même Monde Libertaire, dans l’éditorial de cette semaine, on peut lire ceci : « plutôt que de lancer un appel incantatoire entre toutes les luttes, j’aurais l’audace, certes naïve, d’appeler ces flics, ces patrons, ces hommes politiques (tous ne puent pas, tous ne sont pas des pourritures, tous ne sont pas des ordures), à tout lâcher et à nous rejoindre. » Sic. Re-sic. Et étranglement. Traditionnellement, l’éditorial de ce journal n’est pas signé. On ne saura donc sans doute jamais qui est ce « je », à « l’audace certes naïve ». Cependant, un souci : si l’édito n’est pas signé c’est qu’il est censé exprimer le point-de-vue, collectif, de la Fédération anarchiste, dont Le Monde libertaire est l’organe. Conclusion : la Fédération anarchiste appelle désormais policiers, patrons, hommes politiques, à nous rejoindre dans les cortèges. On n’est plus, ce faisant, dans la simple naïveté, laquelle sur ce coup a bon dos. On est, tout simplement, dans la bêtise du type « des flics, y’en a des biens » (voir la vidéo de Didier Super ci-dessous ), pire, dans la collaboration de classe, et au-delà encore concernant cet hallucinant appel à la poulaille. Défiler avec les condés ??... Si c’est pas, de la part des anars, faire là un gros pas à droite, si c’est pas renier l’air de rien quelques fondamentaux, que les plumes et le bec, alouette, m’en tombent illico !         
 
 
      Les journalistes, les baveux — tous ne puent pas, tous ne sont pas des ordures ? —, les chieurs de copie y en aurait des bien aussi ? Si tel était le cas, improbable, il est certain que ne serait pas rangée dans cette catégorie Marie Drucker, incalculable présentatrice du journal de La 2 qui, jeudi 28 octobre, jour de manifestation, n’y allait pas, c’est le moins qu’on puisse dire, avec le dos de la cuiller en bois: « malgré quelques irréductibles qui pensent encore pouvoir faire reculer le gouvernement, l’esprit des manifestants étaient à l’amertume. » Tiens donc, et rien que ça ! Les « irréductibles », par millions, ne semblaient pourtant guère se sentir isolés et d’amertume, pas un chouia. De la colère c’est clair, de l’inquiétude assurément, mais de l’amertume, nenni. Pensent-ils nous impressionner, ces porte-paroles de la Sarcloserie-des-Lilas, à comme ça reprendre les mots d’ordre d’un Woerth par exemple, pour qui « ça ne sert à rien de faire grève aujourd’hui contre la réforme des retraites », pour qui « dans une démocratie, on doit respecter les institutions, on doit respecter la loi de la majorité, la majorité issue des urnes. » Fermez le ban et l’arrière-ban, et rendez-vous en 2012 ! La belle fable que voilà, étayée, s’il en était besoin, par un certain Marc-Philippe Daubresse (retenez bien ce nom, car vous n’en entendrez plus jamais parler). Ce Daubresse, donc, ci-devant ministre de la jeunesse, tançait l’autre jour en direct des représentants de syndicats lycéens et étudiants : « on maintiendra cette réforme, y’a un président de la république, il s’appelle Nicolas Sarkozy, que ça plaise ou pas, c’est comme ça ! » Et plus tard de justifier la réforme en question par, je cite, « la météorite de la crise. » Contrairement à ce qui se dit, on peut voir que les dinosaures n’ont pas tous disparu : bien vivant est le daubressorus, dont la tonalité de ses adresses à la jeunesse fait très 1970. Mais tandis que ces monstres à tête plate dévorent goulument nos espoirs d’une société égalitaire et solidaire, le pachydermique Ps propose lui, eh bien, euh… Rendez-vous en 2012 ! En attendant, comme pour tuer le temps, les voilà qui s’amusent à réécrire l’Histoire, tel l’histrion Cambadelis, pour qui « en 2003, une majorité de syndicats a signé l’accord Fillon. » Se rendant compte de sa bévue, le gars s’empressa d’ajouter « enfin, sauf la Cgt, Fo et Sud. » Ce qui, en matière d’ «irréductibles », fait un peu de monde, non ? Les socialos les gagneront-ils, au moins, ces foutues élections pour lesquelles ils vendraient père, mère et belle-sœur ? Ce n’est même pas certain, d’autant que, depuis la mort de Paul-le-Poulpe, dernier grand analyste de la vie politique (juste devant Lalanne il est vrai), on a plus aucune certitude. Les Molex, pour leur part, en ont une : celle d’avoir tout perdu, de s’être fait dézinguer dans les grandes largeurs, abuser (euphémisme), voler, arnaquer, enfumer,… par les mafiosi de la finance pour lesquels si, à cinquante ans, t’as pas fermé d’usine Molex c’est que tu as raté ta vie. Ces crâneurs croiseront-ils un jour le chemin de nous autres, « irréductibles » ? Ce serait intéressant…
 
                                                                                                  Frédo Ladrisse



 
 
 
 

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