Du temps où on naissait plus jeunes
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ?
En raison d’un mouvement de grève impliquant une certaine catégorie de
volatiles dont l’autruche, cette rubrique sera consacrée en totalité à…
la grève (nous prions nos lecteurs de bien vouloir éviter de nous en
excuser.) Ah, la grève… Au Sénat, la semaine dernière, régnait un
suspense intenable avant qu’y soit votée la loi portant réforme du
système des retraites, comme ils disent. L’enculade générale en somme,
comme nous disons, nous. En même temps, on s’en tamponne, de leur vote,
mais à fond. On s’en bat l’occiput, mais grave : que nous chaut l’avis
de la chambre dite haute, en vérité gérontostère, anté-mouroir aux
relents de triques viagrées et de boules à la naphtaline? Qu’une poignée
de sénilologues vantent le courage des croulants ne change rien à
l’affaire : le vote du sénat n’a, au sens strict, aucune espèce
d’importance. Sans importance aucune non plus, les propos de Fillon,
qui, dimanche dernier, prévenait : « je ne laisserai pas bloquer le pays, je ne laisserai pas étouffer l’économie de la France. » Par économie,
entendez : Total, Lagardère, Pinault Dassault et leurs amis. Les
salariés, par contre, peuvent bien étouffer tant qu’ils veulent, c’est
une chose, n’est-ce pas, dont les médéfiens ont appris à ne pas tenir
compte.
Pareillement sans conséquences, les dits d’un certain Vial, Olivier, président d’un certain collectif Stop La Grève — lequel n’est jamais qu’une ramification, je te le donne en mille Lucille, de l’UNI, syndicat étudiant issu de la plus rance France. « Nous voulons faire entendre la voix de la majorité silencieuse, des opprimés victimes d’une prise en otage par les grévistes », assure le garçon qui, dans le même temps, juge que les sondages donnant une majorité de Français favorables à la poursuite du mouvement, eh bien ces sondages « ne sont pas justes. » Si tu le dis… « Je peux vous promettre que, quand on se rend sur le terrain, on voit bien que… » Bon ça suffit, ferme ta bouche, petit bourgeois sans peine, sans chagrin et sans joie : c’est quoi pour toi, le terrain ? Le marché des Sablons à Neuilly-sur-Seine, le dimanche matin? Néanmoins et comme il se doit, ce Collectif bénéficie du soutien des grands prêtres officiant, chaque jour, dans les officiels medias, amen. Curés d’entre les curés, l’increvable brailleur mais toujours dans le sens du vent Gérard Carreyrou, déclarait la semaine dernière qu’ « on a le droit de faire grève, on a le droit de manifester, on a aussi le droit de circuler : c’est une liberté fondamentale. » Reste à inscrire le droit de faire le plein de SP98 dans la Constitution. Pour ce baveux, de toutes façons, « c’est fini, c’est terminé, Nicolas Sarkozy a gagné la bataille. » En voilà, de la belle analyse journalistique, objective, non-influencée ! Au même moment Copé jouait, comme à son habitude, sur le registre La grève, c’est ringard. « Je comprend que certains soient grognons », osait-il au plus fort des manifestations, au moment même où Hortefeux envoyait sa flicaille aux trousses de la jeunesse et des ouvriers, tous pareillement révoltés, « mais bloquer des dépôts, c’est d’un autre temps ! » N’écoutant que son courage, front en sueur et micro tremblant, le journaleux qui lui faisait face osa tout de même lui demander à quels temps Copé faisait ainsi référence. « Au temps où on bloquait les usines, c’est-à-dire il y a plusieurs siècles ! » Les personnels de Filtrauto, de Nutrea, de Jacob Delafon j’en passe et des dizaines, apprécieront.
Apprécieront également les 400 dockers venus, ce lundi à Marseille, prêter main forte aux camarades bloquant le dépôt de Fos-sur-Mer. « A l’aide de pelleteuses, les manifestants ont notamment déversé de la terre devant les camions des compagnies républicaines de sécurité », rapporte le Figaro. Que croyez-vous qu’elles firent, les compagnies fameuses ? Elles ont fermé leur claque-merde, et les ont laissé faire. C’est une chose que de flashballer quelques gamins devant un lycée, c’en est une autre, hein les Rambos, que d’affronter 400 dockers venus avec leurs pelleteuses…
A propos des lycéens, tiens : une élève de Lyon a écopé, la semaine dernière, de cinq mois de prison ferme, oui j’ai bien écrit : ferme, pour avoir incendié une benne à ordures. Camille, toujours à Lyon, fera elle trois mois fermes encore, pour la dégradation d’un panneau JC Decaux, et refus de se soumettre au prélèvement d’ADN. Son avocate : « ce n’est pas une fille d’Action Directe, ce n’est pas une anarcho-libertaire ! » Ah. Elle aurait mangé quoi, sinon, perpète? Lou, Villeurbannais de 18 ans, contrairement à ses camarades croupissant en dépôt, comparaissait libre : accusé d’outrage et de violence à agent, il a reconnu avoir adressé quelques doigts d’honneur aux flics, mais, contrairement à leur version, nie leur avoir jeté un sac plastique rempli de feuilles mortes. Sic. On croit rêver ? Non. Verdict : il ramasse à la pelle deux mois de prison avec sursis et 700 euros d’amende.
Dockers marseillais, marin-pêcheurs bretons, viticulteurs du sud-ouest et autres chauds bouillants devant lesquels gendarmes mobiles, position de la tortue ou pas, tremblotent et flippent des dents pire que les romains d’Astérix ; viticulteurs, marins, dockers, ne pouvant malheureusement pas être de toutes nos manifs, c’est à nous de trouver les moyens d’impressionner les robocops, de figer leurs rires gras et faire taire leur blagues à deux balles (il faut voir, au moins une fois, le mépris que ces fonctionnaires de police affichent et sans vergogne envers, par exemple, un cortège de lycéens), à nous de les faire pisser de trouille dans leurs coquilles protège-coucouilles. Comment s’y prendre, dites-vous ? Parole d’autruche, en manif, enfouir la tête dans le sable n’est pas une bonne stratégie. Vive le feu, dites-vous ? J’attends donc vos propositions.
Et Cependant que la justice embastillait à tour d’écrou la jeunesse de ce pays, le seigneur du Château, lui, réfléchissait tranquillou au futur remaniement, tout en croquant dans sa brioche. Borloo, pas Borloo ? Hum… Nous verrons si le gueux, au final, lui sied. Sa Royale Suffisance, absorbée tout entier par ses soucis de périnée — lequel, le fourbe, se relâche dès qu’il a le dos tourné —, n’a pas fait preuve, ces temps-ci, d’un exemplaire courage. En pleine crise impromptue tout au plus a-t-il, en passant, « ordonné le déblocage de tous les dépôts de carburants », ce qui eut pour effet de renforcer encore la détermination des camarades, sur les piquets. Il a prévenu, aussi, que « certaines limites ne doivent pas être franchies. » On n’en saura pas plus, mais comme en matière de franchissement c’est un connaisseur qui parle, on suppose que Sarko se comprend. Lâchant sa brioche pour une moule, il s’est tout de même offert une ballade à Deauville, en compagnie de Merkell — précision d’importance : ce n’est pas le nom de son labrador, mais celui de la chancelière allemande. Merkell la fidèle, Merkell au museau propre et à l’indéfectible soutien : « en Allemagne comme en France, la population ne pourra pas éviter de regarder la vérité en face, et la vérité c’est que les gens vivent plus vieux. » Merci, chère Angela, de cet éclairage précieux. D’autant que les gens, avant, ils naissaient plus jeunes.
Frédo Ladrisse.
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Ah mais qu’elle fut jolie, à défaut d’être sanglante, la semaine passée ! Ah mais, jours de grève après jours de grève, de défilés en tractages, de cortèges lycéens en euphoriques assemblées, ce fut pur bonheur pour le volatile lequel, par ailleurs, n’a pas vu son bureau ni son chef ni une agrafeuse depuis maintenant huit jours : comme tout gréviste qui se respecte, l’autruche apprécie ce qui n’est pas qu’un temps de colère, mais aussi un vrai temps de pause, un temps où on s’arrête et où on réfléchit et, comme disait l’autre, c’est pas triste. Certes, dans les mois à venir, on bouffera des nouilles et encore, sans même un brin de beurre salé, et sans même être certain de s’être pas battu pour rien : à l’heure où nous mettons sous presse, comme on dit chez France-Dimanche, impossible de savoir quelle sera, demain mardi, le niveau des mobilisations, si elles iront s’amplifiant où au contraire retombant tel un pitoyable soufflé à la cancoillotte éventée. Impossible de savoir non plus si tout s’arrêtera, mercredi ou jeudi, si nous renoncerons ou forcerons la marche, vers plus de radicalité. Mais routiers, étudiants, sont entrés dans la danse, douze raffineries sur douze sont désormais bloquées, et Superdupont a ressorti les jerrycans remisés depuis 1968. Lagarde, ministre des finances, a beau assurer qu’ « il n’y a pas pénurie, mais un sentiment de pénurie » — la bonne blague ! Sur le même modèle, il n’y aurait pas de chômage, mais un sentiment de chômage, pas d’inégalités, mais un sentiment de… ? —, il n’empêche que les queues automobiles n’en finissent pas de s’allonger devant les rares stations-services qui ne sont pas encore à sec, et malgré les rodomontades de la sentimentale Lagarde Sarkozy himself a, ce matin, activé un genre de machin nommé Centre Interministériel de Crise, lequel est piloté par devinez qui ? Notre ami Hortefeux-nouille ! C’est assez dire comment ça panique sous les lambris, au point de refiler la direction du Centre de Crise à rien moins que monsieur le flicaillon-en-chef, comment ça décide, dans le même temps, de se raidir façon chouette empaillée : « je ne laisserai pas bloquer le pays, je ne laisserai pas étouffer l’économie de la France », s’ulcère Fillon-le-Maudit, qui préfère nous voir crever tels pauvres poissons hors de l’eau plutôt que ne s’étouffent ses sponsors, les patrons, comment ça se pose en matador envoyant ses chiens de gardes uniformés aux jeunes, en même temps que ça fait sous soi, merdassant l’habit de lumière d’un pouvoir qui aboie, mais qu’on entend moins que jamais. Sarko a beau prier en l’église Sainte-Pétronille, Fillon a beau jouer de ses méchants sourcils, d’essence il n’y a plus, nous serons bientôt tous à vélo : quel bel automne, vraiment !
Pendant ce temps, combien de lycéens seront tombées sous les balles de la mobile gendarmerie lesquelles, bien que caoutchoutées, sont à même de blesser gravement, comme à Montreuil, les enfants ? On ne plaisante plus : ce matin encore, à Nanterre, à Lyon, dans d’autres villes, ça a frité devant les lycées. Depuis plusieurs jours la police y est présente, chaque matin, multipliant les provocations, à croire que les consignes sont d’alimenter les violences, à seule fin de disqualifier, pour cette fois et pour longtemps, toute mobilisation émanant de la jeunesse. Or, Luc Châtel a beau, allant, ânonner à l’adresse des jeunes qu’il « est dangereux de manifester sur la voie publique », l’opération « rentre chez toi ou on te casse les doigts» semble devoir faire un flop auprès des lycéens.
Fonctionnera-t-elle davantage auprès de leurs parents ? On peut se poser la question, notamment quand on voit la CFDTraîtres, comme à son habitude, entamer une de ces danse-du-recul dont elle a le secret. Dès aujourd’hui et sans nul doute, pour Chérèque c’est plié, l’essentiel étant désormais de trouver, comme ils disent, une « porte de sortie honorable. » Honorable, mes fesses, l’honneur n’a rien à voir là-dedans et comme disait maître Zou-Bi, une porte doit être fermée, ou ouverte. Sarko tente, pour sa part, de la verrouiller à double tour : « dans une économie mondiale qui bouge, nous ne pouvons pas rester immobiles. » De là à reculer, il y a un, deux, trois quatre pas que l’azimuté de l’Elysée ne rechigne pas à exécuter. Plus loin, le prophète au Karcher prévient : « nous ne pouvons pas mettre la poussière sous le tapis. » Ménagère métaphore, dont on se demandera longtemps ce qu’elle vient faire dans un discours concernant les retraites. Mais, en fin connaisseur de l’enfilage de perles, Sarkoléon poursuit, sans se préoccuper le moins du monde du ridicule qui, paraît-il, ne tue plus : « la réforme des retraites est un objectif de justice sociale : songez au sort des petites retraites, et des petits retraités. » A coup sûr et sur le coup, Timide, Atchoum, Grincheux ont reconnu en lui un frère. N’empêche, et puisque nous parlons de nains : le numéro des Thibault-Chérèque, les Grosso et Modo de l’embrouille à la mode « on arrête tout », lasse. Si, une fois de plus, une fois de trop, et alors même que les conditions d’un mouvement social de grande ampleur semblent enfin réunies, si, une fois encore, ces comiques s’arrangent pour le faire avorter, il est clair que c’en est fini, pour un sacré bout de temps, de leur crédibilité, voir de leur légitimité. Alors, cul dans le rocking-chair et pieds dans la bassine d’eau tiède (met du sel, camarade, ça soulage les oignons), le brave populo attendra tranquillou le printemps 2012 et le saint-sacrement des urnes. « Le rapport du FMI dit qu’il faut augmenter la durée de cotisation : c’est exactement ce que nous, socialistes, nous disons », avouait l’autre soir Martine Aubry. C’est assez dire quel petit soir nous attend, en ce printemps maudit.
Les socialistes, puisqu’on en parle, étaient encore présents, dans le cortège parisien, samedi. Présents, c’est vite dit : selon une habitude désormais bien ancrée dans leurs têtes d’ampoule, ils s’incrustent en milieu de manif’, font un petit tour et puis s’en vont. Au journal télévisé du soir, à chaque fois c’est gros plan sur le big ballon du Ps. Il s’agit, à tout prix, de caler le troupeau, autrement dit les électeurs, dans les rails de l’alternance. Sauvegarder l’essentiel, en somme, en laissant penser qu’un Strauss-Kahn, une fois à l’Elysée, pourrait, je sais pas moi, par exemple changer la vie ? Je vous entends rigoler d’ici, mécréants que vous êtes ! Vivement le grand soir qu’on se couche ? On ne saurait vous donner tort, si ce n’est que demain, debout, car demain c’est manif’ !
Frédo Ladrisse.
Pareillement sans conséquences, les dits d’un certain Vial, Olivier, président d’un certain collectif Stop La Grève — lequel n’est jamais qu’une ramification, je te le donne en mille Lucille, de l’UNI, syndicat étudiant issu de la plus rance France. « Nous voulons faire entendre la voix de la majorité silencieuse, des opprimés victimes d’une prise en otage par les grévistes », assure le garçon qui, dans le même temps, juge que les sondages donnant une majorité de Français favorables à la poursuite du mouvement, eh bien ces sondages « ne sont pas justes. » Si tu le dis… « Je peux vous promettre que, quand on se rend sur le terrain, on voit bien que… » Bon ça suffit, ferme ta bouche, petit bourgeois sans peine, sans chagrin et sans joie : c’est quoi pour toi, le terrain ? Le marché des Sablons à Neuilly-sur-Seine, le dimanche matin? Néanmoins et comme il se doit, ce Collectif bénéficie du soutien des grands prêtres officiant, chaque jour, dans les officiels medias, amen. Curés d’entre les curés, l’increvable brailleur mais toujours dans le sens du vent Gérard Carreyrou, déclarait la semaine dernière qu’ « on a le droit de faire grève, on a le droit de manifester, on a aussi le droit de circuler : c’est une liberté fondamentale. » Reste à inscrire le droit de faire le plein de SP98 dans la Constitution. Pour ce baveux, de toutes façons, « c’est fini, c’est terminé, Nicolas Sarkozy a gagné la bataille. » En voilà, de la belle analyse journalistique, objective, non-influencée ! Au même moment Copé jouait, comme à son habitude, sur le registre La grève, c’est ringard. « Je comprend que certains soient grognons », osait-il au plus fort des manifestations, au moment même où Hortefeux envoyait sa flicaille aux trousses de la jeunesse et des ouvriers, tous pareillement révoltés, « mais bloquer des dépôts, c’est d’un autre temps ! » N’écoutant que son courage, front en sueur et micro tremblant, le journaleux qui lui faisait face osa tout de même lui demander à quels temps Copé faisait ainsi référence. « Au temps où on bloquait les usines, c’est-à-dire il y a plusieurs siècles ! » Les personnels de Filtrauto, de Nutrea, de Jacob Delafon j’en passe et des dizaines, apprécieront.
Apprécieront également les 400 dockers venus, ce lundi à Marseille, prêter main forte aux camarades bloquant le dépôt de Fos-sur-Mer. « A l’aide de pelleteuses, les manifestants ont notamment déversé de la terre devant les camions des compagnies républicaines de sécurité », rapporte le Figaro. Que croyez-vous qu’elles firent, les compagnies fameuses ? Elles ont fermé leur claque-merde, et les ont laissé faire. C’est une chose que de flashballer quelques gamins devant un lycée, c’en est une autre, hein les Rambos, que d’affronter 400 dockers venus avec leurs pelleteuses…
A propos des lycéens, tiens : une élève de Lyon a écopé, la semaine dernière, de cinq mois de prison ferme, oui j’ai bien écrit : ferme, pour avoir incendié une benne à ordures. Camille, toujours à Lyon, fera elle trois mois fermes encore, pour la dégradation d’un panneau JC Decaux, et refus de se soumettre au prélèvement d’ADN. Son avocate : « ce n’est pas une fille d’Action Directe, ce n’est pas une anarcho-libertaire ! » Ah. Elle aurait mangé quoi, sinon, perpète? Lou, Villeurbannais de 18 ans, contrairement à ses camarades croupissant en dépôt, comparaissait libre : accusé d’outrage et de violence à agent, il a reconnu avoir adressé quelques doigts d’honneur aux flics, mais, contrairement à leur version, nie leur avoir jeté un sac plastique rempli de feuilles mortes. Sic. On croit rêver ? Non. Verdict : il ramasse à la pelle deux mois de prison avec sursis et 700 euros d’amende.
Dockers marseillais, marin-pêcheurs bretons, viticulteurs du sud-ouest et autres chauds bouillants devant lesquels gendarmes mobiles, position de la tortue ou pas, tremblotent et flippent des dents pire que les romains d’Astérix ; viticulteurs, marins, dockers, ne pouvant malheureusement pas être de toutes nos manifs, c’est à nous de trouver les moyens d’impressionner les robocops, de figer leurs rires gras et faire taire leur blagues à deux balles (il faut voir, au moins une fois, le mépris que ces fonctionnaires de police affichent et sans vergogne envers, par exemple, un cortège de lycéens), à nous de les faire pisser de trouille dans leurs coquilles protège-coucouilles. Comment s’y prendre, dites-vous ? Parole d’autruche, en manif, enfouir la tête dans le sable n’est pas une bonne stratégie. Vive le feu, dites-vous ? J’attends donc vos propositions.
Et Cependant que la justice embastillait à tour d’écrou la jeunesse de ce pays, le seigneur du Château, lui, réfléchissait tranquillou au futur remaniement, tout en croquant dans sa brioche. Borloo, pas Borloo ? Hum… Nous verrons si le gueux, au final, lui sied. Sa Royale Suffisance, absorbée tout entier par ses soucis de périnée — lequel, le fourbe, se relâche dès qu’il a le dos tourné —, n’a pas fait preuve, ces temps-ci, d’un exemplaire courage. En pleine crise impromptue tout au plus a-t-il, en passant, « ordonné le déblocage de tous les dépôts de carburants », ce qui eut pour effet de renforcer encore la détermination des camarades, sur les piquets. Il a prévenu, aussi, que « certaines limites ne doivent pas être franchies. » On n’en saura pas plus, mais comme en matière de franchissement c’est un connaisseur qui parle, on suppose que Sarko se comprend. Lâchant sa brioche pour une moule, il s’est tout de même offert une ballade à Deauville, en compagnie de Merkell — précision d’importance : ce n’est pas le nom de son labrador, mais celui de la chancelière allemande. Merkell la fidèle, Merkell au museau propre et à l’indéfectible soutien : « en Allemagne comme en France, la population ne pourra pas éviter de regarder la vérité en face, et la vérité c’est que les gens vivent plus vieux. » Merci, chère Angela, de cet éclairage précieux. D’autant que les gens, avant, ils naissaient plus jeunes.
Frédo Ladrisse.
Vivement le grand soir qu’on se couche
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Ah mais qu’elle fut jolie, à défaut d’être sanglante, la semaine passée ! Ah mais, jours de grève après jours de grève, de défilés en tractages, de cortèges lycéens en euphoriques assemblées, ce fut pur bonheur pour le volatile lequel, par ailleurs, n’a pas vu son bureau ni son chef ni une agrafeuse depuis maintenant huit jours : comme tout gréviste qui se respecte, l’autruche apprécie ce qui n’est pas qu’un temps de colère, mais aussi un vrai temps de pause, un temps où on s’arrête et où on réfléchit et, comme disait l’autre, c’est pas triste. Certes, dans les mois à venir, on bouffera des nouilles et encore, sans même un brin de beurre salé, et sans même être certain de s’être pas battu pour rien : à l’heure où nous mettons sous presse, comme on dit chez France-Dimanche, impossible de savoir quelle sera, demain mardi, le niveau des mobilisations, si elles iront s’amplifiant où au contraire retombant tel un pitoyable soufflé à la cancoillotte éventée. Impossible de savoir non plus si tout s’arrêtera, mercredi ou jeudi, si nous renoncerons ou forcerons la marche, vers plus de radicalité. Mais routiers, étudiants, sont entrés dans la danse, douze raffineries sur douze sont désormais bloquées, et Superdupont a ressorti les jerrycans remisés depuis 1968. Lagarde, ministre des finances, a beau assurer qu’ « il n’y a pas pénurie, mais un sentiment de pénurie » — la bonne blague ! Sur le même modèle, il n’y aurait pas de chômage, mais un sentiment de chômage, pas d’inégalités, mais un sentiment de… ? —, il n’empêche que les queues automobiles n’en finissent pas de s’allonger devant les rares stations-services qui ne sont pas encore à sec, et malgré les rodomontades de la sentimentale Lagarde Sarkozy himself a, ce matin, activé un genre de machin nommé Centre Interministériel de Crise, lequel est piloté par devinez qui ? Notre ami Hortefeux-nouille ! C’est assez dire comment ça panique sous les lambris, au point de refiler la direction du Centre de Crise à rien moins que monsieur le flicaillon-en-chef, comment ça décide, dans le même temps, de se raidir façon chouette empaillée : « je ne laisserai pas bloquer le pays, je ne laisserai pas étouffer l’économie de la France », s’ulcère Fillon-le-Maudit, qui préfère nous voir crever tels pauvres poissons hors de l’eau plutôt que ne s’étouffent ses sponsors, les patrons, comment ça se pose en matador envoyant ses chiens de gardes uniformés aux jeunes, en même temps que ça fait sous soi, merdassant l’habit de lumière d’un pouvoir qui aboie, mais qu’on entend moins que jamais. Sarko a beau prier en l’église Sainte-Pétronille, Fillon a beau jouer de ses méchants sourcils, d’essence il n’y a plus, nous serons bientôt tous à vélo : quel bel automne, vraiment !
Pendant ce temps, combien de lycéens seront tombées sous les balles de la mobile gendarmerie lesquelles, bien que caoutchoutées, sont à même de blesser gravement, comme à Montreuil, les enfants ? On ne plaisante plus : ce matin encore, à Nanterre, à Lyon, dans d’autres villes, ça a frité devant les lycées. Depuis plusieurs jours la police y est présente, chaque matin, multipliant les provocations, à croire que les consignes sont d’alimenter les violences, à seule fin de disqualifier, pour cette fois et pour longtemps, toute mobilisation émanant de la jeunesse. Or, Luc Châtel a beau, allant, ânonner à l’adresse des jeunes qu’il « est dangereux de manifester sur la voie publique », l’opération « rentre chez toi ou on te casse les doigts» semble devoir faire un flop auprès des lycéens.
Fonctionnera-t-elle davantage auprès de leurs parents ? On peut se poser la question, notamment quand on voit la CFDTraîtres, comme à son habitude, entamer une de ces danse-du-recul dont elle a le secret. Dès aujourd’hui et sans nul doute, pour Chérèque c’est plié, l’essentiel étant désormais de trouver, comme ils disent, une « porte de sortie honorable. » Honorable, mes fesses, l’honneur n’a rien à voir là-dedans et comme disait maître Zou-Bi, une porte doit être fermée, ou ouverte. Sarko tente, pour sa part, de la verrouiller à double tour : « dans une économie mondiale qui bouge, nous ne pouvons pas rester immobiles. » De là à reculer, il y a un, deux, trois quatre pas que l’azimuté de l’Elysée ne rechigne pas à exécuter. Plus loin, le prophète au Karcher prévient : « nous ne pouvons pas mettre la poussière sous le tapis. » Ménagère métaphore, dont on se demandera longtemps ce qu’elle vient faire dans un discours concernant les retraites. Mais, en fin connaisseur de l’enfilage de perles, Sarkoléon poursuit, sans se préoccuper le moins du monde du ridicule qui, paraît-il, ne tue plus : « la réforme des retraites est un objectif de justice sociale : songez au sort des petites retraites, et des petits retraités. » A coup sûr et sur le coup, Timide, Atchoum, Grincheux ont reconnu en lui un frère. N’empêche, et puisque nous parlons de nains : le numéro des Thibault-Chérèque, les Grosso et Modo de l’embrouille à la mode « on arrête tout », lasse. Si, une fois de plus, une fois de trop, et alors même que les conditions d’un mouvement social de grande ampleur semblent enfin réunies, si, une fois encore, ces comiques s’arrangent pour le faire avorter, il est clair que c’en est fini, pour un sacré bout de temps, de leur crédibilité, voir de leur légitimité. Alors, cul dans le rocking-chair et pieds dans la bassine d’eau tiède (met du sel, camarade, ça soulage les oignons), le brave populo attendra tranquillou le printemps 2012 et le saint-sacrement des urnes. « Le rapport du FMI dit qu’il faut augmenter la durée de cotisation : c’est exactement ce que nous, socialistes, nous disons », avouait l’autre soir Martine Aubry. C’est assez dire quel petit soir nous attend, en ce printemps maudit.
Les socialistes, puisqu’on en parle, étaient encore présents, dans le cortège parisien, samedi. Présents, c’est vite dit : selon une habitude désormais bien ancrée dans leurs têtes d’ampoule, ils s’incrustent en milieu de manif’, font un petit tour et puis s’en vont. Au journal télévisé du soir, à chaque fois c’est gros plan sur le big ballon du Ps. Il s’agit, à tout prix, de caler le troupeau, autrement dit les électeurs, dans les rails de l’alternance. Sauvegarder l’essentiel, en somme, en laissant penser qu’un Strauss-Kahn, une fois à l’Elysée, pourrait, je sais pas moi, par exemple changer la vie ? Je vous entends rigoler d’ici, mécréants que vous êtes ! Vivement le grand soir qu’on se couche ? On ne saurait vous donner tort, si ce n’est que demain, debout, car demain c’est manif’ !
Frédo Ladrisse.
C’est pas bientôt fini ?
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Veillée d’armes, mes camarades, à quelques heures de ce que Loulou, ma fillotte de douze ans d’âge, appelle La Grande Grève.
Que Bakounine l’entende, et fasse de ce mardi 12 octobre quelque chose
comme le Pallier de l’Escalier menant à la Révolution, à tout le moins à
l’escabeau d’une grève enfin reconduite, et généralisée, et
expropriatrice ! Ai-je fumé le fenouil ? Nenni. C’est juste à les voir
s’agiter, faire donner le ban et l’arrière ban et tâter le cul de la
crémière, qui me laisse à penser que là-haut, tout au sommet, ça serre
les miches, ça fouette, et pas que la Babette. Tout est bon, qui serait
susceptible de briser l’enthousiasme, pourtant très mesuré, des foules
s’apprêtant à battre le pavé : 61 % des personnes interrogées ont beau
se déclarer pour un mouvement durable, le jeune Wauquiez, secrétaire
d’état à l’emploi, n’en continue pas moins de penser que « au fond d’eux-mêmes, les Français savent que cette réforme est indispensable. » C’est cela, camarade, la démocratie tant vantée : tu crois savoir ce que tu penses, mais, au fond,
tu l’ignores, eux seuls le savent et donc, il est temps de cesser de
penser. Le même Wauquiez, dont le culot décidemment n’a d’égal que la
non importance, se pique de réécrire l’histoire et affirme que « l’attitude du gouvernement a été d’être constamment à l’écoute des préoccupations légitimes des Français. »
Et aujourd’hui, n’est-ce pas, aujourd’hui oui, plus que jamais, avec
plus de 4 personnes sur 5 opposées au projet de réforme des retraites,
ils sont à l’écoute, les jean-foutres ! Pardonne ma colère, camarade, ou
plutôt : rejoins-là. Car c’est assez, à quelques heures de la grève ça
canarde plus que de raison, et s’expriment sur le service public de la
télévision des Pujadas lécheurs patentés de toutes couilles en or, pour
qui demain serait le « baroud d’honneur » de
la contestation. On en reparlera, fiston… Ailleurs, sur d’autres ondes,
voilà que ça cire l’escarpin à cette sombre carabosse nommée Laurence
Parisot, pour qui cette nouvelle journée de grève « remet
en question toute la fiabilité de la France. Le nombre de réunions qui
vont être annulées parce que le partenaire français de la réunion
européenne ne pourra pas être présent, c’est incalculable », couine-t-elle, le mouchoir au groin. « J’ai
l’impression que beaucoup ne mesurent pas que tout ceci participe à une
dégradation très préjudiciable de notre réputation », ajoute alors la carabosse, laquelle ne mesure pas à quel point on s’en cogne, mais grave, de sa réputation et de ses réunions, toutes européennes
qu’elles soient. Croit-elle pouvoir le jouer longtemps l’air de
flutiaux qui dit que ce qui est mauvais pour le patron est mauvais pour
le salarié? Camarade, le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin du
patron. C’est une chose entendue.
S’il fallait une preuve de plus que là-haut, en les sommets immaculés du Sarkozystan éternel, on commence à lâcher dans le froc une chiasse leste et marronnasse, il suffirait alors de les écouter, les jean-foutres, de voir comme ils parlent aux jeunes dont ils redoutent, plus que tout, qu’ils rejoignent le mouvement —ce qui, entre nous, est déjà fait. Luc Chatel, ministre de l’éducation et également porte-parole du gouvernement froussardeux, prévient ainsi les lycéens que « manifester sur la voie publique est dangereux. » Encore quelques déclarations bien paternalistes dans ce genre, et, vexée, c’est toute la jeunesse du pays qu’on verra envahir ladite voie publique.
Enfin, et pour en terminer avec les multiples tentatives de désamorçage d’un mouvement qui n’est même pas encore lancé (ça, on le saura mercredi 13), citons l’increvable néo-lecanuetiste Colombani, journaliste de son état, qui explique, simplissimement, pourquoi défiler demain c’est faire le jeu de Sarkozy : « radicaliser le mouvement, notamment à travers des secteurs d’activités qui sont moins concernés par la réforme des retraites, c’est, à coup sûr, offrir à Nicolas Sarkozy le point de retournement dans l’opinion qu’il attendait, celui à partir duquel il peut espérer ressouder autour de lui et retrouver la position de fédérateur des droites. » Diantre, et même: morbleu ! Tout comme moi, camarade, tu n’avais pas compris qu’en manifestant demain tu apportais ton soutien à l’affolé de l’Elysée ! Maintenant que tu le sais, un seul mot d’ordre : restons au pieu !... Bien sûr non, trois fois non, il y a bien longtemps que les architectures dialectiques baroques des laquais genre Colombani ne nous impressionnent plus, et ne nous font pas plus reculer que la pluie (météo nationale, météo du capital !) ou les robocops surarmés de la gendarmerie mobile — à ce propos : où trouvent-ils leurs si belles coquilles protège-couilles ? Ma mère m’en a demandé une paire.
Cela dit, et pendant que les supergendarmes affectés à la surveillance de la supermanif de demain couvrent leur pseudo-virilité d’un ridicule bout de plastique, certains de leurs collègues, plus modestes, œuvrent dans l’ombre au fichage des populations : il paraîtrait que, de long temps, les Roms sont par exemple fichés par le maréchal des logis-chef Ludovic Cruchot, et ses potes à chaussures à clous. Fichage en loucedé nous dit-on, à l’insu du plein gré de leurs supérieurs, qu’on nous dit. Les nudistes ayant levé le camp (comme les temps sont au rhabillage et aux corps cachés), les gendarmes et képis pas que de Saint-Tropez mènent désormais la chasse aux Roms. MENS, n’est pas le nom d’un nouveau parfum pour Monsieur, mais celui du fichier en question : MENS, pour Minorités Ethniques Non-Sédentarisées. Ce registre officieux aux connotations racialistes, la place Beauvau, évidemment, « n’en a pas connaissance. » On s’en serait douté. De là à pousser le bouchon de vinasse jusqu’à jurer ne jamais l’avoir utilisé, il y a un pas de l’oie que les galonnés refusent, bien entendu, d’exécuter. Or, le hasard a voulu qu’à quelques jours de distance étaient révélées l’existence et de ce fichier MENS, et du manuscrit de la loi portant statut des Juifs, manuscrit annoté de la main même de Pétain. Avec ses petits mots écrits au crayon dans les marges, langue tirée et s’appliquant bien sur les déliés et les pleins, Pétain a, euphémisme, durcit à outrance cette loi : « pas de juifs dans l’éducation », « pas de juifs dans la justice »,… Quel rapport, dites-vous ? Quand les chefs se montrent à ce point zélés, il n’y a pas à s’étonner de voir leurs subalternes l’être autant, parfois plus encore. Ainsi le discours de Grenoble, associé à certaine circulaire relative aux Roms, a activé la haine de tous les petits maréchal des-logis-chef, lesquels sont, en France, pléthore.
A leur tête : Charles Pasqua, qu’on croyait mort, mais qui s’illustre cette semaine avec cette sortie : « expulser quelques Roms, c’est notre droit : ils sont en situation irrégulière. » Les milliers de Roms expulsés apprécieront sans doute le « quelques » prononcé par le vieux barbon.
Mais attention, pauvre Marion: les troupes de la gendarmesque ne servent pas qu’à appliquer, à la botte près, les lois du sarkohinterland : d’aucuns d’entre ces militaires campent également depuis peu devant les galeries, les musées, et autres lieux de perdition. Puisque que l’époque, disions-nous, est aux corps cachés, on place désormais des flics à l’entrée d’une exposition interdite aux moins de dix-huit ans, et on interdit aux ados de voir les photographies dont ils sont pourtant le sujet. Certes, le travail de Larry Clark n’est pas exempt de quelques culs, quelques bites, seringues et flingues. Et alors? Alors la mairie de Paris, une fois de plus très en pointe en matière de libre expression, a préféré ne pas prendre de risques « face aux possibilités de voir arriver des plaintes ou des réactions de catholiques intégristes. » Ainsi s’exprime Christophe Girard, chargé de la culture près le sinistre Delanoë et partisan indéfectible des très académiques Nuits Blanches. Les artistes devraient donc maintenant craindre les intégristes ? Ce n’est bien sûr qu’un piteux prétexte, la vérité étant qu’autocensure, quand tu nous tiens, c’est souvent par les couilles.
Cependant, le manque de courage ne saurait être l’apanage de la seule mairie de Paris : rue de Solferino, cette faiblesse est la chose la mieux partagée. En pleine bataille sur les retraites (l’autruche y revient, l’autruche lâche rien), on peut ainsi entendre Martine Aubry souffler « Monsieur Fillon, c’est injuste ce que vous faites. » Quelle hargne, vraiment, quelle ténacité ! Sûr que Fillon en a pleuré. Surtout, Aubry précise : « l’exaspération qui monte dans ce pays, ce n’est pas sain. » Sic, et mordicus les gens si vous restez bien sages on reviendra sur la réforme, dès que je serai élue à la magistrature suprême. En attendant rentrez chez vous, l’agitation ça n’est pas « sain ». Oui mais Strauss-Kahn, dans tout ça, Strauss-Kahn qui déclarait en mai que « si on vit jusqu’à cent ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à soixante ans », (et pourquoi pas, au fait ?), et puis les autres guignolos, rose à la main mais pour la forme, poing oublié au fond de la poche à pognon, on leur fait quoi, confiance? Le plus étonnant, finalement, n’est pas tant de voir les socialos une fois de plus tenter de calmer la colère qui monte, le plus étonnant reste que pas plus de gens que ça ne saisisse l’occasion qui nous est donné de poser et creuser la seule question qui vaille : c’est quoi ce travail, oh !, c’est pas bientôt fini?
Frédo Ladrisse.
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ?
Un matin comme ça on est bien, on se lève un peu tard, le café infuse
tranquille, mais: on allume la radio. Geste fatal, brisant net toute
velléité de tartine, puisqu’à l’autre bout des ondes cause l’indicible
Finkielkraut. Philosophe, écrivain, courtisan à bretelles du
sarkozystan-pour-mille-ans, ce gars a des idées sur tout, et surtout...
Il vient là vendre son dernier livre, mais il prévient d’emblée avoir « hésité à le publier : j’avais peur d’ajouter du bruit au bruit. »
L’auteur, donc, hésita, mais juste ce qu’il faut : son opuscule est en
vente libre, dans toutes les mauvaises librairies. Le sujet de la
chose ? « En France, il y a un sentiment qui monte. » Bigre. « En France, il y a un sentiment qui monte, qui est une francophobie très présente. Il faut faire face à cela. »
Nous voilà renseigné. Charles Maurras est dans la place, qui agite ses
mains en tous sens, semble parcouru de frissons, tremble des pieds à la
crinière à la manière d’un pantin tout à fait déglingué. Quand, passage
obligé, il se met à parler des Roms, on peut le voir qui bave, un peu :
« tracer une analogie entre le renvoi chez eux, avec indemnité [c’est l’autruche qui souligne],
d’un certain nombre de citoyens et la déportation dans les camps de la
mort, c’est abolir l’existence même des camps de la mort. »
Putain d’envoi n’est-ce pas, uno ladite indemnité changerait la donne
et rachèterait, c’est le mot, l’acte odieux qu’est toute expulsion, pour
ainsi dire, l’humaniserait ? Or, si l’argent n’a pas d’odeur, c’est
rien de dire qu’il y contribue. Deusio, le fait de s’insurger contre les
rafles anti-roms ferait de nous autant de pourritures négationnistes ?
L’argument est usé jusqu’à la corde et raboté telle une poutre ayant
soutenu des générations de pendus. Une rafle est une rafle, quelle qu’en
soient les victimes, et ce qui fut nommé épuration ethnique par exemple
lors des guerres de Yougoslavie, s’applique à la France de 2010.
L’Europe, par la voix de Viviane Reding, l’a clairement rappelé.
Cependant, pour Finkiel’ « il n’y a rien de plus humiliant pour la France aujourd’hui que de comparaître devant cette maîtresse d’école allumée. » Rien de plus humiliant, vraiment ?
Le café est passé, il est désormais dans la tasse, mais sur les ondes l’ultra ne se calme pas pour autant. Le voici endossant le costume du petit juge: « je pense qu’il n’est pas moins grave d’assassiner un policier, un gendarme, que de commettre un acte terroriste. » D’un côté des dizaines de victimes innocentes, de l’autre un personnage ayant, lorsqu’il endossa l’uniforme, accepté les risques inhérents à ce métier bizarre: poulet. Pour le philosophe, cependant, aucune différence notable. En guise de conclusion ce courtisan à la petite semaine estime devoir préciser que « le problème aujourd’hui en France, ce n’est pas Nicolas Sarkozy , le problème c’est cette violence-là, qui ne cesse de monter, ces agressions quasi quotidiennes contre les détenteurs de l’autorité publique. » Nul doute qu’avec une langue à talonnette si bien pendue, Finkielkraut a toutes les chances de finir sous-préfet du canton de Sigmaringen.
Dans le pré carré nazillardon des ultimes impénitents nourris de sarkopétainisme, Finkiel’ côtoiera certainement Hortefeux-à-volonté, lequel, la semaine dernière, s’est illustré en soutenant le flic tueur de gitan, celui de Saint-Aignan. « Je tiens à manifester publiquement mon soutien moral et matériel à ce militaire aujourd’hui dans l’épreuve », susurra le bougnat, comme si c’était le gendarme qui s’était fait descendre et le « gitan » lui, bien vivant. Puis le ministre de préciser que « l’agent bénéficiera de la protection juridique de l’Etat. » Ce qui est tout dire, et tout avouer, en matière de justice. Il y a deux semaines, un de ces cow-boys sortait comme ça libre de son procès, après avoir tiré à sept reprises, sept !, sur un de ces gitans, lui pourtant menotté et entravé à la cheville. En ce moment, les « gens du voyage », comme disent les préfets, les flics et les gadjés, ont tout intérêt à voyager rapidement, à se déplacer vite, à courir entre les arbustes, histoire d’éviter les balles.
Connaîtrons-nous un jour un homicide gendarmesque pour cause de facebookisme outrancier? Rien n’est plus certain, depuis qu’un jeune breton a été condamné à trois mois fermes, oui trois mois, et oui fermes, et trois mois de réelle prison pour avoir, dans le monde virtuel, insulté ces connards pas virtuels eux, du tout. Il paraît qu’il aurait aussi incité ses amis à baiser les femmes des poulets — ce qui, entre nous soit dit, revient à leur rendre service. Mais voilà, c’est toujours pareil : à trop se montrer généreux avec les représentants de la faiblesse publique, on finit en cabane ! C’est à vous dégoûter des Brigitte, tiens, femmes de flics.
D’autres n’eurent pas, ce week-end, à introduire leur pénis dans le vagin d’une madame Cruchot pour finir malgré tout en tôle. A Bruxelles, lors d’une manif syndicale tout à fait bon enfant, la Brigade des Clowns fut embarquée préventivement, puis des militants bastonnés, traînés à terre et arrêtés, en plein cœur des cortèges (voir la vidéo, plus bas). Celles et ceux ayant croisé la Brigade des Clowns connaissent leur dangerosité : déclenchant le rire des passants au détriment des forces de l’ordre, ils ridiculisent l’uniforme ce qui, bien entendu, ne saurait être toléré, et mérite la cabane, au moins. Dans l’eurosarkoland d’aujourd’hui et surtout d’après-demain, se foutre de la gueule de ces trous du cul de flicaillons vaut outrage, très insupportable, par conséquence peine de prison. Une question, dès lors, se pose, dont nous connaissons la réponse : où glisse une société protégée par une bande de cocus dont le principal du métier est de mettre aux arrêts les clowns ?
Frédo Ladrisse.
S’il fallait une preuve de plus que là-haut, en les sommets immaculés du Sarkozystan éternel, on commence à lâcher dans le froc une chiasse leste et marronnasse, il suffirait alors de les écouter, les jean-foutres, de voir comme ils parlent aux jeunes dont ils redoutent, plus que tout, qu’ils rejoignent le mouvement —ce qui, entre nous, est déjà fait. Luc Chatel, ministre de l’éducation et également porte-parole du gouvernement froussardeux, prévient ainsi les lycéens que « manifester sur la voie publique est dangereux. » Encore quelques déclarations bien paternalistes dans ce genre, et, vexée, c’est toute la jeunesse du pays qu’on verra envahir ladite voie publique.
Enfin, et pour en terminer avec les multiples tentatives de désamorçage d’un mouvement qui n’est même pas encore lancé (ça, on le saura mercredi 13), citons l’increvable néo-lecanuetiste Colombani, journaliste de son état, qui explique, simplissimement, pourquoi défiler demain c’est faire le jeu de Sarkozy : « radicaliser le mouvement, notamment à travers des secteurs d’activités qui sont moins concernés par la réforme des retraites, c’est, à coup sûr, offrir à Nicolas Sarkozy le point de retournement dans l’opinion qu’il attendait, celui à partir duquel il peut espérer ressouder autour de lui et retrouver la position de fédérateur des droites. » Diantre, et même: morbleu ! Tout comme moi, camarade, tu n’avais pas compris qu’en manifestant demain tu apportais ton soutien à l’affolé de l’Elysée ! Maintenant que tu le sais, un seul mot d’ordre : restons au pieu !... Bien sûr non, trois fois non, il y a bien longtemps que les architectures dialectiques baroques des laquais genre Colombani ne nous impressionnent plus, et ne nous font pas plus reculer que la pluie (météo nationale, météo du capital !) ou les robocops surarmés de la gendarmerie mobile — à ce propos : où trouvent-ils leurs si belles coquilles protège-couilles ? Ma mère m’en a demandé une paire.
Cela dit, et pendant que les supergendarmes affectés à la surveillance de la supermanif de demain couvrent leur pseudo-virilité d’un ridicule bout de plastique, certains de leurs collègues, plus modestes, œuvrent dans l’ombre au fichage des populations : il paraîtrait que, de long temps, les Roms sont par exemple fichés par le maréchal des logis-chef Ludovic Cruchot, et ses potes à chaussures à clous. Fichage en loucedé nous dit-on, à l’insu du plein gré de leurs supérieurs, qu’on nous dit. Les nudistes ayant levé le camp (comme les temps sont au rhabillage et aux corps cachés), les gendarmes et képis pas que de Saint-Tropez mènent désormais la chasse aux Roms. MENS, n’est pas le nom d’un nouveau parfum pour Monsieur, mais celui du fichier en question : MENS, pour Minorités Ethniques Non-Sédentarisées. Ce registre officieux aux connotations racialistes, la place Beauvau, évidemment, « n’en a pas connaissance. » On s’en serait douté. De là à pousser le bouchon de vinasse jusqu’à jurer ne jamais l’avoir utilisé, il y a un pas de l’oie que les galonnés refusent, bien entendu, d’exécuter. Or, le hasard a voulu qu’à quelques jours de distance étaient révélées l’existence et de ce fichier MENS, et du manuscrit de la loi portant statut des Juifs, manuscrit annoté de la main même de Pétain. Avec ses petits mots écrits au crayon dans les marges, langue tirée et s’appliquant bien sur les déliés et les pleins, Pétain a, euphémisme, durcit à outrance cette loi : « pas de juifs dans l’éducation », « pas de juifs dans la justice »,… Quel rapport, dites-vous ? Quand les chefs se montrent à ce point zélés, il n’y a pas à s’étonner de voir leurs subalternes l’être autant, parfois plus encore. Ainsi le discours de Grenoble, associé à certaine circulaire relative aux Roms, a activé la haine de tous les petits maréchal des-logis-chef, lesquels sont, en France, pléthore.
A leur tête : Charles Pasqua, qu’on croyait mort, mais qui s’illustre cette semaine avec cette sortie : « expulser quelques Roms, c’est notre droit : ils sont en situation irrégulière. » Les milliers de Roms expulsés apprécieront sans doute le « quelques » prononcé par le vieux barbon.
Mais attention, pauvre Marion: les troupes de la gendarmesque ne servent pas qu’à appliquer, à la botte près, les lois du sarkohinterland : d’aucuns d’entre ces militaires campent également depuis peu devant les galeries, les musées, et autres lieux de perdition. Puisque que l’époque, disions-nous, est aux corps cachés, on place désormais des flics à l’entrée d’une exposition interdite aux moins de dix-huit ans, et on interdit aux ados de voir les photographies dont ils sont pourtant le sujet. Certes, le travail de Larry Clark n’est pas exempt de quelques culs, quelques bites, seringues et flingues. Et alors? Alors la mairie de Paris, une fois de plus très en pointe en matière de libre expression, a préféré ne pas prendre de risques « face aux possibilités de voir arriver des plaintes ou des réactions de catholiques intégristes. » Ainsi s’exprime Christophe Girard, chargé de la culture près le sinistre Delanoë et partisan indéfectible des très académiques Nuits Blanches. Les artistes devraient donc maintenant craindre les intégristes ? Ce n’est bien sûr qu’un piteux prétexte, la vérité étant qu’autocensure, quand tu nous tiens, c’est souvent par les couilles.
Cependant, le manque de courage ne saurait être l’apanage de la seule mairie de Paris : rue de Solferino, cette faiblesse est la chose la mieux partagée. En pleine bataille sur les retraites (l’autruche y revient, l’autruche lâche rien), on peut ainsi entendre Martine Aubry souffler « Monsieur Fillon, c’est injuste ce que vous faites. » Quelle hargne, vraiment, quelle ténacité ! Sûr que Fillon en a pleuré. Surtout, Aubry précise : « l’exaspération qui monte dans ce pays, ce n’est pas sain. » Sic, et mordicus les gens si vous restez bien sages on reviendra sur la réforme, dès que je serai élue à la magistrature suprême. En attendant rentrez chez vous, l’agitation ça n’est pas « sain ». Oui mais Strauss-Kahn, dans tout ça, Strauss-Kahn qui déclarait en mai que « si on vit jusqu’à cent ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à soixante ans », (et pourquoi pas, au fait ?), et puis les autres guignolos, rose à la main mais pour la forme, poing oublié au fond de la poche à pognon, on leur fait quoi, confiance? Le plus étonnant, finalement, n’est pas tant de voir les socialos une fois de plus tenter de calmer la colère qui monte, le plus étonnant reste que pas plus de gens que ça ne saisisse l’occasion qui nous est donné de poser et creuser la seule question qui vaille : c’est quoi ce travail, oh !, c’est pas bientôt fini?
Frédo Ladrisse.
Rien de plus humiliant
Le café est passé, il est désormais dans la tasse, mais sur les ondes l’ultra ne se calme pas pour autant. Le voici endossant le costume du petit juge: « je pense qu’il n’est pas moins grave d’assassiner un policier, un gendarme, que de commettre un acte terroriste. » D’un côté des dizaines de victimes innocentes, de l’autre un personnage ayant, lorsqu’il endossa l’uniforme, accepté les risques inhérents à ce métier bizarre: poulet. Pour le philosophe, cependant, aucune différence notable. En guise de conclusion ce courtisan à la petite semaine estime devoir préciser que « le problème aujourd’hui en France, ce n’est pas Nicolas Sarkozy , le problème c’est cette violence-là, qui ne cesse de monter, ces agressions quasi quotidiennes contre les détenteurs de l’autorité publique. » Nul doute qu’avec une langue à talonnette si bien pendue, Finkielkraut a toutes les chances de finir sous-préfet du canton de Sigmaringen.
Dans le pré carré nazillardon des ultimes impénitents nourris de sarkopétainisme, Finkiel’ côtoiera certainement Hortefeux-à-volonté, lequel, la semaine dernière, s’est illustré en soutenant le flic tueur de gitan, celui de Saint-Aignan. « Je tiens à manifester publiquement mon soutien moral et matériel à ce militaire aujourd’hui dans l’épreuve », susurra le bougnat, comme si c’était le gendarme qui s’était fait descendre et le « gitan » lui, bien vivant. Puis le ministre de préciser que « l’agent bénéficiera de la protection juridique de l’Etat. » Ce qui est tout dire, et tout avouer, en matière de justice. Il y a deux semaines, un de ces cow-boys sortait comme ça libre de son procès, après avoir tiré à sept reprises, sept !, sur un de ces gitans, lui pourtant menotté et entravé à la cheville. En ce moment, les « gens du voyage », comme disent les préfets, les flics et les gadjés, ont tout intérêt à voyager rapidement, à se déplacer vite, à courir entre les arbustes, histoire d’éviter les balles.
Connaîtrons-nous un jour un homicide gendarmesque pour cause de facebookisme outrancier? Rien n’est plus certain, depuis qu’un jeune breton a été condamné à trois mois fermes, oui trois mois, et oui fermes, et trois mois de réelle prison pour avoir, dans le monde virtuel, insulté ces connards pas virtuels eux, du tout. Il paraît qu’il aurait aussi incité ses amis à baiser les femmes des poulets — ce qui, entre nous soit dit, revient à leur rendre service. Mais voilà, c’est toujours pareil : à trop se montrer généreux avec les représentants de la faiblesse publique, on finit en cabane ! C’est à vous dégoûter des Brigitte, tiens, femmes de flics.
D’autres n’eurent pas, ce week-end, à introduire leur pénis dans le vagin d’une madame Cruchot pour finir malgré tout en tôle. A Bruxelles, lors d’une manif syndicale tout à fait bon enfant, la Brigade des Clowns fut embarquée préventivement, puis des militants bastonnés, traînés à terre et arrêtés, en plein cœur des cortèges (voir la vidéo, plus bas). Celles et ceux ayant croisé la Brigade des Clowns connaissent leur dangerosité : déclenchant le rire des passants au détriment des forces de l’ordre, ils ridiculisent l’uniforme ce qui, bien entendu, ne saurait être toléré, et mérite la cabane, au moins. Dans l’eurosarkoland d’aujourd’hui et surtout d’après-demain, se foutre de la gueule de ces trous du cul de flicaillons vaut outrage, très insupportable, par conséquence peine de prison. Une question, dès lors, se pose, dont nous connaissons la réponse : où glisse une société protégée par une bande de cocus dont le principal du métier est de mettre aux arrêts les clowns ?
Frédo Ladrisse.
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