Reprise rapide du travail
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? C’est fou comme les étés se suivent et se ressemblent… Me baladant tranquille dans un Saint-Imier noir d’anars (là-dessus, nous reviendrons), j’avisais la Une de Libé : « Roms, le devoir de la France », annonçait-elle en gras. Suivait un blablabla signé Duflot, sans conséquence. Plus intéressant fut, à quelques jours de distance, l’interview de Valls sur France Info, qui lui permit de défendre en ce domaine une politique présentée comme n’ayant « rien à voir avec celle menée par Nicolas Sarkozy ». Ah donc ? Cet été, les bulldozers ont pourtant mené la danse, à Paris, Lyon, Lille et ailleurs, le démantèlement des campements suivi d’expulsions de masse a continué, sur un beau rythme. Et le « problème Rom » d’occuper une large place dans les medias, de gauche comme de droite. Dans Le Parisien c’est « une note qui confirme l’explosion de la délinquance roumaine », agrémentée des éternels témoignages de « riverains excédés » aux abords du campement de Sucy, dans le registre « ils font leurs besoins devant mon établissement, je suis au bord du dépôt de bilan… » Bin ouvre-leurs tes chiottes, ducon! Non non, rien n’a changé, tout, tout a continué, et le tube de cet été-ci fut le même que celui de l’été passé, et de celui d’avant. A cette nuance près qu’en matière de sécurité, Amiens a remplacé Grenoble.
Là encore, Valls s’est illustré. Dans la défense des forces de l’ordre, cela va de soi, la défense de ces bisounours de flics attaqués, selon lui, « à la chevrotine, au mortier, au cocktail Molotov »… Ouais, même que les gamins bombardaient les commissariats aux commandes de leurs Mirage F1. Que deux jeunes se prennent respectivement huit et dix mois de sursis pour avoir allumé un simple feu de poubelle, ne saurait émouvoir le chancre, pardon, chantre de la « fermeté ». Une fermeté bien entendue pensée à sens unique, et qui permet aux hommes en bleu de charger à la lacrymo un cortège funèbre avec femmes enfants et vieillards, tel que ça s’est produit à Amiens. Deux nuits d’émeutes s’ensuivirent. Etonnant, non ?
Dans un autre registre mais toujours très Vallsien, on avait annoncé au début des vacances et en grande pompe la fin des mises en rétention de mineurs étrangers. Quelques semaines plus tard, un bébé mourait dans un centre, dans les bras de sa mère, faute de soins. Ah oui mais c’était à Mayotte, qu’on nous expliquait doctement, or, l’île n’est pas concernée par la nouvelle mesure. Et pourquoi ? Parce que c’est comme ça. Parce que c’est à Mayotte, proche voisine des Comores, que le ministère des expulsions atteint ses meilleurs scores. Faut bien faire du chiffre hein… Il faut qu’un nourrisson décède en rétention pour qu’on apprenne quelle « exception » frappe l’île. Affligeant.
Vous me direz : si en France c’est pas terrible, reste que c’est pas mieux ailleurs. Je reconnais là votre sens inné de la géopolitique de combat. Mais il n’est pas faux d’affirmer que parfois, ailleurs, c’est même pire. Voyez, tiens, en Russie, ces pauvres Pussy Riot. Trois membres de ce groupe (désormais mondialement célèbre du fait de sa « prière punk anti-poutine », entonnée dans une cathédrale orthodoxe), viennent de se voir, pour cette raison, condamnés à deux ans de prison, ou, plus exactement, de camp de travail. Motif de la condamnation : « vandalisme motivé par la haine religieuse ». Et lorsqu’on leur a conseillé de poser un recours en grâce auprès de Poutine lui-même, la réponse des jeunes femmes fut nette : « qu’ils aillent au diable avec leur grâce. » N’empêche qu’elles vont en baver, pour une pure provo d’à peine quelques minutes, et que sa race Poutine n’est pas homme à plier devant les suppliques d’un Sting ou d’une Madonna. Le large mouvement de soutien international dont pour l’heure bénéficie les Pussy finira bien par s’épuiser, semble penser le Kremlin, et elles retomberont dans l’oubli de leur sibérienne prison. Le pire étant qu’on ne saurait lui donner à priori tort.
Un autre pays, tant qu’on y est, où c’est pas terrible non plus ? L’ Afrique du sud, alors. Là-bas, on tire à bout portant sur les mineurs en grève, désarmés. Bilan de la tuerie du 16 août : 34 morts. Maintenant que les funérailles sont passées, le groupe minier Lonmin se dit « plutôt optimiste quant à une reprise rapide du travail. » Optimistes crapules !
Fort heureusement, il y a la Suisse, Saint-Imier, petit bourg du Jura qui vit débouler courant août près de 3000 participants aux Rencontres Internationales de l’Anarchisme. L’autruche y était, s’est régalée, gavée de débats, de discussions à n’en plus finir, d’échanges fructueux ou non, de concerts torrides ou non (spécial dédicace aux Rural Petzouilles, rock agricole), de lectures, de vaches à grelot et de bière. Un beau moment vraiment, ça parlait japonais, allemand, italien, espagnol, ouzbek, moldave,… Surtout, et contrairement à ce qui se produit lorsque ce genre d’événements se déroulent en France, nous fûmes accueilli par la population locale avec gentillesse et calme, puisqu’en ces terres libertaires l’anarchie n’effraie pas le chaland, fait, comme qui dirait, partie du paysage. Du coup zéro flics, zéro casse et zéro problèmes. Merci aux Imériens-mériennes !
Frédo Ladrisse.
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