"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Avril 2010

Bientôt le joli mois de mai couilles *

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Pas bezef à vrai dire, car privé de journaux plusieurs jours d’affilés la semaine dernière, par la seule volonté des crypto-staliniens alcoolo-dépendants du syndicat du livre !... Même la presse people n’a pas pu s’étaler jeudi aux devantures, c’est dire comme l’heure est grave. Sous le coup de cette grève « d’un autre âge » (comme disent les médéfiens qui pourtant rêvent d’un âge autrement plus ancien, de cette époque bénie ou grève n’était jamais que le nom d’une place), sevré un temps de feuilles de chou l’autruche s’est sentie, subitement, comme prise en otage, tel l’usager moyen du TER Vesoul-Bourbonne. Insupportable !


     Supportable, tout de même, car il est des malins qui, même en l’absence de journaux, arrivent à faire parler de leur petite personne. Dans cette catégorie not’président excelle, et peut donner des cours, c’est le mot. En déplacement en Seine-Saint-Denis il n’a ainsi pas hésité à nourrir le moulin de l’insécurité, stigmatisant comme à chaque fois un département qui pourtant demande juste qu’on le laisse tranquille. Désormais, selon nabot 1er, dans le 93 « la police pourra intervenir sans restrictions dans les halls d’immeubles », et sera « frappée au cœur l’économie parallèle qui gangrène nos quartiers. » Une économie qui, est-il utile de le rappeler, permet à ces quartiers justement de tenir, évite qu’ils ne s’enflamment trop sous le coup d’une pauvreté radicalement invivable, et demeure, pour ces raisons, largement tolérée par les habitants comme par les pouvoirs publics. Par ailleurs, on serait curieux de savoir comment nommer une économie qui ne serait pas parallèle. L’économie perpendiculaire ?
 
     Sans restrictions aucunes dans ces déplacements, Sarkoléon se rendait ensuite à Chambéry-city, fêter le 150e anniversaire de la prise de la Savoie. Comme à son habitude il a gâché la fête, en laissant s’exprimer ses nerfs. «Fais pas l’malin, toi, fais pas l’malin ! », a-t-il lancé à un môme qui, venant de lui serrer la pogne, l’essuyait ostensiblement. Etrange, comme ce bonhomme — dont le pouvoir s’étend tout de même jusqu’à la possibilité d’appuyer sur le gros bouton rouge — ne sait pas se maîtriser. Quoi qu’il en soit le bêtisier de la présidence la plus bouffonne depuis celle de Paul Deschanel, vient de s’enrichir d’un épisode moyennement glorieux.


     Stigmatisation, disions-nous, en parlant du 93 : elle s’étend bien au-delà, vise de plus en plus clairement une population donnée. Sans restrictions, les flics pourront jouer les cow-boys de hall d’immeuble — là où traîne assez peu les Angélique-Sophie et autres Aurélien-Jules —, et sans se soucier plus que ça de l’avis du conseil d’Etat on ressort, par la même occase, la burqa de l’armoire où elle sommeillait. En résumé : on court, que dis-je, on cavalcade, toute haleine perdue, derrière l’électeur frontiste, l’objectif étant de faire revenir dans le giron de la droite nationale les nationalistes de droite, sans lesquels Sarko n’a aucune chance d’être réélu.


     Ça faisait longtemps, en France, que l’alliance naturelle entre les libéraux et les nazillons de comptoir ne s’était aussi bien portée. On appelle ça une tendance. Le Pen, le père, par exemple, estime que l’Hortefeux-follet « est un homme de bonne volonté » même si à son goût il ne va pas assez loin. Par la faute de la suppression (toute formelle) de la double peine, selon Le Pen « nous sommes contraints de garder chez nous la racaille qu’on a fait condamner devant nos tribunaux. » Comment dès lors se débarrasser « de ces milliers, de ces dizaines de milliers de gens qui profitent indument de nos législations », et « pillent nos caisses sociales » ? Au risque de le chagriner, on rappellera à l’hideux que les étrangers ne sont pas quelques dizaines de milliers, mais près de six milliards. De quoi biler sérieusement le chafouin xénophobe.


     Le Pen et ses affidés doivent également porter en ce moment dans leur cœur Michelle Alliot-Marie, ci-devant garde des sceaux. Suite à l’exposition, dans une Fnac de Nice, d’une photo montrant un gars s’essuyant le cul avec le drapeau bleu-blanc-rouge — et, après coup, un peu marron—, la MAM a demandé que « des poursuites pénales soient engagées sans plus tarder. » Sur le même sujet, Hortefeux-de-Bengale toujours lui, estimait que le drapeau avait subi « un outrage inacceptable », et faisait part, « au nom du président de la République et du gouvernement, de la très vive émotion de nos compatriotes. » Lesquels, bien entendu, n’en ont pas grand-chose à carrer. Au final, on doit bien avouer que, dans cette histoire banale, la seule question qui vaille est de savoir si le nylon, surtout celui produit en Chine, n’irrite pas un peu l’anus. L’autruche, pour le moment, l’ignore. En revanche elle confirme que la carte d’électeur, même si c’est pas l’idéal, on peut se torcher avec.


     Mais tandis qu’on devise au sujet des pq tricolores flottant devant les commissariats, les écoles, les mairies — sans oublier les préfectures —, les graisseux de la Sarkozerie s’apprêtent à nous bouffer tout cru, sangliers en mal de glands. Haro sur les retraites, phacochères ! Dès qu’on fait appel aux verrats, Raffarin n’est pas loin : « il y a de plus en plus de retraités et de moins en moins de cotisants », gémit l’homme, en redécouvrant le fil à couper le beurre. Aussi, pour éviter « un scénario à la grecque » — il y a un an Raffy aurait dit à l’américaine —, il est grand temps chers pauvres gens de vous rendre à l’évidence : « il nous faut 70 milliards, la seule solution c’est de pouvoir financer par le travail en travaillant plus. » Alchimie  du discours politico-alzheimeresque ? Le « gagner plus » qui, en d’autres temps, accompagnait le mantra magique, a curieusement disparu. On rappellera, pour mémoire et en guise de comparaison, que le plan d’aide aux banques consenti par l’Etat a coûté la modique manne de 360 milliards. Mais là-aussi, n’est-ce pas, c’était « la seule solution ».


     Fort heureusement on peut compter sur nos syndicats de combat pour s’opposer, et farouchement !, à ce nouvel assaut concernant les retraites. Ecoutons Chérèque, le gauchiste, à propos de l’âge légal : « on peut garder les 60 ans, mais avec une grande souplesse de choix individuel. » Waou. Donc on pourra partir plus tôt ? Que nenni, bel ami : on aura la grande souplesse d’accepter de partir plus tard, de l’accepter bon gré mal gré, en résumé d’y être contraint, vu que nos seigneurs et maîtres comptent bien, dans le même mouvement, passer les pensions au rabot. Bon, si les grandes centrales syndicales dites d’accompagnement (comme on dit d’un clébard qu’il est de compagnie) ne font pas le boulot minimal, on pourra au moins s’en remettre à l’opposition, au Ps ? Mais tu rêves, ma pauvre Geneviève, n’as-tu point entendu Hollande, François, dit Flamby, affirmer que « chaque fois que l’espérance de vie s’allonge, il est normal que la durée de cotisation suive » ? Vivre plus longtemps pour travailler plus longtemps, quoi. Vivre plus pour vivre moins, quoi.


     Le Ps, néanmoins, on ne peut guère lui en vouloir : il a, en ce moment, d’autres priorités que la défense du régime des retraites, ce truc palot, ringard, pas glamour et pas fun du tout. Non, le Ps, pour l’heure, travaille à rien moins que l’émergence d’« une nouvelle civilisation. » Mazette ! « Nous vivons la fin d’une époque », explique, bille en tête, leur document de travail. Et Pierre Moscovici, le député cancoillotomane, de préciser qu’il s’agit « de conduire, avec les Français, une nouvelle offensive de civilisation. » Fichtre, diantre ! Mais c’est que le troupeau pachyderme rêverait presque de révolution !


      Ne rêvons pas, justement. Face à ce qui prépare, à cette nouvelle offensive de la conservatrice sarkozerie nous ne pourrons, comme à chaque fois, compter que sur nous-mêmes. Au fait, ça commence quel jour, le mois de mai ?
 
                                                                                                 Frédo Ladrisse.


*(d’après une chanson d’Agnès Bihl, chanteuse archi-vulgaire et au talent sévère, qui ne m’en voudra pas, je sais, de la pomper avec allégresse)



Eyjallajokull, mon amour

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Les grondements souterrains du Eyjallajokull, excentrique volcan islandais crachant ses volutes et formant une manière de Barbapapa, tout de cendre et charbon, dans le ciel de l’Europe du Nord. Pour le coup, rien ne vole, et l’élite mondiale  se retrouve clouée au sol. Privée d’ailes et de funérailles, le gotha gratiné n’aura finalement pas pu se rendre à Varsovie ce week-end, histoire de s’enfiler Zub sur Zub en mémoire d’un président mort mais dont ils ont, de toute façon, oublié jusqu’au nom. Bien fait pour eux, bien fait pour lui.


     Les caprices du volcan nous auront donc privés d’une nouvelle flopée d’images glamoramesques  à souhait, Obama, Sarko, la Carla, Merkell et le prince consort et sa sœur et sa main dans la culotte de va savoir qui. Nan. Sont restés à la maison, mais que le peuple polonais, privé de ces glaireux clichés, ne s’en afflige pas pour autant : qu’il profite du temps gagné pour examiner, par exemple, les positions de cette Eglise à laquelle il semble tenir comme à la ficelle de son missel. Qu’il relise, par exemple, les déclarations de Il Monsignore Bertone, sorte de numéro deux dans l’équipe du Vatican, lequel affirmait il y a peu que si « nombre de psychologues, psychiatres, ont démontré qu’il n’y a pas de relation entre pédophilie et célibat des prêtres, beaucoup d’autres ont démontré, et m’ont dit récemment qu’il y avait une relation entre homosexualité et pédophilie. » Et de conclure, benoîtement : « c’est la vérité, c’est le problème. »  Le problème, en vérité, c’est bien évidemment qu’une fois encore confronté à une vague de pédophilie parmi son clergé décadent, mais ne pouvant décemment, cette fois, s’en prendre aux Juifs ou aux sorcières, Il Vaticano se verrait bien cramer quelques pédés, pour rire.


     D’aucuns y verront certainement une relation de cause à effet, quand bien même elle serait pour le moins capillotractée (1) : n’empêche qu’en Grèce, face à la criiiise, vient d’être votée une loi visant à faire cracher l’Eglise. Sa fortune foncière est, là-bas, de l’ordre de l’insulte. Elle douillera donc, comme douilleront les plus riches, également visés par la loi. « Un premier pas pour faire sortir le pays de la crise », selon Papandréou, chef du gouvernement. Qu’est-ce qu’on attend alors, en France, pour le franchir ce premier pas ?
 
     En France, on n’attend rien des riches, encore moins de l’Eglise, pour qui la solidarité s’arrête à la porte des écoles destinées aux petits garçons. En France, on se félicite de la fin de la grève à la Sncf (super, on va enfin pouvoir retourner bosser), grève que Bussereau, secrétaire d’Etat aux transports, jugeait dès l’origine « incompréhensible et affligeante», sans pourtant oser, comme son seigneur et maître, dire qu’elle était  invisible. Affligeante également furent les déclarations de son pote Woerth au nom de glaviot, ci-devant ministre du travail, pour qui « l’attitude de la direction de la Sncf a été impeccable », et qui approuvait « parfaitement la stratégie de fermeté de Guillaume Pepy », président de l’entreprise. Fermeté, stratégie : que celles et ceux qui s’apprêtent à livrer le baroud face à l’offensive sur les retraites retiennent bien ces mots, d’un gouvernemental langage.


     Les retraites, bin tiens parlons-en. Alain Minc, conseiller du prince, Minc, dont personne ne dit jamais qu’il aura passé sa vie à se tromper, Minc, reçu sur Radio-Paris l’autre matin et pour la septième fois en l’espace d’un an, s’est laissé aller à dire que « la réforme des retraites, dans l’inconscient collectif, est une nécessité. » Minc, qui reluque jour et nuit le contenu de nos portefeuilles, lit désormais dans les recoins reptiliens de notre cerveau. Nul doute que le grand prix de la fumisterie freudienne lui reviendra de droit ! A moins, pure hypothèse, que le COR, Conseil d’Orientation des Retraites, ne le lui dispute au final : selon ce troupeau grabataire appointé par l’Etat et selon ses « abaques » (graphiques de calcul), il faudrait, pour maintenir en 2030 le niveau actuel des pensions, « travailler environ 7 ans et demi de plus. » Travailler davantage, et gagner moins, en somme : plumes d’autruche pour eux, et goudron en forte abondance.


     N’empêche qu’il va bien falloir, un de ces jours, aller chercher le pognon dans la poche de ceux qui en ont trop. Qu’en pense François Baroin, ministre tout frais du budget et amateur de rivière à truites ? Pour ce chiraquien de base (oui, il en restait un : c’est lui), il est urgent de ne rien faire et surtout de ne point toucher aux cadeaux distribués par Sarko à ses potes, d’ailleurs dans le débat actuel, faut le dire monsieur, « le bouclier fiscal, d’une certaine manière, il est pris en otage. » Pardon ? Pris en quoi ? Ah ah, quel gagman que notre bouffon à fausse mèche ! Si on le pousse, en fin de banquet, il peut encore faire mieux : « on est quand même dans un pays où la répartition des richesses est très importante, et quand on dit que les riches ne paient pas : c’est faux. » Puis de se questionner : « d’abord, qu’est-ce qu’être riche aujourd’hui ? »


     On se le demande, c’est sûr, et pas seulement en se rasant. On n’a pas la réponse, par contre on sait assez ce que c’est que d’être pauvre. Et si jamais il nous venait l’envie de l’oublier, Pôle emploi se ferait une joie de nous le rappeler, Pôle emploi qui, il y a peu, à une copine qui demandait du boulot pour bosser parce que y faut de l’argent parce que y faut bouffer, a proposé tout de go et pour qu’elle disparaisse  un temps, un stage de danse country. Si si, c’est du vécu, d’ailleurs le stage elle l’a suivi. Elle a pas plus de taf, la cowgirl, mais depuis elle est partage sa vie entre une chemise à franges et une paire de boots, trop classe. Merci qui ?


     Un stage du même tonneau, on aimerait en proposer un au petit directeur de la Banque Postale qui, cette semaine, a commis ce mail : «la chasse aux mauvais vendeurs est ouverte, on va tous les exterminer ! » Mail professionnel, rendu publique par Sud, ce qui a coûté son poste à l’exterminateur. Son nom ne s’invente pas : Rémi Karcher, s’appelle le gars. On l’accueillera avec plaisir dans notre stage « tir de balle dans le genou », en qualité de cible.


     Lui aussi tire, mais à blanc : Mélenchon, autrement appelé l’opposant-ki-en-a. Avec la virulence qui le caractérise, notre Che de l’Essonne s’épanchait ces jours-ci dans le brûlot révolutionnaire qu’est le journal Voici. Florilège :   « je salue l’attitude de Mme Sarkozy, que je trouve très digne », ose-t-il en parlant de la Carla, cette... chanteuse. Plus loin, à propos de La ferme Célébrités : « je trouve cette ferveur populaire plutôt émouvante. » Puis, ultime idiotie, le Mélenchon salue en la personne de Zemmour « un intellectuel brillant. » Faut-il rappeler qui est Zemmour ? Non, décidemment non, je ne peux vous imposer ça, ni surtout me l’imposer à moi.


     Tandis que Mélenchon-le-virulent posait pour les mag’ people, un nouveau camp Rom brûlait, à Gagny, en Seine-Saint-Denis. Un mort, une fois encore. Une fois encore, un enfant. Mais ces gens-là, que voulez-vous : on les prive d’électricité, ils allument des bougies, alors faut pas s’étonner que.


     Faut pas plus s’étonner quand, dans le Sud Algérien, des femmes seules venues là pour trouver du boulot (l’accueillante bourgade de Hassi Messaoud étant la principale ville pétrolière du pays) sont, selon Libération, « systématiquement attaquées, battues, dépouillées de leurs maigres biens et quelques fois violées par des bandes d’hommes, armés. » Ils agissent à découvert, en toute impunité, malgré qu’ils commettent des actes d’une intenable barbarie : mutilations, tortures, meurtres…Le tout, bien évidemment, au su et au vu d’une police qui se contente de conseiller aux victimes d’ «aller voir ailleurs ». Qu’elles y aillent, oui, de toute urgence.
 
                                                                                                 Frédo Ladrisse.    
 
(1) Capillotractée : tirée par les cheveux



Libre de vivre hors d’elle

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? La Pologne, qui pleure son président, homophobe notoire et opposant féroce à l’avortement. Sans souhaiter la mort de quiconque, quitte à ce que les avions tombent, autant que ce soit avec, à bord, ce genre de personnage. Ce « grand ami de la France » (dixit Sarkoléon) n’aura donc pu mener à terme sa « révolution morale », à base d’ultra-catholicisme et de défense acharnée des « valeurs familiales ». Une grande perte, comme on voit.
 
     Eric Besson aussi prend quelquefois l’avion, mais jusqu’à aujourd’hui il ne s’est pas mangé le plus petit platane. Ce qui lui donne le temps de ressortir son fumeux débat sur l’identité nationale, comme en catimini, en l’alcôve d’un petit séminaire privé, auquel étaient conviés des intellectuels à la pointe, dont Frédéric Mitterrand, c’est vous dire le niveau. On voit que le Besson, mis sous le boisseau durant toute la séquence électorale, ne lâche pas pour autant le morceau. Son débat, il y tient, comme à la prunelle de ses yeux dont tout le monde sait désormais qu’ils ressemblent à ceux d’une pauvre fouine. « Ne reprochez pas à une flèche d’être acérée », dit-il, à propos de lui-même. Besson-la-flèche. Nouveau surnom, qui lui va bien.
 
     Quel surnom les mômes des quartiers trouveront-ils à Christian Lambert ? On peut, sur ce point, faire confiance à leur imagination. Ce Lambert vient d’être nommé préfet de la Seine-Saint-Denis. Or, ce Lambert est également l’ancien patron du RAID. A ceux qui y verraient un symbole funeste pour le 93, on ne pourra que donner raison. C’est que la Seine-Saint-Denis est « un département sensible », comme on dit dans les comicos. Pas sûr cependant que, par sensibilité, les flics entendent la même chose que nous.
 
     Sensibles, également, les bandes ? On ne sait, mais, pour la première fois, la loi censée lutter contre les violences commises en bande a été appliquée le 28 mars dernier, lors d’un rassemblement devant la prison de la Santé. Bilan : 110 interpellations. Pas mal, pour un essai ! Le souci est qu’aucune de ces personnes n’a été arrêtée pour avoir commis des violences, mais pour être soupçonnée d’avoir l’intention de le faire. De l’arrestation préventive, quoi, qui pose tout de même quelques soucis car sans délit la garde-à-vue ne se justifie guère. D’où l’embarras de la préfecture, pour qui « la police est intervenue afin d’éviter la destruction et la dégradation de biens. » Joli principe. Avant toute chose il s’agissait d’une évidente opération d’intimidation à l’encontre des militants anti-carcéraux, intervention qui permettait, par ailleurs, de les ficher. A noter : cette manif’, déposée à la préfecture, était autorisée. Ça leur fait une belle jambe, aux copains qui se sont retrouvés parqués dans des parkings, faute de places suffisantes dans les commissariats. C’était notre rubrique : Les formidables avancées de la liberté de manifester au gai pays de Sarkozy.
 
     Cette loi contre les bandes sera-t-elle un jour appliquée aux syndicalistes et grévistes ? On est en droit de le penser. Pour l’heure, et au 5e jour de grève à la Sncf, c’est le retour des grandes litanies, des plaintes, des « ras-le-bol ! », des « on nous prend en otage », des « c’est scandaleux, ces privilégiés de fonctionnaires qui, … », etc. L’habituelle magouille médiatique consistant à ne donner la parole qu’aux mécontents, oublie naturellement la cause première du conflit : le refus, par la direction de l’entreprise, d’ouvrir de réelles négociations. Pourquoi le voyageur lambda ne s’en prend-t-il pas à elle ? Par ignorance, peut-être. Mais quand bien-même il le ferait qu’on ne l’entendrait pas, tant l’axiome grève=prise d’otages, règne en maître dans les médias.
 
     Encore faut-il que lesdits médias trouvent le temps de nous entretenir de ces fadaises relatives au mouvement social, car l’essentiel est ailleurs, l’actualité première, celle qui, aussi, fait vendre. Je parle des potins bien sûr, de ces fumeuses rumeurs dont le public serait friand, qui donc se trouvent élevés par les plus sérieux journaleux au rang d’information de la plus haute importance. Les coucheries éventuelles de Carla B. occupent ainsi le haut de la page, et Charon, conseiller de l’Elysée, dénonçant ce qu’il juge comme des médisances, prévient que «  la peur doit changer de camp », et que « maintenant, on va voir s’il n’y a pas une espèce de complot organisé, avec des mouvements financiers, pourquoi pas. » Bigre ! Le sexe et l’argent, mêlés, la Patrie serait-elle en danger ? En tous les cas la dame elle-même, toute première qu’elle est, monte au front, défend son honneur sur une radio amie. Après avoir usé jusqu’à la corde de son mantra « mon mari et moi» gnagnagna, elle lance : « j’en ai assez de parler de moi. » Bin qu’elle la ferme alors, ça nous gênera pas.
 
     Pendant que ces gogos s’amusent à se faire peur avec de pâles histoires de lit, Juppé, lui, travaille à notre bonheur et à notre prospérité. On en parlait la semaine dernière, et voilà qu’il remet ça. Toujours sur la ligne gauchisante qui, parie-t-il, finira par le transformer en possible présidentiable, il lâche tout de go : « ce que je ne digère pas, c’est le triomphe de la cupidité. » Et quand c’est l’hôpital qui se moque de la charité, il a des crampes à l’estomac ? « C’est indécent de voir les bonus, toutes ces rémunérations extravagantes qui se chiffrent par millions d’euros et que rien ne justifie, alors qu’on explique par ailleurs qu’il n’est pas possible d’augmenter les bas salaires de 20 euros. » Du Besancenot dans le texte ! On a beau avoir bonne mémoire, on ne se souvient pourtant pas que, durant ses deux années passées à l’hôtel Matignon, Juppé ait fait quoi que ce soit à l’encontre de ces rémunérations-là. Mais peut-être a-t-il changé ? Mort de rire, ma chère Elvire…
 
     Des qui ne varient guère, ce sont les thuriféraires de l’Eglise catholique apostolique romaine, amen. Me baladant un brin sur la toile cette semaine, je suis tombé sur Bruno Roger-Petit. Catho pur jus qui ne s’en cache pas (c’est tout à son honneur), Petit-Roger ne supporte plus qu’on attaque SON église, et le clame haut et fort sur LePost.fr. « Systématiquement consterné de voir que l’Eglise catholique se voit en permanence contrainte de subir les leçons, les admonestations de bien des personnes ayant depuis longtemps  déserté les lieux de culte », il en conclue que « l’Eglise, ce sont ceux qui n’y vont jamais qui en parlent le plus. » Etonnant argument, selon lequel, au hasard, seuls les pédophiles seraient autorisés à aborder le sujet de la pédophilie, et qui, à propos de la capote, verrait le pape fermer définitivement sa grande gueule, puisque non-concerné. Mais Roger-le-Petit n’en est  pas à une contradiction près et, livrant sa vision de la laïcité, il plonge dans des abîmes de stupidité assumée : selon lui la laïcité, qui n’est qu’un « point-de-vue », se réduirait à rappeler que « les catholiques sont libres de pratiquer leur religion comme ils l’entendent », tandis que « ceux qui estiment que l’Eglise de Rome est réac’, ringarde, nulle, sont libres de vivre hors d’elle. » Ah oui ? Ah, ouf ! Enfin une bonne nouvelle.
 
                                                                                      Frédo Ladrisse.   


  

L’appel de la rivière à truites

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Encore une sale nouvelle pour la liberté d’expression et pour la liberté tout court, Siné Hebdo ferme boutique. « C’est pas la fin des haricots », balance son créateur. N’empêche, les haricots, l’autruche les préfère rouges  et noirs, et ceux-là c’est rien de dire qu’on en trouve plus des masses en kiosque. Quoi qu’il en soit Philippe Val a dû faire sous lui de plaisir, en apprenant que Siné, finalement, jetait l’éponge. Le patron de Radio Paris doit en baver de bonheur à la seule idée de, peut-être, récupérer quelques lecteurs pour son Charlie merdeux. Ça sera sans moi, en tous les cas : c’est pas dans son torchon démocrassocialiste qu’on lirait, par exemple, l’article publié dans Siné le 17 mars dernier, à propos de « la politique tsigane », appliquée par la France. On y apprend, entre autres joyeusetés, et de la bouche de Baconschi, ministre roumain recevant l’Umpéesque  Lellouche, que la Roumanie aurait « des problèmes physiologiques, naturels, de criminalité, en particulier parmi les groupes d’ethnie rom. » Une déclaration bien puante, qui n’a pas dérangé Lellouche, lequel, ça tombait bien, avait fait le déplacement exprès pour expliquer pourquoi le Sarkozystan s’échinait à expulser en masse les Rroms, victimes de lois d’exceptions, lesquelles ne semblent guère gêner le parlement européen. Pourtant les Rroms, citoyens européens, se retrouvent ainsi expulsés d’un pays européen, en l’occurrence la France, renvoyés vers la Roumanie, autre pays européen. Comme si on décidait de débarrasser le Sud Ouest des cohortes d’Anglais qui s’y installent en nombre — comparaison n’est pas raison : les angliches, eux, ont du pognon. Dans le cas précis des Rroms, la pratique se justifierait par le souci qu’aurait la France de les protéger  des mafieux censés les envoyer faire la manche dans le métro, étant bien entendu que cette activité, comme on sait, génère chaque année des excédents grandioses. « Avec humanité », on les renvoie donc crever dans leur Roumanie d’origine, où ils ne sont pas plus les bienvenus qu’à Barbès-Rochechouart. Mais là, c’est pour leur bien. Le cynisme d’Etat, décidemment, ne connait aucune limite.
 
     Aucune limite non plus, pour Hortefeux-à-volonté, qui prévient que « ce ne sont pas les petites crapules qui feront la loi dans les quartiers », sans qu’on sache au juste s’il cause des dealers de shit ou de ses potes élus Ump, siégeant dans les mairies. Hortefeux-d’artifice, par ailleurs défend une vision très personnelle de la prévention en matière de délinquance, puisque selon lui « la meilleure des préventions, c’est la certitude de la sanction. » L’axiome, vieux comme le bâton de flic, a eu beau être invalidé sous toutes les latitudes, dans toutes les civilisations, il n’en demeure pas moins la base de la pensée conservatrice. Ce que semblent avoir oublié les antiques barbons du Conseil d’Etat, qui rappellent, les impudents, qu’en démocratie « la liberté est la règle, et l’interdiction l’exception. » Voudraient-ils gâter le week-end pascal du ministre de l’Intérieur, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.
 
     Ce qui par contre ne risque guère de l’empêcher de dormir, c’est l’enquête de l’Insee, qui révèle qu’en 2007, c'est-à-dire avant même la crise, 8 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté. Soit 13,4% de la population. A l’autre bout du spectre, on apprend que les riches sont de plus en plus riches, que les très riches sont de plus en plus très riches. Ainsi, de 2003 à 2007, les revenus du patrimoine ont bondit de 46%, dans le même temps ceux du travail ne progressaient que de 11. Si les caisses sont vides, on sait par contre où est le pognon.
 
      Pas dans la poche des immigrés qui, selon l’Observatoire des Inégalités, touchent les salaires les plus faibles, et sont davantage exposés aux risques de la pauvreté. Rien de nouveau sous le soleil du Sarkozystan éternel…
 
     Même Juppé, c’est dire, ça le chafouine ces chiffres. Aussi plaide-t-il pour un « aménagement » du bouclier fiscal, et déclare « ça ne me choquerait pas qu’on demande aux plus riches de faire un effort vis-à-vis des plus pauvres ». Gauchiste, va ! Il devrait commencer par exiger de Joyandet, son copain secrétaire d’Etat, qu’il rende les 116 500 euros d’argent public claqué pour un voyage en jet privé, comme ça, juste histoire d’être à l’heure. « Ce sont les exigences du calendrier, et je devais faire mon devoir », pérore le petit secrétaire, par ailleurs maire de Vesoul et sarkozyste de choc. Le calendrier, exigeant, l’a donc contraint à un aller Vesoul/Fort-de-France, et retour. C’est pénible parfois, le métier de secrétaire d’Etat.
 
     Pendant que l’improbable Joyandet frimait en mini-jet, on privait Rachida Dati de voiture, de gardes du corps et pire : de téléphone portable ! Autant de petits avantages que continuait de lui accorder son seigneur et maître du Château, bien que la Rachida ait quitté le gouvernement il y a maintenant des mois. Eh bien, c’est terminé ! Sa faute : avoir froissé le maître, en osant affirmer sur un plateau téloche au soir du premier tour que la droite devait opérer « un retour aux fondamentaux. » « Mais qu’est-ce qu’elle fait là, celle-là », a explosé Sarko devant son home cinéma. Hop, un petit coup de fil, et plus de bagnole, hé hé. Vous avez dit mesquin ?
 
     Re-hop, et voilà le Sarko reçu à dîner par Obama, dans-ses-appartements-privés — on n’a cessé de nous le répéter, de ce côté-ci de l’Atlantique : grosse faveur faite aux Sarko que cette histoire de salle à manger, alors même qu’aux States tout le monde, finalement, se foutait de ce non-évènement.  « J’écoute Nicolas tout le temps, je n’arrête pas de l’écouter » glissa, un brin moqueur, B. Obama durant leur conférence de presse commune. Plus tard, on apprit que c’était maintenant à Sarko d’écouter le Barack, et que la grosse faveur aurait un prix, exorbitant.  Dans le New York Times on lit comme ça que « maintenant Sarkozy doit renvoyer l’ascenseur [sic !], en accroissant de façon significative la puissance de combat française en Afghanistan. » La visite de l’appart’ et la crânerie des Sarkozy se payeront donc par l’envoi de nouveaux troufions, là-bas. Ça fait cher le dessert.
 
     A moins bien sûr que, d’ici-là, la gauche sorte de son sommeil et s’oppose, pour le moins, aux pulsions guerrières de nos petits Mc Arthur de salon. Vœux pieux, je ne l’ignore pas, la gauche, elle regarde ailleurs, quand elle ne partage pas tout simplement la même vision. Elle regarde du côté de son nombril, protubérant, et ne veut livrer que des batailles qu’elle sait gagnées à l’avance. François Hollande par exemple, candidat déclaré à la candidature pour les futures présidentielles, s’attaque, mais un peu tard, au bouclier fiscal. « La cocotte est devenue trop chaude », s’essaie-t-il, en poète. Que Bakounine l’entende ! Pour Aubry cependant, il convient de se hâter lentement, car 2012 c’est loin, et « avant 2012, il y a 2010, et 2011. » Toujours  bon à savoir, ça.
 
     Bon à savoir également : il ne suffit pas d’avoir la droite la plus bête du monde au pouvoir depuis des années pour qu’automatiquement la gauche, voire le centre-gauche l’emporte. J’en veux pour preuve que La Berlu, aussi curieux que ça puisse paraître, vient de remporter les élections de l’autre côté des Alpes. Il Cavaliere en était tellement ému qu’il s’est laissé aller à déclarer sa flamme à ses compatriotes : « une fois de plus, l’amour l’a emporté sur la jalousie et la haine », a-t-il lancé, en un sanglot. De mauvaises langues, plus pragmatiques, prétendent qu’il ne doit sa victoire qu’à un fort taux d’abstention et à l’absence, totale, de projet alternatif. C’est bien mal connaître l’amour qui lie Berlusconi et le peuple italien, l’amour, et surtout la fortune. Pour finir, on retiendra de cette élection le nouvel accord passé entre Forza Italia et la Ligue lombarde, de sinistre mémoire, ligue dont le slogan était d’une poésie rare, « la Ligue, elle l’a dure. » Il s’agissait, bien sûr, de la dent.
 
     On ignore s’il l’a dure, le petit François Baroin, recruté au gouvernement en tant que ministre du budget. On sait par contre que ce pur produit du chiraquisme de comptoir a dû se faire violence pour accepter le poste. Il l’explique, assez longuement, ce n’est pas aussi simple de plonger ainsi dans le grand bain des responsabilités nationales, et d’autant moins quand, comme lui, on est plus que sensible à, je cite, « l’appel de la rivière à truites. » Je vous laisse, tout bucolique, je vais acheter des asticots.
 
                                                                                                Frédo Ladrisse.
         

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire