Matins bruns
Ce Français-là, au lait cru non pasteurisé, avale sans broncher l’annonce des 138% de « hausse de la délinquance roumaine sur Paris l’année dernière » et autre chiffres débilitants dont nous gavent le Brice. 138 % de quoi ? 138 %, sur quelles bases? 138 % de rien. Par ailleurs, une fois qu’on aura re-re-re-répété que Rom n’est pas synonyme de Roumain, en cette période de rentrée scolaire on se permettra de soumettre ce petit exercice au ministre Hortefeux-nouille, qui semble affectionner les chiffres : 8030 Roms expulsés depuis le premier janvier, sur un total de 15 000 présents dans le pays. Combien en reste-t-il à rafler? 8030 Roms expulsés, pour 30 000 expulsions, toutes populations confondues: vous calculerez la part occupée par les Roms dans les chiffres du ministère.
Des chiffres, encore, en voulez-vous ? En revoilà, cités par Eric Besson qui, lors de sa rencontre avec des ministres roumains, n’a, de leur part, « pas entendu le nombre du quart d’un demi-grief. » Le quart du nombre de quoi déjà? Vite, garçon, un demi ! Chiffres un jour, chiffonné toujours, comme chiffonne ce sondage qui dit que 42 % de nos compatriotes seraient contre les expulsions. Il parait que c’est une bonne nouvelle. C’est, pour ma part, à en pleurer, ou à en choper la rage (vous pouvez cocher les deux cases).
D’où viendra la bonne nouvelle ? Assurément pas de la gauche dite de gouvernement, qui observe, au sujet des Roms, un tintamarresque silence, et qui par la voix de Ségo-la-folle-du-Sergent regrette « qu’on ferme les régiments, (sic !), plutôt que de repenser ces lieux d’éducation et d’encadrement des jeunes. » Caserne pour les gosses et treillis pour tout le monde ? Bayrou est classe aussi, dans son genre bien particulier : le béarniais juge ainsi que « les premières victimes de cette stigmatisation des Roms sont les gens du voyage, Français depuis des générations. » Puis de bégayer tout béat que « beaucoup de gens biens vont payer la casse. » Gens biens ? Gens Français, quoi… Finalement, n’étaient les drames humains que cette situation engendre, il serait assez poilant de voir ainsi la trouble fleur de l’élite politique, toutes échoppes confondues, embrasser les mêmes poncifs mille et une fois recuits. D’où vient, dès lors, qu’on ne rit pas ? N’est-ce pas que les brumes actuelles annoncent de prochains matins bruns ?
Frédo Ladrisse
Tant qu’il y aura des Roms
De respect il en sera également question, de dignité aussi, sans parler du manque de courage, lorsque François Fillon passera en procès pour avoir, au cœur de l’été 2010 et à la surprise générale, décidé de laisser perdurer l’hécatombe des usagers de drogues, décidé de laisser se développer en silence la redoutable épidémie d’hépatite B et C (laquelle et pour information, est loin de concerner les seuls toxicomanes), décidé de traiter comme par-dessus la jambe un grave problème de santé publique, dans l’unique objectif de coller à l’air du temps et aux consignes de son Seigneur, bref de faire une fois de plus plaisir à l’aile la plus droitière et la plus rétrograde de son électorat. Ainsi, les salles de consommation de drogues seraient selon lui « ni utiles, ni souhaitables » ? En dépit du bon sens, et contre l’avis d’une grande partie des populations concernées (toxicomanes, professionnels, associations, élus, et jusqu’au ministre de la santé …), Fillon joue l’idéologie contre la rationalité, et fait le choix de mettre en péril quelques centaines de milliers de vies plutôt que de risquer d’être accusé de « donner de la drogue aux drogués », comme disent les excités et les fieffés menteurs opposés à ces salles, au premier rang desquels on retrouve… le député Vanneste. Toujours dans les bon coups, cette vieille connaissance et homophobe notoire, publie sur son blog un appel (signé par quinze de ses collègues) où il tient à rappeler que « l’usage de drogue est toujours illicite dans notre pays » (merci pour l’info), et « qu’au lieu de céder aux groupes de pression qui en demanderont toujours davantage » (certainement Vanneste fait-il là allusion au « groupe de pression » Act-Up, ces ennemis de toujours), il conviendrait de « mettre en place une véritable politique de sevrage. » Forcé, le sevrage ? Cela va de soi. Mais c’est à Fillon en premier que revient la responsabilité d’avoir cédé, droit dans ses bottes, aux sirènes de ces populistes, d’avoir donné priorité aux résultats électoraux plutôt qu’à l’injonction d’agir contre une épidémie qui concernera bientôt près de huit cent mille personnes. Rendez-vous au procès Fillon, d’ici quelques années. Et si il n’est pas entretemps décédé d’une bête hépatite, on aimerait beaucoup y voir comparaître Vanneste.
Puisqu’on parle de procès, faisons donc un tour par chez les Woerth. Certes, le toujours ministre du travail n’est pas encore condamné à traîner derrière lui chaînes et boulets (quoi que…), cependant le ciel de ce mois d’août n’a cessé de s’assombrir au-dessus du crâne guère chevelu du récidiviste notoire. On a par exemple découvert que le garçon avait la manie de distribuer les breloques et autres médailles en toc à tout ceux qui ont la bonne idée de lui rendre service, tel ce Bernard Godet, obscur expert-comptable, mais légion d’honneur 2008. De quelle gloire se couvrit Godet pour mériter telle récompense ? C’est tout simplement lui qui a certifié, la même année, les comptes du parti de poche de Woerth, comiquement intitulé Association de Soutien à l’Action d’Eric Woerth. Godet, toute honte bue (ah ah ah), avait également visé les comptes de campagne du même Woerth, lors des élections municipales de Chantilly. Mélange des genres, dites-vous ? Allons… Ceci n’est certainement que pure coïncidence. Coïncidence toujours, quand plus tard on apprend que le ministre a donné, en mars, son aval au licenciement des représentants du personnel de l’usine Molex, ceci contre l’avis de l’inspection du travail, mais sur l’amical conseil d’un proche collaborateur nommé de Sérigny, lequel Sérigny travaillait également pour le cabinet d’avocats de la direction de… Molex. Vous suivez ? C’est pas terminé. Il se trouve que ce Sérigny, lequel doit avoir plusieurs têtes pour porter tant de casquettes, est également l’ami de sieur Patrice de Maistre, lequel gère comme on sait la fortune de la môme Bettencourt. Que ce monde (de riches) est petit… Surtout, le même Sérigny se trouve être membre du comité de surveillance d’une boîte nommée Yméris, comité dans lequel siège également Robert Peugeot, qu’on ne présente plus. Robert, émérite soutien financier de l’Ump (dont on rappellera au passage que le trésorier se nommait, jusqu’à la fin du mois dernier, Eric Woerth), Robert, donc, dut à l’action de Woerth, Eric, alors ministre du budget, de se voir éviter un contrôle fiscal suite à une sombre affaire de vol concernant quelques lingots d’or (en partance pour la Suisse ?) Au passage et comme il se doit, le dénommé Peugeot, Eric, avait été, tout comme Godet, décoré de la légion d’honneur, des mains même de devinez qui ? C’est fou comme ces gens sont attirés par tout ce qui brille…
Frédo Ladrisse.
* photo D.Maunoury.
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