Zemmour et les Bourbour
Ils sont heureusement quelques uns à le combattre, à lui faire face, arguments contre arguments. Bien sûr, ils ne sauraient avoir la même audience : Zemmour, se rêvant en Céline, est désormais une star, non de la littérature (ce type écrit avec ses coudes), mais des plateaux télé. Tant que ses détracteurs se refuseront à faire dans l’outrance, dans l’injure gratuite, dans l’abus de capillotraction ils n’ont aucune chance d’accéder aux réseaux squattés par la bande à Zemmour. Peut leur chaut. Ils n’en continuent pas moins à démonter leur cirque. Par exemple Philippe Corcuff, dans une chronique de Rue89 : « de vrais bourgeois du monde politique, technocratique, journalistique et/ou patronal peuvent aujourd’hui taxer de « privilégiée » l’institutrice, vivant dans un quartier populaire ou dans un petit pavillon périurbain[…] Membre de l’establishment, Zemmour est ainsi imaginairement campé dans cet espace pseudo-subversif mais authentiquement indigne que d’aucuns nomment "politiquement incorrect". » Ainsi, comme à l’accoutumée, les dominants s’octroient le monopole de la parole, du commentaire au sujet de ceux qu’ils dominent. Ainsi Zemmour dégueule d’expressions comme « la France réelle », « le vrai peuple », « les petites gens », n’en jetez plus… Sur le blog du Gay Tapant, fut crée à l’intention de Zemmour et de tous ceux causant des quartiers populaires sans jamais y mettre un orteil, l’excellent terme de Bourbour : après le bourgeois-bohème, voici le bourgeois-bourrin. Dont Zemmour est le roi.
Autre Bourbour : Frédéric Lopez. Ce type se prétend journaliste, anime une émission mensuelle sur le service public de la télévision Françoise, par ailleurs bénéficie d’une heure et demi de quotidienne sur les ondes de France Inter. Il y a peu, Lopez recevait Lavilliers. Dialogue :
Lopez : vous jouez souvent à la fête de l’Huma, mais c’est vrai que vous êtes proche du parti communiste.
Lavilliers : non non. Je suis plus à gauche que ça.
Lopez : heu….
Lavilliers : disons que je suis plutôt proche des anars. Anarchosyndicaliste, quoi.
Lopez : oh, c’est bien trouvé comme formule !
Pour Frédéric Lopez, « journaliste », petit-fils de républicains espagnols, « anarchosyndicaliste » n’est qu’une formule, bien trouvée, un néologisme, quoi… Qu’une telle ignorance crasse n’ait pas fait sortir de ses gonds le camarade Lavilliers ne peut, à mon sens, s’expliquer que par le poids de l’habitude. Quarante années de fréquentations des bourbours de la presse, et plus rien ne vous étonne.
Frédo Ladrisse.
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O les sales jours !
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ?
Les râleries et railleries des habitués de ce blog, sevrés d’autruche
depuis presque trois mois… La pause fut longue, la reprise est rude,
comme l’aurait gloussé Raffarin. Cependant je signale aux aficionados
(du moins ce qu’il en reste après ce trimestre de diète) que je possède
en boutique, en librairie, pour être exact, un alibi des plus sérieux :
le voilà enfin sur les tables, l’Autruche, le livre, la compil’ de dix
ans de fadaises et billevesées ! (voir ici)
Et ça m’a pris du temps, eh oui, de relire et sélectionner. Du coup
j’étais parfois comment dire… gavé, en ai un peu perdu de vue
l’actualité présente au profit des sotties anciennes. On voudra bien me
le pardonner ? L’actualité, ces derniers temps, fut essentiellement marquée en ce qui me concerne par l’expulsion du campement Rom de Saint-Ouen, survenu il y a quelques semaines. 800 personnes, adultes, enfants, jetés à la rue dans les frimas qui précèdent de peu l’hiver par une police républicaine ne s’embarrassant guère de considérations climatiques. Si la préfecture ordonna « l’évacuation » du campement, n’oublions surtout pas que c’est à la demande du premier magistrat de la ville, le maire Jacqueline Rouillon, estampillé Front de Gauche. Que font les nervis de la Méluche ? La même chose que le premier maire Ump venu, ils expulsent, et dans les mêmes conditions. « Ça me fend le cœur », osa la Rouillon sur les ondes. Le quoi ? Petit rappel : le campement se trouvait sur un terrain géographiquement stratégique du futur quartier des Docks, ghetto à bobos actuellement en construction. Après avoir tenté d’invoquer un possible blocage de l’usine de chauffage, les Roms occupant soi-disant les voies (des voies qui n’ont pas vu un train passer depuis des années, la matière première étant de long temps acheminée par la route), après avoir, par là-même rien moins que menacer l’ensemble de la ville et d’une partie de l’agglomération parisienne de vivre un hiver sans chauffage ; voyant ensuite l’argument céder sous le poids du ridicule et de l’affabulation, la mairie ressortit alors des cartons l’inévitable état d’insalubrité patenté, dès que plus de deux Roms s’installent, fut-ce sur un banc. On convoqua les rats, inévitables repoussoirs, les risques d’épidémie et tout le grand guignol habituel. Action, réaction, expulsion. Avec, bien entendu, la bénédiction des services de Valls.
Ouf ! Sur les terrains libérés les travaux vont enfin pouvoir commencer. Kaufman and Broad, Nexity, se frottent les mains, promettant une poignée de logements sociaux contre pléthore de résidences en accès à la propriété. Le tout à trois encablures de Paname, une bonne affaire, dites-vous ? Certes. Mais encore faut-il achever de nettoyer la ville de la fange qui risquerait de heurter les futurs proprios, dont on devine qu’ils ont, eux, les moyens de s’installer ailleurs. Souci, après les Roms : le deal, « le plus grand supermarché de la drogue à ciel ouvert », selon les dires des plumeux de Le Parisien (feuille à chiottes dont les locaux, pourtant situés dans cette même ville de Saint-Ouen, puent les remugles fantasmatiques et la caricature : « Saint-Ouen, sa drogue, ses kalachnikovs », titrait Le Parisien une nouvelle fois il y a peu, et dans son édition nationale, s’il-vous-plait !) Dès lors, que faire ? Un Rom ça ne se cache pas, un Rom c’est pacifique, résigné, habitué à son sort d’expulsé permanent. Un dealer, c’est tout le contraire. Un dealer, ça court plus vite qu’une femme avec poussette. La solution : Allo Manuel ? On dirait qu’ils s’adorent, ces deux-là, le ministre et la maire. Toujours pendus au téléphone… Et puis Saint-Ouen n’a-t-il pas eu l’honneur de se voir nommer première ZSP de France ? C’est assez dire que d’ici peu (à l’approche des élections), les patrouilles de CRS vont fleurir en nos rues, ça fleurera mauvais le flashball et les opérations « musclées ». O les sales jours…
Frédo Ladrisse
*Photo de Daniel Maunoury
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