"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Février 2010

La gorette, les cobayes et le paillasson (anti-fable)

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Quoi, de quoi, qu’est-ce que j’apprends donc ? Notre supersarko n’aurait passé que quatre heures, montre en main, en Haïti ? C’est un peu court, n’est-ce pas, pour une visite officielle. A se demander même si ce sera suffisant pour nous faire accroire, dans dix ans, que Nico-le-géant — celui qui, en son temps, brisa d’un coup de tête le mur de Berlin — a cette fois, de ses propres mains, extirpé des décombres quelques dizaines de rescapés. Cependant, selon l’Elysée, son passage éclair se justifie par « des raisons évidentes de logistique ». Pas de palace assez classieux sur l’île dévastée?  Le premier ministre canadien avait lui, peu avant, passé deux jours à Port-au-Prince.  M’est avis qu’on ne partage pas avec nos cousins canadiens la même vision de la logistique.


     Sur quelle logistique s’est appuyé Villepin lors de sa visite à la ferme ? On n’en sait foutre rien, pourtant les journaleux suivaient en masse le Galouzeau venu traîner ses mocassins dans la fange d’un élevage porcin. Et l’ex-premier ministre de nous narrer sa prime jeunesse : « il m’est arrivé d’être puni à la ferme, et de passer mon après-midi avec les cochons. » Diantre, morbleu, palsambleu, l’éducation à la duraille des jeunes nobliaux, y’a pas à dire, c’est pas du lard. Plus tard, tenant un porcelet dans les bras, le même nous informait qu’il avait « décidé d’aller à la rencontre des Français. » Personne n’est là pour lui rappeler que, malgré ses ressemblances avec l’électeur de base, le cochon n’a pas encore le droit de vote?


     Puisqu’on est chez les porcs restons-y un instant, en compagnie de la Parisot, présidente du Medef et gorette de première, qui n’en finit plus de grouiner au sujet de la réforme des retraites. « A force de faire l’autruche, nous avons crée dans le pays une forme d’anxiété et de découragement. » Pour commencer, Peggy, je te demanderai de laisser l’autruche en dehors de tout ça, ça fait longtemps qu’elle cotise plus. Ensuite, de découragement, d’anxiété, nous en connaissons de sévères, directement alimentés par le seul fait de travailler et de voir sans cesse s’éloigner la période bénie où nous n’aurons plus à le faire. Est-ce clair ? Pour finir, plutôt que de perdre ton temps à tenter de nous convaincre que le boulot, c’est la joie et la bonne humeur, tu ferais mieux de te pencher, puisque tu nous parles d’anxiété, sur le problème du stress au travail.


     Il est vrai que l’info, à ce sujet, n’est pas évidente à trouver. L’info sérieuse, la vérifiée, pas comme cette liste publiée jeudi dernier sur le site du ministère du travail. Il s’agissait, au départ, d’un classement des entreprises en fonction de l’état des négociations sur la question du stress. Liste orange et rouge pour les mauvais élèves, liste verte pour les boîtes ayant fait un effort. Sauf qu’au fil des heures, ces listes se trouvaient modifiées, allégées, en fonction des coups de téléphone passés par les tauliers au ministère concerné. Ainsi, Unilever, connue pour sa philanthropie, passait directement de la liste rouge à la liste verte, et certaines entreprises, telles les Galeries Lafayette (à l’origine sur la liste rouge) disparaissaient de tout classement. De tripatouillages en magouilles, cela finit par tourner à la pantalonnade, et dès le lendemain ne restait plus sur le site que la liste verte des « gentils ». Accompagnée de ce message : « nous nous employons à préparer une nouvelle photographie de la situation des entreprises. » Hum hum. On a hâte de voir ça. De son côté, le Medef ne tardait pas à dénoncer « une méthode plus que contestable », et prévenait que plusieurs sociétés préparaient des actions en justice, au titre du préjudice qu’elles auraient soi-disant subi.  Le message du patronat est on ne peut plus clair : pas touche aux négriers!


     Tandis que les entrepreneurs-de-France s’échinent, avec succès comme on voit, à mettre au pas ce gouvernement qui n’est jamais que leur créature, le personnel politique détourne l’attention et amuse la galerie à la faveur d’une élection tout en propos fumeux, comme on dit du purin. Le gros Le Pen, dont il parait que ce serait le dernier tour de piste, s’essaie à exister, non sans difficulté — en matière de xénophobie et d‘outrance sécuritaire, c’est rien de dire qu’en ce moment la concurrence est rude. Aussi doit-il en faire des tonnes, et par exemple proposer la création de 100 000 (oui cent mille !) nouvelles places de prison, puisque « 80 000 personnes condamnées ne peuvent pas y aller, parce qu’il n’y a pas de place. »  Comme dorment aujourd’hui en tôle environ 65000 prisonniers, Le Pen propose donc d’en quasiment tripler le nombre. Une paille. Concernant les récentes dégradations de tombes à coup de croix gammées et de slogans bombés, il n’y voit, comme d’habitude, que pure provocation : « vous n’avez pas de cimetière juif ? Vous n’avez pas de cimetière musulman ? Vous avez de la chance, car à chaque élection, les peintres sortent. » Certainement payés par le lobby sioniste-israélito-salafiste qui, comme chacun sait, dirige en sous-main et dans l’ombre la maison Ripolin ! Quand on lui demande ce qu’il pense de ce qui se déroule en Languedoc Roussillon, Le Pen y va alors de sa métaphore maritime : « choisir entre Georges Frêche et l’Ump revient à changer de cabine à bord du Titanic. » Ah ah. Quel comique, tout troupier qu’il soit.



     En attendant de voir sombrer dans le ridicule et dans l’oubli le borgne pathétique, penchons-nous justement, mais comme vite fait en passant, sur le cas Frêche, qui lui ne rigole plus. « Je tiens à répéter que le Languedoc Roussillon n’est pas un paillasson », s’est-il cru contraint de préciser, sans qu’on sache au juste pourquoi. Nous aurait-il appris que la région en question n’était pas un balai à chiottes, que ça aurait eu le même effet. Mais peut-être, prosaïquement, Frêche n’a-t-il que très moyennement digéré la récente sortie de Cohn-Bendit, pour qui « le fréchisme, c’est du Mussolini. » Les références, comme les coups, volent aussi bas qu’il est possible en ce pays de joute, et on y nage en plein trauma, dans des eaux qui de jour en jour se révèlent plus nauséeuses.


     Laissons donc s’y ébattre — avant de s’y noyer — la crasse politique française, et arrêtons-nous comme de juste sur le cas des cobayes. Je parle des appelés dont l’armée s’est servie comme tels, durant les essais nucléaires dans le désert algérien, au cours des années 60. Un rapport « secret » s’est retrouvé la semaine dernière dans les pages des quotidiens. Il y est dit qu’il s’agissait « d’expérimentations tactiques, visant à étudier les effet physiologiques et psychologiques produits sur l’homme par la bombe atomique. » Après avoir nié durant des décennies l’existence de ces expériences, désormais l’armée les reconnait. Bien obligée.  Entre autres joyeusetés, on apprend dans le rapport qu’afin de rendre, en zone contaminée, la communication entre soldats optimale, le port du masque à gaz y était prohibé, remplacé « par un masque antipoussière élémentaire. » A l’exception du commandant, qui lui garde son masque à gaz, et par ailleurs « ne doit pas pénétrer dans la zone contaminée. » Délicate attention à l’égard de l’élite, dont n’aura pas bénéficié la piétaille, pour laquelle « un court séjour, sans précaution spéciale » dans la zone de l’explosion « est également envisageable. » Feignant de découvrir ce rapport, Morin le ministre de la défense en minimise bien sûr l’impact : « les doses reçues lors de ces essais étaient très faibles », ose-t-il, tout éhonté. L’association des vétérans des essais nucléaires, créée sur le tard en 2001, compte 4800 membres, dont seulement 10% sont en bonne santé. 35% souffrent d’un cancer, et 55% d’une maladie grave. C’était notre rubrique « engage-toi, deviens toi-même.com »       


     Dans cette Algérie qui servit plusieurs fois de laboratoire, des essais nucléaires au maintien de l’ordre à coup de gégène, 125 députés viennent de déposer une proposition de loi visant à juger les criminels de guerre, même les Français, eh oui ! Quelle impudence, vraiment, et quel manque de reconnaissance vis-à-vis de l’ex nation-mère! De quoi défriser illico l’imbitable Besson, lequel nous apprend que ces crimes « ont été traités, pour beaucoup d’entre eux, juste après la guerre d’Algérie. Moi, je crois qu’il faut dépasser. » Goebbels n’aurait pas dit mieux, cependant, petit souci : jamais ces crimes ne furent traités. D’après Benjamin Stora, historien et spécialiste de la période, « dès l’indépendance de l’Algérie, une chaîne d’amnisties impose et construit l’oubli de la guerre. » C’est peut-être cela que Besson appelle « traités ». On le savait ministre de l’identité nationale et des expulsions réunies, on le découvre ministre de l’oubli.


     Dans le registre excrémentiel de ceux qui s’arrangent avec l’Histoire, on trouve aussi des profs : une élève de 3e vient d’être renvoyée trois jours pour avoir porté, en cours, un tee-shirt siglé « Palestine libre. » Le prof (d’Histoire !), connu pour ses sympathies pro-israéliennes, lui ordonne de cacher le vêtement, non sans avoir traité de « charlots » et de « charlatans » les défenseurs de la cause palestinienne. La jeune fille refuse, fond en larmes et quitte la pièce : le proviseur l’exclu trois jours pour « refus d’obéissance » et « acte de prosélytisme. » A quand le GIGN investissant une salle de cours au prétexte qu’un élève porte un A cerclé sur le maillot ?


     Allons, halte à la déprime, camarades, il n’y a pas que de mauvaises nouvelles. La preuve : contrairement à Robert Pandraud, nous sommes encore vivants.


                                                                                         Frédo Ladrisse.

Mon curé pénectomisé, et mon muezzin en limousine

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? La campagne des Régionales étant maintenant lancée, installée pour un mois aux Unes des journaux, nous parlerons, si vous le voulez bien, d’autre chose, et délaisserons l’anecdotique au profit de l’essentiel. Bagnolet, par exemple, son squat, et ses habitants expulsés au plein cœur de l’hiver par une mairie se montrant sur le coup intraitable, jusqu’à détruire l’immeuble, au bulldozer et le jour même. Cette mairie, c’est à noter, est tenue de longue date par le parti communiste français. Qui verrait en l’affaire comme une façon de contresens prouverait sa méconnaissance de la clique stalino-brejnévo-buffetiste, campant toujours et bien au chaud place du colonel Fabien. Selon Christine Lacour, adjointe au maire de Bagnolet, « les gens ne comprenaient pas que la mairie ne bouge pas. » Eh bien voilà, c’est fait. Reste à savoir qui sont « les gens ». Un agrégat de grabataires ne supportant pas de voir la valeur de leur pavillon amoindrie du seul fait de cette promiscuité ? L’élue, elle, en rajoute : « parfois, des limousines se garaient, ce qui est peu habituel pour un squat. » Traduction : il devait s’agir, pour le moins, de la résidence d’hiver du cartel de Medellin.


     Puisqu’on parle de malfrats, arrêtons-nous un temps sur Parisot, Laurence, présidente du Medef et bien entendu candidate à sa propre succession. Profitant du pince-fesses social se tenant à l’Elysée en ce lundi et pour la galerie, la Parisot en remet une couche sur la question des retraites. « L’espérance de vie approche les 100 ans », assène-t-elle, « comment imaginer trente ou quarante années sans travailler ? » Uno, certains, dont je suis, l’imaginent très bien, et même plus longtemps si elle veut. Secundo, l’espérance de vie est actuellement de 82 ans pour les cadres supérieurs, et de 76 ans pour les ouvriers. Elles ne sont donc pas pour demain, les cohortes de centenaires ayant passé leur vie sur les chantiers, dans les usines. Parisot nous prend pour des caves. Qu’une overdose de petits fours élyséens l’étouffe, elle et ses « partenaires », les Chérèque et autres Thibault !


     « Dans les transports, systématiquement le soir, il faut faire en sorte que les femmes seules aient un accès privilégié dans le premier wagon, et qu’il soit sur-vidéoprotégé. » Qui parle ainsi, Julien Courbet, Patrick Sébastien, Bézu ? Pas loin, mais c’est un autre clown, Bruno Beschizza qu’il s’appelle, et c’est le monsieur sécurité de l’Ump en Île-de-France. Tout en machisme bien primaire et en finesse sécuritaire, Monsieur Propre s’est rendu compte, mais un peu tard, qu’il avait dit une grosse bêtise. « On m’a mal compris », hihi. « J’ai voulu symboliser la vulnérabilité de certaines personnes, qui ont peur. C’était la femme seule. » Les principales intéressées apprécieront, et pour notre part on attend avec une certaine gourmandise les wagons spécial vieux, spécial jeunes enfants, spécial petits blancs en costard gagnés par la paranoïa ambiante.


     Ces derniers trouveront chez Le Pen de quoi alimenter leurs phobies variées et diverses, à moins qu’ils ne goûtent davantage ses métaphores à caractère pénectomique. Ainsi le vieux voit-il dans Fillon un « fidèle castré », tandis que dans la même interview il relève que « tout le monde sait bien que monsieur Sarkozy est le roi de l’impuissance. » On ne sait si monsieur Le Pen, pour sa part, bande encore. Mais en tout cas ça le travaille.


     Georges Frêche, de son côté, est travaillé par une question pour lui tout aussi essentielle : « je me demande si je ne suis pas un petit peu juif. » Etonnante interrogation, dont la raison demeure obscure, à moins qu’elle ne soit  l’occasion d’en remettre une couche dans le domaine de la provoc’. Mais ce n’est jamais qu’un exemple parmi tellement d’autres de la place, préoccupante, que semble devoir prendre, au cœur de cette république qu’on nous vend comme laïque, la question des religions. En fait, on n’en sort plus. Voyez le foin fait autour de la candidate Npa, Ilham Moussaïd, qui porte le foulard — et non le voile, comme d’aucuns l’ont écrit partout. A gauche comme à droite, ça pousse des cris d’orfraie, ça dénonce, ça éructe. Tant et si bien qu’on est tenté, une fois n’est pas coutume, d’acquiescer aux propos d’Olivier Besancenot, lequel se demandait l’autre jour « si l’abbé Pierre revenait et se présentait aux élections avec sa soutane, la classe politique hurlerait-elle ? » Certes non, heu, mais la soutane, n’est-ce pas, fait partie de l’identité nationale, non pas ?… Bref, dans le contexte actuel — comme disent les pisse-copie —, ce foulard-là fait office de véritable provocation. Au point que Ni putes Ni Soumises, sous-marin du Ps et gardien de la bien-pensance en matière, non d’intégration mais d’assimilation — je renvoie à cette distinction, dont ils ignorent à peu près tout, ceux qui, sur ce blog même, m’insultent régulièrement et m’accusent d’islamophilie : à vos dictionnaires, les enfants ! —, que ni Putes ni Soumises, donc, s’apprête à porter plainte contre le Npa. « Le Npa a fait du voile, symbole de l’oppression des femmes, l’étendard de son projet de société », déclare Sihem Habchi, la capitaine du sous-marin. Vite, une loi anti-Npa ! D’ailleurs, n’a-t-on pas aperçu le mollah Omar (en limousine) venir prendre le thé chez Krivine ?


      En vérité la position de Ni putes ni Soumises en serait à crever de rire, si elle n’apportait de l’eau au moulin des enturbannés radicaux, lesquels ont beau jeu, après ça, de dénoncer une islamophobie rampante. D’autant que dans la classe politique, nul ne semble à l’abri des amalgames et — pour rester poli —, des erreurs d’appréciation : Noël Mamère lui-même, député de Les Verts, a fini par fâcher sa propre suppléante, laquelle en a plein le dos qu’il la présente partout comme musulmane. « Militante féministe, laïque et socialiste, je n’accepte pas que mon député titulaire me présente comme une élue musulmane », s’énerve Naïma Charaï. Faut dire que dans le contexte actuel, et avec un nom pareil, hein…


     Dans le contexte actuel, on ne s’étonnera pas non plus de voir se multiplier les attaques contre les mosquées, et les profanations de cimetières musulmans. A Castres, à Saint-Etienne, à Saint-Priest on tague, on casse, on met le feu. Autant d’actes mollement condamnés par un pouvoir qui n’ignore pas avoir, ces derniers mois, soufflé sur les braises d’une xénophobie avec laquelle il est toujours aventureux de jouer. Les médias, pareillement, rapportent les faits, sans s’en scandaliser plus que de mesure. « Ça leur passera », semblent penser nos journaleux. Qui ont oublié, au passage, que le pire est toujours certain.


     Pour les étrangers qui, quelle curieuse idée !, seraient tentés de rejoindre la France histoire de pas crever de misère, le pire est pour demain. L’incorrigible — et, pour l’instant, incorrigé — Eric Besson va proposer une loi modifiant le code de séjour et d’entrée desdits étrangers, dans le sens qu’on imagine. Seront ainsi créees des « zones d’attente spéciale », s’étendant selon le ministre sur « l’ensemble du périmètre de découverte des étrangers en situation irrégulière, et permettra de les maintenir sous contrôle de l’administration. »  Ces zones, qui pourront donc s’étendre  sur plusieurs kilomètres, crées selon le Gisti un « régime d’exception ». Rappelons qu’elles se situent, en droit, hors du territoire français, et prive de liberté l’étranger qui s’y trouve. Autres joyeusetés intégrées au même projet de loi, une accélération de la procédure d’expulsion, une limitation des pouvoirs du juge des libertés et, cerise sur le gâteau, la création d’une nouvelle carte de séjour temporaire, délivrée à des conditions draconiennes : posséder un contrat de travail d’une durée d’au moins un an, lié à un salaire égal ou supérieur à 1,5 fois le salaire moyen, et être titulaire « d’un diplôme sanctionnant au moins trois années d’études supérieures », rien que ça ! Mission impossible, quoi. Et c’est bien là le but. Vigilance, donc, les aminches. La loi n’est pas encore votée mais si elle devait l’être un jour se serait de l’ordre de la catastrophe. En attendant ce jour funeste, vous trouverez ci-dessous la musicale contribution de la Z.E.P. (Zone d’Expression Populaire) au fumeux débat sur l’identité dite nationale. L’occasion de se détendre, un brin.
 
                                                                                                                             Frédo Ladrisse



Dégagez-vous !

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Près d’un million de chômeurs vont se retrouver en fin de droits d’ici décembre 2010, sans revenu aucun pour un bon tiers d’entre eux. On peut aisément en conclure à l’encombrement des trottoirs, vu le nombre d’individus jetés incidemment à la rue. Qu’importe : au plus haut sommet de ce qu’il est convenu d’appeler les instances dirigeantes de notre beau pays, on se dédouane, on se renvoie la balle, c’est pas moi c’est ma sœur. Pour Laurence Parisot, « c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités. » On en attendait pas moins d’elle, et de ses complices en plans sociaux et autres délocalisations sauvages.  Du côté du gouvernement, on planifie des réunions. Je vous parie un bouquet de mes plumes qu’à leur issue sera créer une commission, laquelle nommera un rapporteur, lequel se fendra d’un rapport, lequel sera prudemment remisé dans un ministériel tiroir. Pourtant, le père Chérèque, pour la Cfdt, nous aura prévenu : « on n’est pas sorti de la crise, il ne faut pas la zapper. » Ce type est un visionnaire.  Et d’ajouter que « les retraites ne peut pas (sic !) être le train qui cache le train de la crise. » Avec ce genre d’argument, sûr qu’on va vers la grande grève, générale et reconductible !  Quant aux chômeurs eux-mêmes, ils pourront toujours embrasser la riante carrière d’adjudant-chefaillon.

     Car l’armée tourne autour de la charogne, tel le sournois vautour. La crise, pour elle, est une aubaine, aussi lance-t-elle ces jours-ci la plus grande campagne de recrutement jamais organisée. Le slogan directeur est à s’en pisser dessus : « devenez vous-même. » Rien que ça. Et la grande muette de s’apprêter à communiquer à tout-va, journaux, téloche, radios, internet comme il se doit et même les Smartphones. « Pour la majeure partie des jeunes, il n’est pas naturel d’imaginer le métier de soldat », déclare le général Pontiès, communiquant-en-chef.  C’est pour nous une bonne nouvelle, mais c’est un problème pour l’armée, quand le djeun se rêve en artiste hip-hop, plutôt qu’en bidasse bêlant. Pour autant, les sergents recruteurs se sont fixé une limite : « pas question d’utiliser les « wargames », comme le font les Américains. On ne veut pas accréditer l’idée que la guerre est un jeu. » Prendre les gamins pour des débiles, c’est bien mal commencer une campagne de recrutement  qu’on aimerait, bien entendu, voir s’achever en une sorte de pathétique Waterloo. « Engagez-vous », qu’ils disent. Dégagez-vous, plutôt, les mômes !

     Cependant, on ne le sait que trop, l’antimilitarisme n’est plus vraiment dans l’air du temps. L’époque est aux grandes idées, la Nation, l’Identité et autres Bessonnades. Aussi a-t-on, ici ou là, annoncé peut-être un peu vite la fin du grand débat sur l’identité en question. S’il est vrai que lundi doit se tenir à Matignon un, comment disent-ils… « séminaire », censé tirer les conclusions — en même temps qu’un trait — sur cette morbide plaisanterie, le ministre, pour sa part, parle d’un « point d’étape. » On en aurait donc pas fini, à moins évidemment que le Maître du Château ne siffle la fin de la récréation. C’est que les élections approchent, et que ledit débat est pour le moins impopulaire, deux Français sur trois n’y voyant qu’une pitoyable opération de racolage des votes d’extrême-droite.  Peu importe, pour Besson : « j’assume tout, oui, j’assume tout. » Parlant de « succès populaire », il en tire, avant tout le monde, la conclusion que « les Français aspirent à un renouveau du pacte républicain. » Mouais. « Renouveau », ça me rappelle quelque chose, ce mot-là…  Quand au Front National, requinqué par la grâce de ce débat putride, ce n’est, pour Besson, qu’ « un épouvantail qui n’existe pas. » A force d’enfiler comme des perles les dénis de réalité, on va bientôt s’apercevoir que c’est Besson lui-même qui n’existe pas. Ce qui ne serait pas une vilaine nouvelle.

     Mais tandis que la droite flippe à l’approche de Régionales qui s’annoncent, pour elle, comme une Bérézina, la gauche semble à peine mieux barrée, avec un parti socialiste s’étant laissé piégé, puis enfermé par l’affaire Frêche. Du coup, sa campagne est parfaitement inaudible, noyée sous le flot des commentaires, des invectives, des menaces bref, du sempiternel grand guignol socialiste. « Je suis le Villepin d’Aubry », éructe celui par qui, une fois de plus, le scandale arrive — gageons que sous peu apparaîtra un néologisme du style « villepinisation », à propos d’un individu qu’on tente de carboniser politiquement parlant. En attendant et pour tenter de sauver peu ou prou les meubles, Aubry  pousse dans l’arène la maire (Ps) de Montpellier, laquelle n’en demandait pas tant. De son côté, Cohn-Bendit, pour qui « il faut faire place à l’imagination » (il serait grand temps, oui), propose carrément une tournante : à la tête de la région Languedoc-Roussillon, ce serait une fois un Vert, une fois un socialo. Ça, c’est de l’imagination… Finalement, laissons ces clowns à leur comptabilité de petits boutiquiers locaux et attendons, sereins, les chiffres de l’abstention. Une abstention dont il serait éminemment souhaitable qu’elle ne se démente pas lors des prochaines présidentielles : déjà, on nous balance des sondages, dont un qui prédit que le seul candidat susceptible de battre Sarkozy, c’est Dominique Strauss-Kahn. Vous avez dit cauchemar ?
 
                                                                                          Frédo Ladrisse.     



ILS NOUS GAV (de l’expansion des petits Drancy, de la paranoïa et de l’altruisme déçu)

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? On en apprend de jolies, tiens, sur les mœurs vaticanes. Ainsi, Popol II, partisan de rudes pénitences, se flagellait à sang. Son biographe, Monseigneur Oder, par ailleurs postulateur de la cause de béatification (en langage ordinaire, le bonhomme chargé de son dossier en matière de sanctification), ne laisse aucun doute à ce sujet : « il s’infligeait lui-même à son corps [sic]  des douleurs et des mortifications, et souvent passait la nuit à-même le sol. » Eh bin. La sœur du-Saint-Etron-de-l'enfant-Jésus, chargée le lendemain de passer l’aspirateur, devait pas manquer de boulot. « Karol Wojtyla se flagellait avec une ceinture spéciale qu’il utilisait comme fouet », précise le monseigneur. « Elle avait quoi de spécial, la ceinture du pape? », m’a tout de suite questionné mon cousin Charles-Kevin, gérant d’un dépôt-vente d’ustensiles sado-maso du côté de Limoges-Nord. Je ne sais, cousin, je ne sais. Je ne peux que te répéter ce que confiait à un proche Jean-Paul, second de sa lignée : « ils essaient de me comprendre de l’extérieur, mais je ne peux être compris que de l’intérieur. » Existe-t-il, cousin, plus bel éloge de la sodomie ?
 
     Il en est en tout cas, cette semaine, un autre.  Je pense au discours de Tony Blair, qui nous l’a mis profond et qui, sommé de s’expliquer devant une commission d’enquête au sujet de l’engagement de son pays lors de la seconde guerre d’Irak, a avoué : « je me sens coupable, mais sans regret. » Se sentir coupable, lui ? La blague. « Nous étions convaincus que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. » Vouis vouis. Le caniche bushien n’a d’autres excuses que celles, déjà usées jusqu’à la corde, par son seigneur et maître. « Je n’ai aucun regret », a insisté Tony. Toujours les mêmes mots, les mêmes foutreries, dans la bouche des fossoyeurs, quel que soit leur camp, leur drapeau…  Il serait peut-être temps de trouver le moyen de leur en donner, des regrets, non ?
 
     Il semblerait toutefois que ces temps-ci, le regret ne soit plus de mode. Voyez Galouzeau de Villepin, en son habit de lumière : regrette-t-il quoi que ce soit, une fois blanchi (sous le harnais ?) de la pathétique affaire Clearstream ? Que Nenni, Ophélie, que non, oncle Gaston ! Non content de s’en sortir, c’est le cas de le dire, à moindre frais, voilà-t-y pas que le Galouzeau entend « se tourner vers l’avenir pour servir les Français et contribuer, dans un esprit de rassemblement, à redresser la France. » Rien que ça. Traduction : le gars se voit déjà candidat aux futures présidentielles. « Je ne suis pas mort ! », tonne-t-il. C’est oublier le croc de boucher auquel Sarko s’acharne à vouloir le suspendre, l’appel téléguidé du procureur Jean-Claude Marin, lequel procureur n’aurait reçu, selon MAM, ministre de la justice, « aucune instruction ni incitation. » On y croit dur comme fer. En tout état de cause, il y aura un second procès, dont l’issue nous importe peu. L’autruche relève néanmoins que dans notre belle merdocratie, l’opposant principal à la sarkozerie, c’est Villepin. Nous en sommes là.
 
     Et les socialistes, direz-vous, que font-ils, où sont-ils ? Sur le ring, comme d’habitude. Après que le gros Frêche, en son fief montpelliérain, se soit gaussé d’un Fabius qui « a une tronche pas très catholique », s’est déclenchée une bronca, menée par Aubry, contre lui. Le Parti socialiste, savez-vous, est un de ces partis qu’on quitte tout en y restant, finalement. Tel est le cas de Frêche, racialiste notoire, mais poids lourd en Languedoc. Impossible, dans ces conditions, de vraiment dégager le bonhomme. Du coup, Fabius, en cas de second tour Frêche-Ump à l’occasion des régionales, estime que « le minimum, c’est l’abstention. » Entendre un ex-premier ministre faire campagne pour le non-vote constitue un plaisir, trop rare.

        Les socialistes, en tout cas ceux qui continuent de s’autoproclamer comme tel, j’en ai croisé tout un troupeau, lors de la manif syndicale du 21 janvier. Des tout frais, des jeunots qui sentaient le lait maternel, des MJS, quoi. Sagement rangés sur le trottoir ils distribuaient leurs tracts, le sourire étudiant aux lèvres. Or, il se trouve que l’objet de cette manifestation —la sauvegarde des services publics — entrait en pleine contradiction avec la présence, fut-elle post-pubère, de représentants d’un parti ayant en son temps amorcé la casse de ces services publics, et dont la secrétaire nationale s’était, pas plus tard que la veille, déclarée en faveur d’un allongement du temps de travail. L’autruche a donc été les voir, ces petits drôles sentencieux, bec dehors et cou très tendu leur a signifié Vous n’avez rien à faire là, cassez-vous, dégagez, bande de nases, la droite, c’est aussi vous. C’est alors que j’ai senti dans le regard du gars qui me tendait son putain de tract, de ce jeune Marc-Edouard fraîchement émoulu d’une quelconque école de commerce mais « jeune socialiste » tout de même, comme une pointe de tristesse et de découragement. Vous savez, ce regard qu’on lit chez les flics, quand ils se rendent compte tout à coup que personne ne les aime, et qu’ils ne savent même pas pourquoi. Un regard animal, quoi.


       Plus tard, lors de cette ballade syndicalo-bêlante sans intérêt aucun, j’ai ri, tout de même, oui, tandis qu’on passait devant le théâtre de la porte Saint-Martin : un fieffé boute-en-train bien que cégétiste de base mais doté d’un lourd mégaphone, lisant sur le fronton le titre du spectacle, lança dans son micro « libérez nos camarades ! » On joue La cage aux folles, en ce moment, dans ce théâtre.


       Les libérer, ça va être dur, et surtout les libérer tous : après l’aveu contraint, par le gouvernement, d’une sous évaluation dantesque du nombre de gardes à vue, on arrive, pour 2009, au chiffre de 900 000 GAV. Elles ont donc triplé depuis 2001. Une paille. Le gars Gachet, représentant en la matière du ministère de l’intérieur, a expliqué que l’oubli, dans les stats’, de près de 200 000 GAV provenait du fait qu’il « y avait deux comptabilités distinctes. » Comme chez les mafieux, quoi. De son côté Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, affirme « nous ne sommes pas des acharnés de la garde à vue. » La preuve : 63 millions de Français y ont échappé cette année. En un mot comme en mille, Emile, que certaines associations faisant leurs choux gras de la défense des droits du citoyen commencent doucement à se réveiller et à s’étonner de cette curieuse inflation des privations de liberté, risque peu de modifier le comportement des flics. Intouchables et cartes-blanchés, la poulaille se donne à fond, laisse libre court à ses tendances excessivement paranoïaques. Or, comme le dit en un murmure teinté d’évidence gracile ma camarade et néanmoins copine Isabelle T., « la paranoïa n’est jamais qu’un altruisme déçu ». C’est une explication. Si ils nous GAV, les flics, c’est parce qu’on a pas su combler le désir, désespéré, qu’ils ont de nous venir en aide ? Si tel est le cas ils peuvent continuer à se toucher.


     N’auront pas échappé aux GAV, plus tard, aux expulsions, les 83 Rroms de Clichy-la-Garenne, vieillards et enfants compris. C’était le 27 janvier dernier. Ne nous échappe pas, à nous, que, ce même 27 janvier, était commémoré le 65e anniversaire de la libération d’Auschwitz, camp dans lequel 21 000 Rroms trouvèrent la mort. « Cette commémoration est un devoir d’humanité », a déclaré Sarko dans un message lu à Auschwitz. Compassion, à l’égard des victimes d’hier, « fermeté » vis-à-vis des victimes d’aujourd’hui : quand la police actuelle se montre la digne héritière de la police d’hier, de celle qui bourrait les bus en partance pour Drancy, la schizophrénie assumée du néopétainisme quitte l’ordre du symbolique. Elle meurtri les chairs, brise les vies et détruit les êtres, aussi sûrement que son ancêtre.


      Dans le même ordre d’idée, on apprend que Gérard Mordillat, cinéaste, écrivain, est l’objet d’une plainte déposée par Eric « Laval » Besson, ministre des expulsions et du Kärcher réunis. Sa faute ? Avoir déclaré lors d’une interview que la phrase de Brasillach, durant l’occupation, disant qu’ « il faut se séparer des juifs en bloc, et ne pas oublier les petits »,  « pourrait servir d’exergue à son ministère du racisme et de la xénophobie : il suffirait de remplacer « juifs » par Afghans, Tchétchènes, Roms, Maghrébins, Africains, Chinois etc. » Bref, Mordillat s’est contenté de résumer l’avis de tout ceux qui, de près ou de loin, ont pu constater les ravages de l’actuelle chasse aux sans-papiers, et des rafles qu’elle implique. Oui, j’ai bien dit : des rafles. Et j’en rajoute, tiens : chaque centre de rétention, lesquels pullulent en Sarkozie, sont autant de petits Drancy. (1)

 
     Au milieu de ce marécage qui voit renaître et prospérer les idées purulentes et autres pestilences émanant de la glorieuse année 1943, on reparle, comme par hasard, de la burqa, huile jetée sur un feu qui pourtant brûlait bien, merci. Il y aura donc une loi. Peut-être. Inapplicable certainement, mais une loi, tout de même. Les deux margoulins président-rapporteur de la commission chargée d’examiner l’avenir républicain de ce bout de tissu en seront certainement ravis. S’en réconcilieront-ils pour autant ? Pas certain. Car entre Gérin, le vieux stal’, et Raoult chiraquien de combat, le torchon brûle, de long temps. Selon un proche des gagmen, « cela aurait pu être Laurel et Hardy : c’est plutôt Dupond et Dupont. » On a les références qu’on peu…  Quand Gérin dit de Raoult « c’est vrai qu’il a des côtés insupportables et que, parfois, on a envie de le taper », Raoult dit de Gérin : « il est complètement irrationnel, c’est un populiste. » Ambiance… Mais lorsqu’il s’agit de dénoncer la « marée noire » du voile intégral menaçant soi-disant la France, la République, la Civilisation, ces deux là se retrouvent comme larrons en foire. Comme quoi ça a du bon, le fondamentalisme musulman, ça suscite l’Union Sacrée à la buvette de l’Assemblée, autour d’une assiette de cochonnaille et d’un verre de chablis. A la votre, bande de ploucs.

       T
andis que ces nuisibles n’en finissent pas de chier des lois comme les pigeons se répandent en fientes, Howard Zinn cassait sa pipe en toute discrétion. Sans emmerder personne. Il y a des gens qui savent se tenir.

 
                                                                                                 Frédo Ladrisse.   
 
(1) Pour soutenir Gérard Mordillat, rendez-vous là :     jesoutiensmordillat@gmail.com
    


 

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