"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Juin 2010

Réputés pénibles

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Sale temps pour les comiques que celui où nos médiacrates s’usent à refondre les programmes, et les bien-nommées grilles de rentrée. Sur la sellette, Didier Porte, Stéphane Guillon, qui n’ont guère l’heur de plaire au guide suprême Kim-Il-Val, directeur de France Inter. Les deux clowns en ont, certes, rajoutés cette saison dans la provocation et les attaques, pas toujours drôles, mais enfin ils ne font que leur métier de bouffons, et plus ils le feront crassement plus ils seront en phase avec leur époque. Quoi qu’il en soit, les voilà tout près de la sortie, et les raisons de la hargne que leur porte Philippe Val sont, peut-être, à chercher ailleurs que dans la défense du bon goût et de l’humour gaulois. A grand renfort d’avertissement et de lettre recommandée, Monsieur le Directeur tient particulièrement dans son collimateur Didier Porte, ancienne plume du défunt Siné Hebdo. De là à y relever comme une relation de cause à effet, il y a un pas que personnellement je franchis volontiers. Il y a nettement plus inquiétant : c’est que Val, depuis quelques années, arpente dans l’allégresse les allées du pouvoir, ami de la première dame de France et de quelques caïds du Sarkozystan libéré. De telles accointances ont un prix. Aussi Val n’est-il pas totalement sourd (euphémisme) aux lamentations de certains, régulièrement étrillés par Porte. On examinera donc avec la plus grande attention de quelle très élégante façon le carlabruniste Philippe Val va se débarrasser de l’empêcheur de copiner en rond.


     Sale temps, oui, pour les comiques : dans une autre catégorie, Patrick Sébastien connait lui aussi, de ces déboires. L’indécrottable animateur s’était, très récemment, découvert une vocation de meneur politique. Aussi avait-il décidé de lancer son propre mouvement, un bidule très joliment intitulé Le Dard. Las ! Suivi par personne et lâché par tout le monde, raillé par pelletées sur le net et ailleurs, on apprend cette semaine que Sébastien renonce, se disant « épuisé par la connerie ambiante. » Le plus étrange est que personne ne vienne alors lui rappeler que ladite connerie, il contribue personnellement, et depuis de nombreuses années, à l’alimenter, à grande eau. Nul doute que le Dard manquera, dans le paysage glaiseux de la campagne présidentielle. Manquerait plus que Lalanne renonce lui aussi !


     Un qui ne renonce jamais, et c’est fort dommage, c’est Dieudonné le non-comique. Son dernier spectacle n’est qu’une avalanche d’injures raciales, d’antisémitisme même plus voilé, et de délires dignes du plus puant martyrologue. En ouverture, une parodie de discours nazi menace de déportation les spectateurs qui n’auraient pas éteint leur portable. Hilarant. Puis, après avoir confessé que le président iranien est « un guide » pour lui, il annonce s’être converti au judaïsme : « j’ai rejoint la religion du profit. » trop drôle. Enfin, lors de l’inévitable tirade en forme d’ode à son pote le révisionniste Faurisson, « l’Histoire, c’est pour les cons, c’est un nid à problèmes. » On comprend mieux pourquoi l’Histoire intéresse à ce point Dieudo.


     Etait-il copain avec cette autre grande figure de l’Histoire de la France Profonde qu’était le général Bigeard ? Nous l’ignorons, cependant on les imagine bien collaborer ensemble. Bigeard, ah, Bigeard… Il a cassé sa pipe, l’antique tortionnaire. A 94 balais. Comme quoi c’est bien les meilleurs qui partent les premiers. L’homme avait une drôle de manie : il collectionnait les plaques de rue portant son nom. En toute simplicité, quoi. Mais la haute opinion qu’il avait de sa personne n’empêchera pas de goûter, comme il faut, l’annonce de sa disparition. Eh non, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles.


     Autre disparue de la semaine : Marie-George Buffet. Certes elle n’a pas encore, elle, rejoint le caveau, mais tout de même elle vient de quitter la tête du Pcf, ce qui n’est pas rien. Si ? Ah bon. Quoi qu’il en soit cela vous avait des allures d’enterrement de première, avec, parmi les présents au congrès, Mélenchon, Besancenot, Laguiller ou Martine Aubry. Ils l’ont, tous, applaudi longuement, comme au bon vieux temps du Kominterm, ce qui ne manqua pas de faire naître une larme à l’œil de l’ancienne secrétaire. « Pourrait partir d’ici une manifestation unitaire qui aurait une sacrée allure », s’est-elle alors émue. Oui, une allure de cortège funèbre.


     Adieu, donc, Bigeard et Buffet, adieu aussi, pour Tf1, la manne que devait représenter les retransmissions des matchs de l’équipe de France de foutbale. Les droits télévisuels, achetés la bagatelle de 120 millions d’euros, ne seront certainement pas comblés par les recettes publicitaires, vu l’élimination précoce des onze guignols en maillot bleu, culotte blanche et bas rouges (car, pour ceux qui ne le sauraient pas, les footballeurs portent des bas). Du coup, l’action boursière de la chaîne au temps-de-cerveau-disponible, ne cesse de chuter. On vous le disait, plus haut : y’a pas que des mauvaises nouvelles.


     Il y en a pourtant, au premier rang desquelles la dernière initiative de MAM, ci-devant garde des sceaux, à l’intention des détenus. Elle vient d’inaugurer, à Versailles, le deuxième centre de télé-appel en prison, employant une vingtaine de femmes au profit d’une société privée. L’initiative s’inscrit, bien sûr, « dans le cadre de la réinsertion », et dans la volonté de placer le travail en prison dans « des perspectives nouvelles, en prise avec la société moderne. » Le tout sur fond, bien entendu, d’encouragement aux « partenariats avec les entreprises. » Lesquelles entreprises se targuent alors de faire dans le social, on croit rêver mais c’est ainsi… On l’aura compris, la démarche vise, d’une part, à maintenir un haut degré d’exploitation des détenus (comme ni Smic, ni code du travail ne sont appliqués en prison), d’autre part à explorer de nouvelles et toute entrepreneuriales aubaines, le télémarketing étant une des plus prometteuses. La prochaine fois que vous engueulerez au téléphone un démarcheur, dites-vous bien que la personne vous appelle peut-être de derrière les miradors. Il est pas beau, le capitalisme moderne ?


     Le travail, tiens, parlons-en. La réforme des retraites est en marche et ce n’est pas la ballade syndicale de jeudi qui risque de changer la donne (même si le gouvernement, qui tablait benoîtement sur « l’effet coupe du monde » pour voir se dégonfler la mobilisation, se retrouve, sur ce plan, gros Jean comme devant. Merci Raymond !) Au chapitre des châtiments dont on espérait vaguement qu’ils nous seraient épargnés, figure en bonne place l’individualisation de la pénibilité, laquelle fera l’objet d’examens médicaux personnalisés. Traduction : il faudra prouver qu’on est déjà cassé par le boulot pour espérer pouvoir travailler quelques années de moins. Exit le différentiel entre l’espérance de vie chez l’ouvrier et celle du cadre, exit, pareillement les maladies professionnelles se déclarant après le départ en retraite. Appliquée au cas de l’amiante, cette nouvelle réglementation aurait laissé bosser jusqu’à ce que mort s’ensuive celles et ceux qui y furent exposés. Selon Eric Woerth, ministre du travail, serait bel et bien caduque « la liste des métiers réputés pénibles. » Retenez bien ce mot : réputés. Le mépris dans lequel nous tiennent les cadors et autres califes du sarkozystan libéral, ne saurait s’exprimer avec davantage de clarté.
 
                                                                                       Frédo Ladrisse
        
       


Michel Galabru never die !

 
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Concernant les retraites on avance, à reculons bien sûr, mais la séquence du dialogue-avec-les-partenaires-sociaux et autres fariboles est, enfin !, terminée. Elle s’achève sur le coup de bambou que Fillon et ses ouailles avaient préparé de long temps, et mercredi on devrait apprendre dans quelle sauce nous tremperons nos amertumes de futurs vieux pauvres. L’annonce du début de la fin des haricots sera-t-elle publiée sur le site de Paris-Match, comme l’élégant Woerth, ministre du travail, avait choisi de le faire en mai au sujet de l’âge légal du départ à la retraite? A vrai dire, la logique voudrait que ladite annonce paraisse en exclu sur le blog de Parisot, Laurence, tant elle en fut l’inspiratrice — avez-vous remarqué, ces dernières semaines, de quel assourdissant silence nous gratifia la dame? Plus bavard que la Parisot, un ministre sans nom affirmait vendredi dernier que, sur l’âge légal, « ce qui est sûr, c’est que sera entre 62 et 63 ans. » Selon ce même anonyme, Fillon le fielleux en pincerait pour les 63 —étonnant, non ?—, mais l’exigence commanderait de se réserver un peu de marge, d’opter, comme à la dernière minute, pour les 62, histoire de faire accroire au bon peuple qu’on l’a entendu, hein, oh, on n’est pas sourds. Elle est bien bonne, ma chère Yvonne, d’autant que le même ministre, en une façon de lapsus, concluait son propos ainsi : « l’important, c’est le jugement que portent les marchés sur notre gestion. » Tout est dit. Ou quasi. Hausse des cotisations, alignement du public sur le privé en matière de calcul des pensions, allongement des durées de cotisation sont également à l’ordre du jour. Pour contrer cette avalanche de mauvaises nouvelles, Fillon et ses caciques ne manqueront pas de mettre l’accent sur la taxation des ménages dits à revenus élevés, une taxation symbolique et par ailleurs provisoire, qui ne concernera que ceux qui touchent plus de 11 000 euros par mois. Ceux-là, on peut d’hors-et-déjà faire confiance à leur comptable pour dénicher la magouille permettant de ne déclarer que 10 998 euros de revenus. Dura lex ? Sed lex, mon gars ! Ajoutons à cela le projet de prise en compte individuelle de la pénibilité (ce n’est plus le métier exercé mais les visites médicales, au cas par cas, qui désigneront les salariés susceptibles de partir plus tôt), et le package spécial casse du régime général sera, cette fois, complet.


     Cependant, en matière de retraite, gardons-nous d’être par trop caricaturaux : il y a des retraités heureux, voyez Christine Boutin : entre son emploi fictif de chargée de mission refilé par Sarko, ses indemnités de conseillère générale des Yvelines et sa retraite de députée, la Boutin émargeait à 17 500 par mois. Une paille. On a surtout parlé de cette pseudo mission confiée, donc, par l’Elysée, et destinée à évaluer les « conséquences sociales de la mondialisation. » On savait le Sarkozystan très préoccupé par ce genre de problématique marxisante, on ne le savait pas prêt à débourser tant de pognon pour au final, quoi, vingt pages de rapport ? Qu’importe. Prise la main dans le pot de confiture, l’ex ministre du logement s’est défendue comme elle pouvait : « je n’y peux rien, la loi est comme ça », a-t-elle pleurniché à propos du cumul éhonté de ses revenus. Devant la bronca du populo, et lâchée par ses pairs, cette sorte de Josiane Balasko qui aurait viré prolife, renonçait à une part de ses émoluments, et décidait « de mener cette mission de façon gracieuse. »  Ce qui, admettons-le, risque de ne pas être simple avec son physique de bourrin. Puis elle profitait de  l’occase pour balancer les copines: « il y a beaucoup de gens qui sont dans cette situation et qui vont aujourd’hui ou demain être confrontés au même problème. » Des noms, Christine, vite !


     Si c’est pas très mignon de dénoncer ainsi ses anciens camarades, il n’empêche que le cas Boutin n’est pas sans rappeler celui du bon Kouchner, de son rapport payé par Total, et qui chantait les louanges de la gestion pétrolifère à la mode junte birmane. Kouchner, malgré tout, est, depuis, une nouvelle fois redevenu ministre — c’est qu’il sait rebondir, le gars, son surnom : Jokari —, et, comme tout ministre digne de ce nom, il s’agace dès lors qu’on prétend lui faire subir le sort du commun des mortels: il y a quelques jours, à l’aéroport de Montréal, l’équipe de sécurité s’est permise de le fouiller, lui ! On rapporte qu’il est aussitôt entré dans une colère noire, « ce sont des imbéciles ! », s’écria notre diplomate, sans qu’on sache s’il parlait des vigiles de l’aéroport ou, plus généralement, de l’ensemble des Canadiens, ou encore de l’ensemble de l’humanité. Une fois l’incident connu, les services du ministre des affaires étranges s’est empressé de pondre ce communiqué, fort curieux : « Monsieur Kouchner est un homme entier. » Il aura donc fallu le palper pour s’en assurer.


     Qui donc viendra nous palper, nous, blogueurs impénitents et autres netophiles ? Pour l’heure, nous l’ignorons, mais la parano file bon train dans les couloirs du pouvoir, lequel pouvoir entend bien, sous peu et totalement, s’assurer le contrôle de la toile. Une preuve, une de plus ? Jetez donc un coup d’œil à la « proposition de loi tendant à faciliter l’identification des éditeurs de sites en ligne et en particulier des blogueurs (titre réel du texte, sic !) » (1), présenté en mai au sénat, et qui vise rien moins qu’à rendre impossible, sur le net, l’anonymat, fut-il virtuel. C’est la fin, le tocsin, pour l’autruche, Ladrisse et autre Ladrissette, bientôt nous nous verrons contraint de révéler nos identités, j’ai nommé Michel Galabru et Ginette Garcin.


     Michel Galabru, parlons-en ! L’autre soir un ami et néanmoins natif de Rouen m’affirmait que le bonhomme était crevé depuis longtemps. Galabru ? Mort ? Renseignement pris, que nenni ! Michel Galabu never die !


      Autre chose, qui bouge encore, allons jusqu’à dire qu’elle frétille : la langue du pâle Nico, tout à fait désormais tourné vers sa réélection, et qui lèche à tout va, tout ce qui passe, jusqu’aux galons : en visite il y a peu dans une gendarmerie, notre histrion élyséen s’est lancé dans un genre d’éloge, relativement aux nouvelles tenues des adjudants Cruchot. Remarquant particulièrement les brodequins arborés par nos glorieux gendarmes, Sarko eut cette phrase, mémorable : « moi, je vous dis une chose : on ne peut pas courir après les délinquants avec des chaussures basses. » Au sujet du nouveau pantalon treillis : « le pantalon à pli c’est parfait, mais ce que vous avez est plus adapté au métier. » Si tu le dis, bouffon… Puis, nettement moins drôle, il se mit à défendre le tonfa, « même si je sais que vous êtes attachés au bâton télescopique. » Enfin, du très haut de ses talonnettes, Sarkoléon ne put s’empêcher d’essayer un taser, et de regretter, dans le même temps, que « nous n’ayons pas assez d’armes non létales. » Edifiant, dites-vous? Mais c’est vrai qu’ouvrait, ce lundi, Eurosatory, marché mondial des armes, létales ou non, légales ou non, une bien belle foire à l’armement accueillie chaque année en France. Le pantalon à pli, y’a pas de doutes, c’est parfait.


                                                                                              Frédo Ladrisse
 


(1) C'est là :  http://www.senat.fr/leg/ppl09-423.html



Retourner chez Mickey ?

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Villégiaturant il y a peu quelque part en Baie de Somme (on a les baies qu’on peut) j’apprenais un matin, en parcourant le célébrissime et néanmoins local journal du patelin ( Le Réveil de Berck ) que le concours des balcons fleuris aurait lieu cette année à partir du 1er juin, avec passage du jury le vendredi 2 juillet. Fichtre. Les gars, tous aux binettes. On y apprenait dans la même page l’attaque de la flottille brise-blocus au large de Gaza, et les morts qui s’ensuivirent. Télé-Sarko donnait alors de la voix et du canon, tonnait tel un relais fidèle de Tsahal, se commettant à citer « ces soi-disant pacifistes », et balançant en boucle les images, tournées par l’armée, images montrant des méchants armés de bouts de bois agressant ces pauvres bougres des commandos israéliens eux surarmés jusqu’au dentier. « On a fait rien qu’à se défendre », bombardait le Netanyahou, lequel a sur la conscience des centaines de morts civils notamment gazaouis, et devrait être, de long temps, symboliquement pendu à la plus haute branche de l’arbre de la honte. Au lieu de tresser la corde, cette catin nommée « opinion internationale » renvoyait, une fois de plus, une fois encore — une fois de trop ? Ne rêvons pas —, dos à dos la population occupée et l’armée qui l’occupe, et l’Etat qui a décidé de cette occupation. Savez-vous ce qu’est le blocus ? Le blocus, selon Israël, c’est interdire que soient livrés dans les territoires occupés des fauteuils roulants électriques (les petits moteurs sont suspectés de servir à l’envoi de missiles sur les colonies), c’est aussi refuser deux camions chargés de béton, à l’origine destiné à la reconstruction d’écoles : parce qu’on ne sait jamais, hein, le Hamas pourrait s’en servir afin de construire des abris. « Je n’ai jamais vu une armée aussi démocratique, et se poser autant de questions morales », disait à propos de Tsahal, et la veille de son intervention, Bernard Henri-Levy, l’éloquent caqueteur néomédiaticobranleur, inébranlable défendeur des crimes contre l’humanité commis sous le drapeau frappé de l’étoile de David. Démocratie, morale, armée… Dans cette liste de mots s’est glissé un intrus, saura-tu le retrouver ?  


      Plus loin dans Le Réveil il nous est indiqué que Stéphane Plaza, animateur coca-colien dont le cerveau très disponible officie dans l’usine à foin qu’on nomme TF1, a « peur de tous les animaux, et surtout des autruches. » Vu son curriculum vitae, le garçon fait bien de se méfier. Plus loin, toujours plus loin dans Le Réveil  on apprend également qu’une vague de suicides est en train de déferler sur Disneyland Paris. Un gars s’est récemment jeté sous les rails du RER censé le reconduire chez lui, laissant un mot pour ses gamins, mot dans lequel il avouait ne plus se sentir capable « de retourner chez Mickey. » On le comprend, sauf que : chez Mickey on y est tous, y-a-il en réalité d’autre patronyme plus adapté pour un patron quel qu’il soit que celui de Mickey ? Sommes-nous, finalement, autre chose que des enfants sautant et trébuchant en tentant de lui choper la queue ? Oups, ne nous égarons pas : à l’heure — tardive et bien étrange, comme l’autruche les aime —, à l’heure, donc, où sont frappés (cognées ?) ces lignes, quelques 300 travailleurs sans-papiers, en grève, s’obstinent à camper sur le trottoir, face à l’Opéra Bastille, en la bonne — ce n’est qu’une expression — ville de Paris. J’y suis passé tantôt : après s’être fait descendre des marches du subliminal bâtiment, sorte de bunker crépusculaire dû à la fantaisie de son altesse sérénissime j’ai nommé Mitterrand, François, les gars ont installé les toiles, les réchauds, leurs colères et leurs volontés de grévistes de près de neuf mois sur la chaussée, devant les grilles, devant la rangée de gendarmes surveillant, jour et nuit, les pauvres marches anciennement squattées. Elle a, du coup, une drôle de gueule, la culture en Sarkozystan, gardée par la maréchaussée, laquelle s’arroge le droit d’ouvrir, par endroit, les barrières, pour peu que monsieur l’ambassadeur et sa nouvelle épouse fussent pris d’une soudaine envie d’opéra, ah mais ah ah, ce ne sont pas quelques gueux qui nous priveront d’adagio ! Cependant, l’engeance qui gouverne en la préfecture de police n’avait pas prévu ceci : un déplacement, certes, de la part des sans pap’, mais un déplacement de quelques mètres. Du coup, l’engeance, la voilà drôlement empêtrée, à ne plus trop savoir à quel saint bâton se vouer. Il ne suffirait plus d’une cinquantaine de garde à vues pour calmer ces poulbots ? Eh non. Les voilà, désormais, installés ô scandale !, sur le chemin de passage — on ose à peine dire chemin de halage, ah ah ah… quoi mais si, fait beau à Paname ! —, chemin donc, quoi qu’il en soit, où les grappes touristiques de base traînent leur misère et leurs dollars… C’est dire si on a des soucis, à Paris en cette heure, c’est dire comment les pauvres, dès que ça sort du trou, que ça se montre, c’est la raya. C’est surtout dire que cette nuit, ou celle qui suivra, les campeurs de la Bastille vont se faire dégager,  ramasser, nettoyé le campement, et cette fois comme tant d’autres avec pertes et fracas. Quoi faire ? Y être, si on peut. Ecouter, voir, parler, filmer. Et, s’il-vous-plaît, gens de fesse bouc, pas d’apéro géant à la Bastille, en ce moment!
 
                                                                                           Frédo Ladrisse
 

           

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