"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

vendredi 27 février 2015

La peste ou le Nutella.



Le rêve grec aurait donc vécu... Celles et ceux qui, à l’instar du volatile, étaient demeurés éveillés, insensibles aux fumées ravalées dévalées de l’Olympe démocratique, s’étonnent malgré tout non tant de la violence de la réaction troïkienne, mais de la diligence avec laquelle elle fut menée. Pour le moins, ça n’a pas traîné, tant et si bien que, de cette illusion, nous retiendrons surtout l’éphémère, le fugitif. Pour le reste, c’est depuis bien belle lurette que le barnum électoral a rejoint la boîte à soupirs, au même titre que l’ubuesque oxymoron de la révolution par les urnes. Laissons à leurs fantasmes d’enfants celles et ceux qui prétendent vaincre le choléra en usant de la peste, aussi sûrement qu’on vient à bout du cholestérol via la consommation massive de Nutella. 

Dans les faits, à Athènes comme à Paris, l’hémicycle n’est jamais que le lieu du guignol, théâtre d'ombres destiné à endormir notre méfiance, à éviter que notre regard se porte sur les lieux où se joue l'essentiel. Et si jamais le vote signale un commencement de rébellion, la machine se met en branle et broie l’espoir, à la racine : des semaines, des mois que nombre d'électeurs de Hollande répètent à l’envi qu'ils n'ont pas voté à gauche pour se retrouver, au final, avec une politique de droite, incarnée par la loi Macron ? La contestation enfle, jusque dans les rangs du Ps? On dégaine le 49-3, façon crasseuse de s'asseoir sur les électeurs, éternels dindons de cette farce. 

Il arrive néanmoins que les dindons s’ébrouent. Qu’ils remuent leurs fesses vaselineuses et glougloutent leur lassitude. Leur foi en l’élection s’étiole, et se corrompt : dans son édition du 15 mars, le Journal du dimanche rapportait qu’aux prochaines échéances l’abstention avoisinerait les 60%. Le chiffre n’est pas anecdotique. Mais, plutôt que d’en signaler l’importance, plutôt que de relever, en bonne intelligence, le fait que désormais  une large majorité d’électeurs refuse de participer et donc de légitimer le grand carnaval des faux-culs, les plumeux entonnent la vieille scie de la responsabilité-culpabilité de l’abstentionniste à qui on devrait, paraît-il, la montée du Front National – étrange arithmétique permettant, au passage, de dédouaner ceux votant Le Pen. 

Au tromblon du 49-3, exhibé lors des débats sur la loi Macron, ont répondu comme en écho les flashballs et autres canons à eau entrés en action ce samedi, à Nantes et à Toulouse. Lors de ces manifestations de soutien aux ZAD menacées, étaient également dénoncées les violences policières devenues, ces derniers mois, monnaie courante. Désireuses, probablement, d’en fournir de nouveaux exemples, les forces dites de l’ordre ont chargé sans ménagement le cortège des Rémi, sans aller, pour cette fois, jusqu’à l’assassinat. Loin des dérapages que nous servent à chaque fois les medias en guise d’alibi aux coups de tonfa en pleine gueule, l’attitude de la gendarmesque procède moins de l’improvisation que de l’application d’une stratégie consciente, réfléchie, de banalisation de la violence policière. Nous savons désormais que nous pouvons mourir en manifestation. Que nous pouvons perdre un œil, nous retrouver défiguré, à la suite d’un rassemblement pacifique. Que la baraque en bordure de ZAD, dans laquelle sommeillent une dizaine d’occupants, peut être incendiée en pleine nuit. Couverts par une chaîne de commandement conduisant aux jardins de l’Elysée, les soudards de la Mobile, munis de ce permis de tuer, ne se priveront pas d’en user. Le seul fait d’entre être informé devrait suffire à nous dissuader, à l’avenir, de toute résistance, et donc à voir mourir les ZAD, faute de combattants. 

A les éliminer, d’autant plus sûrement que le climat général s’y prête, que l’opinion publique, matraquée de propagande, serait désormais disposée à soutenir le massacre de nos illusions. On nous dit que les Français, depuis Charlie, aiment leur police. Qu’ils leur offre des fleurs. Que, de Charonne à Rémi Fraisse, en passant par Bouna, Zyed, Malik,… tout serait pardonné, oublié. Voir. Le murmure qui sourd à l’arrière des bazars, dans les kebabs, aux arrêts de bus, aux pieds des tours, contredit ce bel unanimisme. Les éventuels supplétifs aux forces de police seront à trouver ailleurs. Nous fêterons bientôt, dans le feu, les dix ans des émeutes. Gageons que, d’ici là, les occasions seront nombreuses de dénoncer les agissements des bourrins de la BAC et celles de leurs cousins des milices municipales.

Et c’est ainsi que Charlie est grand.

                                                                                                                                   Ladrisse